Chirac réagit-il à une menace iranienne ?

par Alain Hertoghe
vendredi 20 janvier 2006

Prenons le temps d’un instant pour sourire du ralliement atomique et soudain de Chirac de Corrèze au verbe musclé du cow-boy texan George W. Bush. Guerre au terrorisme, Etats voyous, recours éventuel au nucléaire : toute la panoplie du "fauteur de guerre" de Washington a été reprise à son compte par le président de la République, dans son discours de jeudi à la base de l’Ile Longue. Mais où ont bien pu passer les héraults gaulois du "camp de la paix" franco-germano-russe de 2003, Jacques Chirac et Dominique de Villepin ? Bush et Blair ont dû se pincer quand ils ont reçu la version anglaise du texte présidentiel...

Mauvais esprit mis à part, le rattrapage conceptuel du chef de l’Etat est évidemment une bonne nouvelle. Bienvenue dans le monde réel de l’après-11 septembre 2001 !

Le moment choisi par Jacques Chirac pour prononcer ce discours ne doit toutefois, sans doute, rien au hasard. La sortie présidentielle a même quelque chose d’inquiétant... Car elle intervient alors que la France joue un rôle de premier plan dans la mobilisation occidentale face à l’Iran et à la Syrie. Avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis pour contrer la volonté de la république des mollahs de se doter de l’arme nucléaire. Avec l’administration Bush pour mettre fin à l’ingérence de la dictature de Damas au Liban. Jeudi, le président syrien, qui recevait son alter ego iranien, a soutenu publiquement le programme nucléaire de Téhéran.

A la lumière de ces deux crises et de l’usage passé du terrorisme par ces deux pays pour intimider la France, le discours du président de la République prend tout son sens. Car que dit-il ? D’abord, que l’arme nucléaire n’est pas destinée à dissuader des terroristes fanatiques. Comprenez les djihadistes de la mouvance Ben Laden.

Par contre, le président menace d’une "réponse ferme et adaptée", qui pourrait être nucléaire, aux "dirigeants d’Etats qui auraient recours à des moyens terroristes, tout comme [à] ceux qui envisageraient d’utiliser, d’une manière ou d’une autre, des armes de destruction massive". Et il ajoute, à destination évidente de l’Iran, que les "forces stratégiques françaises" pourraient frapper les "centres de pouvoir" d’une "puissance régionale" qui "viseraient les intérêts vitaux du pays". Pour que les choses soient très claires, Jacques Chirac précise que " la garantie de nos approvisionnements stratégiques et la défense de pays alliés" font partie de ces intérêts vitaux.

Si les destinataires du message présidentiel avaient encore un doute sur la signification réelle de son discours de jeudi, celui-ci aura été totalement levé vendredi par le général Henri Bentégeat. Sur RTL, le chef d’état-major des armées françaises a exprimé son "inquiétude" devant "les intentions extrêmement belliqueuses" du régime iranien.

Difficile de ne pas penser que les plus hautes autorités de l’Etat estiment que la France est directement menacée d’une action violente par l’Iran ou par son allié syrien. Et qu’elles ont décidé, par la voix du président et du chef d’état-major, de les avertir de la détermination française de ne pas se laisser intimider, et même de riposter, en cas d’agression, terroriste ou autre.


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