Sarkozy dans le fruit médiatique

par Gérard Ponthieu
mardi 27 décembre 2005

Quand médias et politiciens s’acoquinent sans retenue... que peut-il advenir de bon pour la démocratie ? Quoi donc, sinon un rejet de ce que d’aucuns ont beau jeu d’appeler l’« établissement ».

Élysons Sarkozy « homme de l’année » en 2005 plutôt qu’en 2007. Voilà le fond de ma pensée du jour, après avoir recensé les plus récents exploits de l’objet médiatique [en dehors de la très commentée interview de Loïc Le Meur]. Soit :

- La censure de Noah dans son interview à Paris Match. La phrase caviardée, un « détail » : « Une chose est sûre : si jamais Sarkozy passe, je me casse ! ». Le Canard raconte l’affaire par le menu, et interroge Alain Genestar, directeur de la rédaction de l’hebdo de Lagardère, ami de Sarkozy : «  Je réceptionne une interview très longue, après, je décide avec la personne interviewée de ce qui paraît ou pas. Moi, je n’ai jamais censuré personne de ma vie de journaliste. [...] » Attendons la version de Noah, que le Canard n’a encore pu joindre.

- L’action judiciaire intentée par l’UMP à l’encontre d’Act Up et visant à interdire l’affiche ci-contre. Explications d’Eric Labbé, porte-parole d’Act Up [Libération, 24/12/05] : « Peter Lindberg, l’auteur de la photographie que nous avons utilisée, s’est retourné contre nous au nom du droit moral sur son oeuvre. C’est une photo officielle et nous estimons que notre démarche relève du droit de caricature. Mais, compte tenu de la fragilité d’Act Up, nous avons préféré retirer l’affiche de notre site Internet. Plus globalement, on espère que cette campagne va convaincre la gauche au sens large qu’il est temps de s’attaquer frontalement à cet homme.  »

- L’interview du même Sarkozy dans Libération [23/12/05], titrée « Je connais mieux ce qui se passe en banlieue que Thuram ». Entretien que Libé qualifie de « musclé », et qui me fait penser à Coluche dans un de ses sketches : « Je cause français très mieux que vous et je vous merde ». C’est à qui traitera l’autre d’extrémiste, comme s’il n’y avait pas, dans ce bras de fer de cour d’école, une sorte de reconnaissance mutuelle.

D’ailleurs, à quoi bon interviewer Sarkozy ? Dans quel but ? Le Pen aurait dû, en montrant aux journalistes la dangereuse vanité du genre, dissuader ces va-t-en guerre de batailler contre des démagogues et des menteurs. Je crains que le ver ne soit dans le fruit. Que Sarkozy ait élu domicile dans la pomme médiatique : au-delà de Lagardère-Hachette-Match ; de Dassault-Le Figaro et de leurs empires ; au-delà des états d’âme éditoriaux du Monde... Au-delà du copinage Sarkozy-July pris en pleins bisounours publics, ainsi qu’il est révélé dans  L’Almanach critique des médias, (éd. Les Arènes) et sur leur site - à visiter.

Au-delà donc il y a, plus grave encore, cette très fâcheuse propension des médias à la mise en spectacle du monde et de ses acteurs en incessante représentation. Il est vrai que le spectacle implique des spectateurs. Telle est la vraie question politique.

Les images :
- « Noah. Mes quatre vérités à la France » Quatre, moins une.
- L’affiche d’Act Up.
- Bisous-bisous entre potes. Y a un truc ? Hélas non.


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