Le déclin de l’empire américain selon Richard Wolff :

par politzer
jeudi 19 juin 2025

 

une analyse marxiste

Richard Wolff, économiste marxiste américain de renom, est une voix influente dans le débat sur la fin de l’empire américain. À travers ses conférences, livres, et interventions médiatiques, notamment sur Democracy at Work, il dresse un portrait incisif du déclin économique, géopolitique et social des États-Unis. Pour Wolff, ce phénomène s’inscrit dans une dynamique historique inéluctable, marquée par les contradictions internes du capitalisme. Cet article synthétise sa pensée sur ce sujet brûlant : le basculement économique entre le G7 et les BRICS, un point central de son analyse.

Une perte de suprématie économique

Wolff soutient que l’hégémonie économique des États-Unis s’effrite. Il met en lumière un basculement significatif : le PIB combiné du G7 (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada) ne représente plus que 28 % de la production mondiale, tandis que celui de la Chine et des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) atteint environ 35 %. Ce renversement symbolise la fin de la domination économique occidentale.

Il critique les politiques économiques récentes, comme les tarifs douaniers et les réductions fiscales sous l’administration Trump, qu’il qualifie de « gestes désespérés d’un empire en déclin ». Ces mesures, selon lui, creusent les inégalités, dépriment les salaires et négligent des problèmes structurels tels que l’inflation ou les dépenses massives du complexe militaro-industriel, qui engloutit près de la moitié du budget discrétionnaire américain. Wolff y voit une incapacité à s’adapter à un monde où les États-Unis ne dictent plus les règles.

Des erreurs géopolitiques coûteuses

Sur le plan géopolitique, Wolff pointe du doigt les erreurs stratégiques des États-Unis, notamment dans la gestion du conflit Ukraine-Russie. Il argue que les sanctions contre la Russie, destinées à l’affaiblir, ont échoué. Au contraire, la Russie a réorienté ses exportations énergétiques vers des alliés BRICS comme la Chine et l’Inde, enregistrant une croissance économique plus rapide que celle des États-Unis pendant cette période. Ce fiasco illustre, pour Wolff, l’incapacité de Washington à comprendre un monde multipolaire.

Il déplore également le déni bipartisan aux États-Unis : ni les démocrates ni les républicains n’admettent publiquement ce déclin, évitant le sujet lors des campagnes électorales. Ce refus de reconnaître la réalité entraîne des décisions malavisées, coûteuses pour le pays et ses alliés.

Une société en proie à la désintégration

À l’intérieur des frontières, Wolff décrit une société américaine en proie à une « autodestruction ». S’appuyant sur la pensée de Marx, il affirme que le capitalisme tardif consume ses propres structures. La privatisation croissante – du service postal à l’éducation – et les politiques d’austérité appauvrissent la classe ouvrière tout en enrichissant une élite oligarchique. Les crises du logement, de la santé et des finances alimentent un mécontentement social croissant, que des figures comme Trump exploitent en désignant des « ennemis internes » pour détourner l’attention des failles systémiques.

Pour Wolff, ces symptômes rappellent les dernières phases d’un empire en déclin, incapable de répondre aux besoins de sa population. Il compare ce processus à celui de l’Empire britannique, dont le déclin, amorcé au XIXe siècle, s’est concrétisé avec la perte du statut de monnaie de réserve de la livre sterling dans les années 1950.

L’essor des BRICS et la question du dollar

Wolff accorde une importance particulière à l’émergence des BRICS comme contre-pouvoir économique. Ces nations travaillent à établir des monnaies alternatives et à réduire leur dépendance au dollar américain, menaçant ainsi un pilier de l’influence mondiale des États-Unis. Toutefois, il nuance l’idée selon laquelle le statut du dollar comme monnaie de réserve serait l’unique fondement de l’empire. Pour lui, le capitalisme repose sur un système interdépendant de production, de marchés et de monnaie, et la perte d’hégémonie américaine est un phénomène plus large.

Il critique également la stratégie économique des États-Unis, qu’il qualifie d’« illusions ». L’externalisation de la production industrielle et la dépendance aux monopoles technologiques affaiblissent le pays face à des économies émergentes plus dynamiques.

Une transition historique inévitable

Wolff inscrit le déclin américain dans un cycle historique : les empires naissent, dominent, puis s’effondrent, souvent en niant leur faiblesse jusqu’à l’évidence. Il compare les États-Unis à Rome ou à la Grande-Bretagne, soulignant que ce déclin, entamé depuis plus d’une décennie, est un processus systémique, et non un événement ponctuel. Cependant, il ne voit pas cette transition comme une catastrophe absolue, mais comme une opportunité de repenser le système.

Dans son ouvrage Democracy at Work : A Cure for Capitalism, il propose des solutions radicales, comme la démocratisation des lieux de travail et le développement de coopératives, pour remplacer un capitalisme défaillant. Il note que de nombreux pays se tournent désormais vers Pékin ou New Delhi pour des partenariats économiques, signe que l’influence de Washington s’amenuise.

Conclusion

Pour Richard Wolff, la fin de l’empire américain est une réalité tangible, marquée par un déclin économique, des erreurs géopolitiques et une désintégration sociale. Loin de n’être qu’une critique, sa pensée invite à réfléchir à des alternatives systémiques pour un monde en mutation. Alors que les États-Unis cèdent du terrain face aux puissances émergentes, Wolff appelle à une transformation radicale, où la coopération et la démocratie économique remplaceraient un capitalisme en bout de course. Dans un monde multipolaire, son message résonne comme un avertissement et un espoir : reconnaître le déclin, c’est ouvrir la voie à un renouveau.

 


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