Mes amis d’enfance

par C’est Nabum
samedi 2 septembre 2017

Le rêve évanoui.

Ils étaient une partie de moi-même, de mon quotidien, mes joies et mes petites colères et de mes grandes joies. Tous les jours à mes côtés, à l’école surtout, ce beau lieu d’alors où nous passions le plus clair de nos journées mais aussi au sport, dans la rue à traîner et au bord de Loire à baguenauder. Nous étions inséparables et nous pensions alors que rien ni personne n’allait briser nos chaînes.

L’école qui nous avait unis a brisé les liens, imperceptiblement d’abord, sournoisement parfois, radicalement le plus souvent. Les uns quittant très vite le navire dans mon village d’en-France pour l’école professionnelle des usines Simca. Dès la cinquième, ils partaient se former dans la grande entreprise d’alors prônait une promotion interne qui fonctionnait incroyablement pour les enfants des ouvriers de la maison.

Puis il y a eu les aléas de l’existence. Quelques déménagements, des départs lointains dus à des difficultés diverses, l’un tâtant la dure réalité des écoles militaires, l’autre s’exilant chez les orphelins d’Auteuil, le troisième payant une fugue en se retrouvant dans un pensionnat redoutable. Ceux-là ne revenaient qu’épisodiquement et changeaient tant que nous ne les reconnaissions plus comme étant des nôtres.

Le lycée marqua la grande fracture non seulement en favorisant une dispersion mais tout autant en provoquant clivages et distinctions. Les uns choisissant la préfecture et ses promesses de grandeur, les autres préférant la cité de la faïence pour rentrer tous les soirs à la maison, quelques-uns partant pour des formations professionnelles qui les éloignaient encore davantage. L’éclatement avait lieu que les grandes vacances elles-mêmes ne parvenaient pas à colmater.

Déjà les options de vie se manifestaient tout autant que les nécessités économiques. Certains partaient barouder dans des colonies de vacances comme moniteur en devenir quand d’autres devaient améliorer l’ordinaire en allant travailler. Le rendez-vous sur le muret des douves devant le château prenait alors des allures faméliques, nombreux étaient ceux qui avaient quitté le village.

Souvent, ils n’y revenaient plus guère. Ils avaient trouvé l’herbe plus verte ailleurs et quand ils comprendront bien des années plus tard combien étaient là leurs racines, il sera hélas trop tard. Ils avaient trouvé chaussure à leur pied, préférant les délices du duo aux joies discutables de la bande. Parfois ils donnaient une petit signe de vie en s’enfuyant bien vite de peur de perdre leur trésor.

En ce temps-là encore, un autre motif de fragmentation se dissimulait dans une certaine et périlleuse obligation militaire. Les plus chanceux en réchappaient quand les autres subissaient son impitoyable loterie. Les moins heureux partaient si loin que durant une année, ils ne pointaient plus le bout de leur calot.

Le rendez-vous était désormais désert. Celui qui s’y aventurait trouvait muret vide et avait l’âme en peine. Les belles années d’insouciance s’étaient envolées à jamais et la belle bande s’étaient dispersée au loin. Les uns se firent oiseaux migrateurs et ne revinrent jamais, les autres faisaient quelques passages épisodiques à la recherche d’une période à jamais révolue.

Le village avait subi grande transformation. Les usines Simca avaient fermé, éparpillant ceux qui croyaient vivre au pays le reste de leur âge. Combien des camarades de la communale sont restés vivre ici ? Je ne sais, bien peu sans doute puisque je ne les retrouve pas lors de mes passages dans mon village. Les autres, ils sont partis sans avoir laissé d’adresse, éparpillés aux vents de l’existence.

Ils me manquent tous. J’aimerais les retrouver, assis devant le château, discutant des heures afin de déterminer l’objet et le but de la prochaine bordée. Pascal, Jérôme, Hervé, Jean-Michel, Dominique, Alain, Thierry, Yves, Paul, Philippe et tous les autres. Les filles aussi qui rejoignirent notre groupe quand l’âge nous fit découvrir combien elles nous étaient agréables.

Si certains se retrouvent dans cette évocation d’un temps révolu, qu’ils me fassent signe. J’ai envoyé ici une bouteille à la mer, un billet nostalgique voguant sur la vague. Ce serait miracle que des camarades d’alors, sullylois d’enfance se trouvent à lire ce billet mais si tel était le cas, qu’ils me fassent le cadeau d’un message, je ne les ai jamais oubliés et ils me manquent plus que jamais depuis que nous avons coupé les ponts.

Nostalgiquement leur.

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