Vingt millions d’euros pour cinq logements sociaux

par Pascal I2BX
jeudi 9 novembre 2006

Depuis quelques mois le sujet des ventes à la découpe occupe une place de choix pour les élus parisiens, et notamment ceux du 14e arrondissement. Actuellement, l’image donnée facilement est celle d’un phénomène de spéculation abusive, sans prendre en compte cependant l’évolution de ce type de vente depuis plusieurs décennies. Il en résulte notamment le fait que Paris appartient désormais majoritairement à des particuliers, et non plus à quelques propriétaires, comme cela était le cas il y a cinquante ans encore. Dès le mois de mars 2006, une inquiétude planait sur de grands ensembles appartenant à la société foncière GECINA, situés rue du commandant Mouchotte, près de la Gare Montparnasse. Alors que les négociations avaient été entreprises entre la Ville de Paris et la Gecina, cette dernière avait alors décidé de ne plus procéder à la vente de cet ensemble. Ce volte-face contrecarrait le recentrage d’activité de la société en question, et notamment le désengagement du foncier locatif d’habitation après les modifications au sein de son capital. Depuis lors cependant, des pourparlers semblent avoir été engagés entre la Gecina et la mairie sur d’autres adresses. La Ville de Paris a ainsi jeté son dévolu sur le 36/38/40 rue Cabanis, grand ensemble de 47 logements construits en 1966. Comme il est situé dans le quartier Montsouris, l’acquisition par la ville, à travers notamment l’OPAC, de cet ensemble permettrait de rééquilibrer, en l’augmentant, la densité de logement sociaux dans ce quartier du quatorzième qui ne compte que 10% de logements sociaux. L’arrondissement compte, rappelons-le, d’ores et déjà plus de 20% de logements sociaux, conformément au quota fixé par la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) , mais ceci, au niveau d’une ville.

Concrètement, la reprise par l’OPAC se fera à la date du 18/12/06 au terme d’une cession d’un montant de 18,7 millions d’euros. S’ensuivront des travaux pendant une période de six mois, pour un montant avoisinant le million d’euros. Les logements seront donc conventionnés selon les règles du logement social, soit en PLUS (à usage social) soit en PLAI (très très social, intégration). Le loyer actuel moyen des appartements est de 14,78 euros/m² et sera donc baissé à 6,32 euros/m² (voire à 5,63 euros/m² pour le PLAI) pour les personnes qui vivent sous le plafond de ressources (il est à comparer à la moyenne des loyers variant de 20 à 22 euros dans le 14e arrondissement dans le domaine locatif privé.) Et cela sera surtout destiné aux locataires actuels, dans la mesure où seuls cinq logements sont vacants.

Car c’est bien là que le bât blesse ! Pour 20 millions d’euros, la ville ne crée dans le cas de ce rachat que cinq logements sociaux pour les demandeurs, quand le 14e arrondissement en compte plus de 5500. Pour les autres, la sécurité de ne voir leur loyer augmenter que modérément (voire baisser d’un facteur 2) et le maintien dans les lieux devient un droit inaliénable. Sur la quarantaine de foyers, vingt-cinq se déclaraient relativement inquiets à l’annonce d’une vente à la découpe. Les voici rassurés, car désormais ils font partie, et ceci quels que soient leurs revenus, du parc social de la ville, où le taux de rotation moyen est de 2,5%, ne  laissant la perspective de libérer des logements pour les demandeurs qu’à long, voire à très long terme.

Si les ventes à la découpe constituent pour certains un réel sujet d’inquiétude, pour d’autres, c’est un moyen d’affirmer que le politique, à travers des pouvoirs publics, peut prendre le dessus sur un marché presque libre, celui du logement. Le contribuable parisien y participe, en achetant 47 logements à un prix moyen de 380 000 euros.


à voir également :

les ventes à la découpe dans le 14e [1/2]

les ventes à la découpe dans le 14e [2/2]

Logement social [1/2] : la situation dans le 14e

Logement social [2/2] : au-delà des 20% ?


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