Israël – Iran : Entre le dire, pour ne rien dire des uns, et le sang de la guerre…

par Daniel MARTIN
lundi 23 juin 2025

Alors qu’il était suspendu à un fil avec son gouvernement, vendredi 13 Juin Benyamin Netanyahou a ordonné l’attaque des installations de recherche nucléaire de l’Iran, entraînant la mort de plusieurs hauts responsables politiques et militaires de l’État Islamique. Egalement, leurs habitations détruites lors des frappes, et la mort de populations civiles, de nombreuses interrogations surgissent.

Le danger que représente la possession de la bombe nucléaire par le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, est bien réel, notamment pour Israël et l’ensemble de la région.

Le guide suprême iranien est l’ayatollah Ali Khamenei. Il convient de rappeler que, depuis 1979, la Constitution iranienne intègre la loi islamique (charia) et place l’ensemble des institutions, politiques, judiciaires, militaires et médiatiques, sous l’autorité du Guide suprême de la Révolution islamique. Depuis la mort de l’ayatollah Khomeyni en juin 1989, cette fonction est occupée par l’ayatollah Khamenei. Autrement dit, un pouvoir absolu, dont il est permis de redouter le pire.

Quelques rappels pour le fonctionnement de la vie politique en Iran

Les femmes et hommes détiennent le droit de vote. Pour exercer ce droit, il faut être âgé de 15 ans au moins.

Le président est élu pour un mandat de quatre ans et ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Deuxième personnalité du pays selon la Constitution, le président est chargé de garantir son application. En tant que chef d'État, il signe les traités et accrédite les ambassadeurs. Il est aussi le chef du gouvernement. Mais en pratique, ses prérogatives sont limitées et il peut être destitué par le Guide suprême ou le Parlement.

Concernant le Gouvernement Iranien  : Ses membres sont nommés par le président et leur nomination doit être approuvée par le Parlement. Ses prérogatives sont également limitées puisque le Guide suprême est très impliqué dans les affaires liées à la défense, à la sécurité et à la politique étrangère.

Le Parlement est composé de 290 membres, ils sont élus au suffrage universel tous les quatre ans. Le Parlement a le pouvoir d'introduire et de voter des lois, et est habilité à convoquer et à destituer les ministres ou le président. Notons cependant que toutes les lois adoptées par le parlement (Majlis ) reçoivent l'accord préalable du Conseil des gardiens de la Constitution. Pour en savoir plus : https://enseignants.lumni.fr/parcours/1320/guide-supreme-president-comment-fonctionne-le-pouvoir-en-iran.html

l’une des caractéristiques fondamentale du Chiisme, en Iran le vrai détenteur du pouvoir est bien l’ayatollah Ali Khamenei et non le gouvernement issu des élections.

Pour rappel : (extrait de GEO du 15 septembre 2022 : https://www.geo.fr/histoire/quelles-sont-les-differences-entre-les-sunnites-et-les-chiites-210358 ). L’origine des différences entre sunnites et chiites se situe à la mort du Prophète de l’Islam, en 632. C’est alors que le clivage entre sunnites et chiites naît. La disparition de leur Prophète pose la question de sa succession. Tandis que les chiites choisissent le fils spirituel de leur prophète Muhammad, Ali, pour guider les croyants au nom des liens du sang, les sunnites décident de faire d’Abou Bakr, compagnon du Prophète depuis toujours, le premier calife. Au-delà d’une simple décision de leadership religieux, c’est alors la vision tout entière de la religion islamique qui va se scinder en deux.

Les chiites fondent ainsi un clergé à la structure très hiérarchisée, dont l’autorité est révérée, car chacun de ses représentants est considéré comme un descendant de la famille de leur Prophète. L’imam chiite est alors un médiateur qui tire son autorité directement de Dieu.

Les sunnites, quant à eux, élèvent uniquement le Coran au rang de texte divin : l’imam est alors un homme parmi les hommes, choisi pour guider la communauté des croyants sur le chemin de la religion à l’aide du Coran et de la Sunna, recueil des récits et enseignements attribués à leur Prophète. Cela explique également que certain(e)s musulman(e)s retiennent essentiellement la dimension politique et violente du Coran, rédigée à Médine, lorsque leur Prophète et son groupe de fidèles s’y réfugièrent après avoir été chassés de La Mecque.

Si ces différences entre sunnites et chiites peuvent paraître superficielles, elles ont un impact profond sur la manière dont les sociétés islamiques se sont organisées. Ainsi, les sunnites n’ont pas de problème à ce qu’autorités religieuses et politiques se confondent. Mais les chiites, eux, souhaitent une séparation des pouvoirs du fait du caractère sacré de l’imam, qui ne saurait être sélectionné par un processus reposant sur autre chose que les liens du sang avec le Prophète Muhammad.

Aujourd’hui, les sunnites sont majoritaires à travers le monde : 85 % des musulmans se réclament ainsi du sunnisme, avec l’Arabie Saoudite, le Maghreb et le Pakistan comme principaux pays porteurs de ce courant islamique. Les chiites, quant à eux, sont présents en minorité dans des pays sunnites comme le Pakistan, mais ils sont surtout la majorité dans des pays comme l’Iran et l’Irak.

Il est évident qu’en Iran, le rôle de médiateur attribué au Guide suprême, qui tire selon la doctrine religieuse chiite son autorité directement de Dieu, conduit de fait à une concentration de tous les pouvoirs entre les mains de l’ayatollah Ali Khamenei. Ce dernier dispose d’une véritable armée avec les Gardiens de la Révolution (les Pasdarans).
Il est incontestable que si l’ayatollah Ali Khamenei, qui refuse de reconnaître l’existence d’Israël et menace régulièrement de sa destruction, venait à posséder l’arme nucléaire, cela représenterait un risque réel non seulement pour Israël, mais aussi pour les pays occidentaux alliés d’Israël, comme la France.

L’Iran d’aujourd’hui n’est plus celui de 1980, lorsqu’il avait suspendu son programme nucléaire militaire, lancé par le Chah d’Iran dans les années 1950 avec l’aide des États-Unis, puis de l’Europe

Avec sa volonté maintes fois exprimée de détruire totalement Israël, le risque devient bien réel si l’ayatollah Ali Khamenei venait à posséder la bombe nucléaire. Les prises de position actuelles de plusieurs partis politiques français de gauche (PCF, LFI, Verts, PS) contre Israël sont pour le moins choquantes, et traduisent quelque chose de profondément malsain, avec en filigrane quelques relents antisémites chez certain(e)s.

Nous ne sommes plus en 1980, quand, pour les élections européennes de 1984, les Verts, dont je faisais partie, proposaient la création d’un espace méditerranéen de relations culturelles et d’échanges économiques entre les pays riverains du Nord et du Sud de la Méditerranée, avec des pays observateurs, dont l’Union européenne (qui ne comptait alors que 10 États membres, contre 27 aujourd’hui) et l’Iran.

J’avais d’ailleurs eu un entretien à cet effet avec la personne ayant rang d’ambassadeur. L’échange fut des plus courtois. La diplomatie exigeant, j’avais souligné la grandeur de la civilisation Perse, dont il était l’héritier, et nous avions échangé des documents, notamment notre projet de l’époque. Si le choix de l’Iran comme pays observateur pour cet espace méditerranéen s’était imposé, c’est parce qu’il était le pays le plus peuplé de la région et victime d’une guerre déclenchée par l’Irak, avec le soutien de l’Allemagne, des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Cela comportait un risque inévitable : celui de renforcer les éléments les plus radicaux du nouveau régime religieux iranien. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit.

L’Iran était-il réellement en capacité de disposer de l’arme atomique ? La négociation est-elle encore possible ?

L’attaque et la destruction des installations de recherche nucléaire par Israël, au nom de sa protection, étaient-elles si urgentes ? Et les frappes sur les sites d’enrichissement d’uranium ne risquent-elles pas de disperser dans la nature des matériaux radioactifs et chimiquement toxiques ?

Certains experts affirment que les pollutions seraient limitées à la proximité des sites. Mais nous avons connu ce type d’argument dans le passé en Europe, avec un certain nuage radioactif qui, en 1986, se serait soi-disant arrêté aux frontières de la France. On a vu ce qu’il en était réellement, comme l’a démontré la CRIIRAD, créée à cette occasion.

Si la volonté de posséder l’arme nucléaire par l’Iran est bien réelle et que la compétence de ses ingénieurs est incontestable, les avis divergent sur les délais nécessaires pour y parvenir. Pour certain(e)s spécialistes, il ne restait que quelques jours ; pour d’autres, l’échéance était plus lointaine.

Quand les propos confus de Donald Trump sont suivis d’une entrée en guerre des États-Unis aux côtés d’Israël, par des bombardements massifs, ne court-on pas le risque d’un embrasement généralisé du Moyen-Orient ?

Il convient aussi de rappeler qu’en 2015, malgré les protestations israéliennes, les États-Unis, sous la présidence d’Obama, avaient signé un accord avec l’Iran sur son programme nucléaire. Cet accord prévoyait une limitation du programme iranien pendant au moins une décennie, ainsi qu’un renforcement des contrôles, afin de garantir que l’enrichissement de l’uranium serve uniquement à produire de l’électricité, et non des armes nucléaires. En contrepartie, il prévoyait une levée progressive des sanctions contre l’Iran.

En 2018, Donald Trump, alors président, rompt unilatéralement cet accord. Entre 2017 et 2021, il permet à Israël de multiplier les attaques contre l’Iran, allant jusqu’à l’assassinat de plusieurs scientifiques iraniens.

Le même Donald Trump, se présentant récemment encore en « homme de paix », évoquait une possible négociation avec l’Iran qu’il conduirait lui-même. Et pourtant, contrairement à ses engagements de campagne, il entre en guerre contre l’Iran en soutien à Israël, en bombardant intensivement les trois principaux sites de recherche nucléaire de Fordo, Natanz et Ispahan, avec toutes les conséquences imprévisibles que cela implique pour le Moyen-Orient. À son âge, on attendrait davantage de sagesse ; c’est au contraire ubuesque et dramatique.

Sans l’accord du Conseil de sécurité des Nations unies, et en violation flagrante du droit international, le peuple iranien se retrouve pris en étau entre Khamenei, Trump et Netanyahou, avec en prime les radiations nucléaires.

Non seulement ces bombardements risquent d’intensifier les représailles de l’Iran contre Israël, entraînant de nombreuses victimes, mais ils vont aussi souder la population iranienne autour de l’ayatollah Ali Khamenei, y compris parmi ses plus farouches opposants.

Donald Trump ne devrait pas ignorer que, sauf à y être contraint par une intervention militaire terrestre, l’ayatollah Ali Khamenei ne se pliera pas à ses exigences. Sous les bombes et les missiles américains, il choisirait plutôt de mourir que de s’incliner, puisant, selon la doctrine religieuse chiite, son autorité quasi absolue de Dieu lui-même. Ce qui n’exclut pas, pour autant, une recherche de la paix, tant qu’il en est encore temps...

Pour conclure :

L’Iran était-il à quelques jours de se doter de l’arme nucléaire, comme l’a affirmé Israël pour justifier le déclenchement de la guerre, il y a maintenant neuf jours ? Selon le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, l’Iran disposait bien des différents éléments nécessaires à la fabrication d’une bombe nucléaire et détient un stock important d’uranium enrichi à 60 %, ce qui n’a pas d’usage civil. Une fois ré-enrichi à 90 % et converti de l’état gazeux à l’état métallique, cet uranium permettrait de fabriquer près de dix bombes. Mais, malgré les bombardements menés par Israël puis par les États-Unis, cela a-t-il réellement supprimé tout risque ?

 


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