Simplification administrative

par Roues Libres
jeudi 22 décembre 2005

Le titre sonne comme un oxymoron. Comment associer en effet deux termes aussi opposés ? Eh bien, en accroissant le recours à la technologie et aux automatismes ont pensé nos responsables sous la pression des usagers excédés. La mise en oeuvre des radars automatiques en a été la première étape expérimentale. Ce n’est, bien entendu, pas par là que les usagers excédés auraient commencé mais soit... À peine l’infraction est-elle "captée" industriellement, qu’elle est traitée selon un processus très largement automatisé qui décode les immatriculations coupables, les indexe à la base de données des cartes grises, puis identifie le propriétaire et lui adresse, dans les cas les plus simples et en 48 heures, le PV à son domicile. Merci. Paiement par CB ou prélèvement autorisé. L’ État fait aussi bien que La Redoute. C’est en quelque sorte l’octroi automatisé.

Le stationnement interdit, autre vache sacrée du prélèvement autoritaire, digne successeur de la gabelle, était, lui , resté à la traîne. Avec de pitoyables résultats, puisque 50% environ des amendes étaient purement et simplement balancées au caniveau du recouvrement infructueux. Bref il fallait simplifier... C’est ce à quoi s’est employé l’efficace et communicant Jean-François Coppée, ministre délégué au Budget avec les encouragements de son manager de patron, Thierry Breton. La méthode est classique, et utilisée dans toutes les entreprises. Examen des meilleures pratiques, et économies d’échelle. Le constat était facile à faire : pourquoi ne pas utiliser la filière automatisée développée avec tellement de succès pour les radars ? Brillante idée, et les voilà partis. Les papillons vont désormais être robotisés. C’est à peine s’ils auront laissé une trace sur le pare-brise que la facture sera déjà à la maison. Pour les habitués, on parle même d’une autorisation de prélèvement automatique qui pourrait, pourquoi pas, tout à fait être sous-traitée à France Telecom . Dans le fatras des offres "simplifiées" des opérateurs télécom, il faut en effet reconnaître qu’un PV ou deux passerait tout à fait inaperçu. Tout bénéfice pour les préposés, qui pourront donc scanner à distance les coupables sans subir leur vindicte. Avec un petit bonus à la clé, on doit même très sérieusement améliorer le rendement et élargir la cible de clientèle y compris aux innocents... Pour contester, tout est bien sûr prévu. On paye d’abord, puis on discute.

La preuve est désormais faite que la technologie est bien plus efficace que la fonction publique pour permettre à l’ État d’ opérer ses ponctions. La même démarche va être employée pour préremplir les déclarations de revenus, dernière étape avant le prélèvement à la source que tout contribuable salarié appelle logiquement de ses voeux. Les fonctionnaires de Bercy ne sont bien entendu pas du même avis, et se sont employés à le faire savoir. Au point qu’une prime spéciale de 320 € leur a été allouée par nos ministres au titre du préjudice qu’ils vont subir en n’ayant plus à faire ce qu’ils ne faisaient pas. Petit coup d’extincteur, afin de parer au plus pressé, qui rappelle la prime de charbon à la SNCF...

Mais la complexité n’est jamais très loin quand il s’agit de simplifier les procédures administratives. Qu’on en juge. Avec 3 millions de contribuables courageux, j’ai réussi l’an passé à déclarer mes revenus vers 2 heures du matin une nuit de semaine. J’avais vaincu tous les obstacles, mis 3 à 5 fois plus de temps que d’ordinaire à me débarrasser de la corvée, mais j’avais le cœur léger. J’avais contribué à la simplification administrative, et investi pour l’avenir. Car on le sait, c’est le premier de série qui coûte toujours le plus cher. Que nenni ! Pas quand il s’agit de simplifier l’administration ! J’apprends que cette année, tout est à refaire, à commencer par la procédure d’inscription qui est très hautement sécurisée, au cas où un hacker s’aviserait de payer mes impôts à ma place. Et là, nos fonctionnaires ont redoublé d’ingéniosité pour simplifier. Il faut, en effet, pour obtenir un identificateur et le cookie qui va avec, lui-même vous donnant accès au tabernacle fiscal qui contient votre précieuse déclaration, il faut, vous dis-je, votre relevé d’impôts 2003, et votre déclaration 2004. Le relevé d’impôts, je l’ai retrouvé par miracle,, après l’avoir confondu avec les 3 avis d’imposition de la même année, qui ne me sont bien sûr d’aucune utilité pour obtenir mon revenu fiscal de référence. Cette information est strictement obligatoire pour montrer patte blanche. Mais la déclaration 2004 sur papier qui, elle, aurait dû me fournir mon numéro de télédéclarant, est bien entendu depuis longtemps à la poubelle, puisqu’étant justement télédéclarant, je ne l’ai pas utilisée... Au secours !

Me voici donc contraint de revenir à la déclaration sur papier dès le mois de février. Ce qui tombe bien, puisque justement elle sera pré-remplie, et donc simplifiée. Je vais donc gagner du temps. À moins qu’ayant télé-déclaré en 2005, on ne m’envoie plus de papiers, ce qui serait logique, et bon pour nos forêts. Mais j’en doute. Quant aux fonctionnaires des Impôts, gageons que nous n’avons pas fini de les payer à faire de coûteux projets de simplification, à nos frais. La place de numéro 1 européen du ratio coût de recouvrement / Impôts est en effet à ce prix.


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