Un diamant trouvé sur la plage - Chronique économique estivale

par Luniterre
samedi 5 juillet 2025

 

« Je me promène au bord de la mer. Un heureux hasard me fait mettre la main sur un superbe diamant. Me voilà en possession d’une grande valeur. Pourquoi ? Est-ce que je vais répandre un grand bien dans l’humanité ? Serait-ce que je me sois livré à un long et rude travail ? Ni l’un ni l’autre. Pourquoi donc ce diamant a-t-il tant de valeur ? C’est sans doute que celui à qui je le cède estime que je lui rends un grand service, d’autant plus grand que beaucoup de gens riches le recherchent et que moi seul puis le rendre. Les motifs de son jugement sont controversables, soit. Ils naissent de la vanité, de l’orgueil, soit encore. Mais ce jugement existe dans la tête d’un homme disposé à agir en conséquence, et cela suffit. »

Frédéric Bastiat - Harmonies économiques - 1850

 

Que sa possession soit le fruit d’un improbable hasard sur le sable de la plage ou le fruit d’un travail acharné pour l’extraire des entrailles de la terre, la valeur d’un diamant ne réside jamais que dans l’apparence sociale de richesse qu’il pose.

 

La simple apparence est l’utilité sociale du diamant comme nourrir est l’utilité sociale du pain. Que la possession de l’un ou de l’autre aient nécessité plus ou moins de travail est un présupposé qui questionne donc la valeur du travail. Mais quoi qu'il en soit, gagnés avec ou sans travail, nourrir reste l’effet social du pain comme l’apparence reste l’effet social du diamant, et c'est bien cet effet social qui en fait la valeur immédiate.

 

La question de savoir si le travail humain a une valeur ou non dépend donc uniquement de son utilité sociale. C’est la valeur particulière de l’énergie du travailleur. Le travail est d’abord et avant tout une énergie (*), et c’est sous cette forme fondamentale qu’il a une utilité sociale ou non, une valeur ou non.

 

Comme exemple comparatif : l’énergie dépensée par un sportif amateur l’est en pure perte du point de vue économique, tant qu’il reste en dehors d’une structure directement ou indirectement commerciale.

 

La même quantité d’énergie dépensée par un sportif professionnel a une valeur augmentée à partir du moment où elle est spectaculairement marchandisée.

 

La quantité d’énergie dépensée par un ouvrier au cours d’une opération de production est mesurable par le temps de travail moyen consacré à cette opération, par exemple le temps nécessaire à tourner tel ou tel épaulement d’une pièce avec telle ou telle machine plus ou moins perfectionnée techniquement.

 

Il y a une quantité de travail fournie par la machine, une autre par l’ouvrier, et donc un rapport entre les deux : capital fixe/capital variable. La somme des deux énergies est la base du capital industriel productif tel qu’il a révolutionné le monde au XIXème siècle.

 

La question de la valorisation du capital est simplement celle de sa valorisation sociale, qui est elle-même simplement celle de son utilité sociale.

 

L’utilité sociale s’entend au sens basique des nécessités premières de la vie, mais aussi au sens des relations sociales : les marchandises peuvent être des biens de première nécessité ou non. Un bijou, un sac de luxe ou une voiture de sport ont essentiellement une valeur « d’utilité sociale » pour jouer les m’as-tu-vu en ville.

 

Les tableaux de Van Gogh ont très longtemps eu une valeur quasiment nulle avant d’être socialement appréciés par le plus grand nombre. Néanmoins toutes ses œuvres ont en tout temps de sa courte vie nécessité une dépense d’énergie de sa part, dont on pourrait éventuellement faire une moyenne en rapport du nombre de ses œuvres. C’est donc l’utilité sociale de son travail qui a varié au cours du temps et qui a fini par le transformer en capital.

 

Dans sa définition du Capital Bastiat ne dit pas autre chose non plus, même s’il s’acharne laborieusement à tenter de démontrer le contraire dans les fabliaux qui sont la toile de fond de son œuvre :

 

 

Sources :

 

https://image.eklablog.com/-T3XEhpJImmvvK2uNwxVHTst_2Q=/filters:no_upscale()/image%2F1241236%2F20250610%2Fob_4dddcd_bastiat-capital-definition.png

 

http://www.catallaxia.free.fr/www.liberaux.org%20-%20ebook%20-%20Oeuvres%20compl%e8tes%20de%20Fr%e9d%e9ric%20Bastiat%20-%20Tome%205%20%5b%20Sophismes%20%e9conomiques%20-%20Petits%20pamphlets%20II%20%5d.pdf

 

 

Son histoire de diamant trouvé sur la plage est un exemple typique de ce procédé réduisant l’analyse de fond à des situations hypothétiquement ad hoc pour sa « démonstration » mais le plus souvent improbables en termes de réalité et qui manquent finalement leur cible sauf celle d’inciter à une réflexion, mais en fait plutôt pour le lecteur attentif et pas forcément disposé à tomber dans le panneau… :

 

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« Le diamant joue un grand rôle dans les livres des économistes. Il s’en servent pour élucider les lois de la valeur ou pour signaler les prétendues perturbations de ces lois. C’est une arme brillante avec laquelle toutes les écoles se combattent. L’école anglaise dit-elle : « La valeur est dans le travail », l’école française lui montre un diamant : « Voilà, dit-elle, un produit qui n’exige aucun travail et renferme une valeur immense. » L’école française affirme-t-elle que la valeur est dans l’utilité, aussitôt l’école anglaise met en opposition le diamant avec l’air, la lumière et l’eau. « L’air est fort utile, dit-elle, et n’a pas de valeur ; le diamant n’a qu’une utilité fort contestable, et vaut plus que toute l’atmosphère. » — Et le lecteur de dire comme Henri IV : Ils ont, ma foi, tous deux raison. Enfin, on finit par s’accorder dans cette erreur, qui surpasse les deux autres : Il faut avouer que Dieu met de la valeur dans ses œuvres et qu’elle est matérielle.

 

Ces anomalies s’évanouissent, ce me semble, devant ma simple définition, qui est confirmée plutôt qu’infirmée par l’exemple en question.

 

Je me promène au bord de la mer. Un heureux hasard me fait mettre la main sur un superbe diamant. Me voilà en possession d’une grande valeur. Pourquoi ? Est-ce que je vais répandre un grand bien dans l’humanité ? Serait-ce que je me sois livré à un long et rude travail ? Ni l’un ni l’autre. Pourquoi donc ce diamant a-t-il tant de valeur ? C’est sans doute que celui à qui je le cède estime que je lui rends un grand service, d’autant plus grand que beaucoup de gens riches le recherchent et que moi seul puis le rendre. Les motifs de son jugement sont controversables, soit. Ils naissent de la vanité, de l’orgueil, soit encore. Mais ce jugement existe dans la tête d’un homme disposé à agir en conséquence, et cela suffit.

 

Bien loin qu’ici ce jugement soit fondé sur une raisonnable appréciation de l’utilité, on pourrait dire que c’est tout le contraire. Montrer qu’elle sait faire de grands sacrifices pour l’inutile, c’est précisément le but que se propose l’ostentation.

 

Bien loin que la Valeur ait ici une proportion nécessaire avec le travail accompli par celui qui rend le service, on peut dite qu’elle est plutôt proportionnelle au travail épargné à celui qui le reçoit ; c’est du reste la loi des valeurs, loi générale et qui n’a pas été, que je sache, observée par les théoriciens, quoiqu’elle gouverne la pratique universelle. Nous dirons plus tard par quel admirable mécanisme la Valeur tend à se proportionner au travail quand il est libre ; mais il n’en est pas moins vrai qu’elle a son principe moins dans l’effort accompli par celui qui sert que dans l’effort épargné à celui qui est servi.

 

En effet, la transaction relative à notre pierre précieuse suppose le dialogue suivant :

 

— Monsieur, cédez-moi votre diamant.

 

— Monsieur, je veux bien ; cédez-moi en échange votre travail de toute une année.

 

— Mais, Monsieur, vous n’avez pas sacrifié une minute à votre acquisition.

 

— Eh bien, Monsieur, tâchez de rencontrer une minute semblable.

 

— Mais, en bonne justice, nous devrions échanger à travail égal.

 

— Non, en bonne justice, vous appréciez vos services, et moi les miens. Je ne vous force pas ; pourquoi me forceriez-vous ? Donnez-moi un an tout entier, ou cherchez vous-même un diamant.

 

— Mais cela m’entraînerait à dix ans de pénibles recherches, sans compter une déception probable au bout. Je trouve plus sage, plus profitable d’employer ces dix ans d’une autre manière.

 

— C’est justement pour cela que je crois vous rendre encore service en ne vous demandant qu’un an. Je vous en épargne neuf, et voilà pourquoi j’attache beaucoup de valeur à ce service. Si je vous parais exigeant, c’est que vous ne considérez que le travail que j’ai accompli ; mais considérez aussi celui que je vous épargne, et vous me trouverez débonnaire.

 

— Il n’en est pas moins vrai que vous profitez d’un travail de la nature.

 

— Et si je vous cédais ma trouvaille pour rien ou pour peu de chose, c’est vous qui en profiteriez. D’ailleurs, si ce diamant a beaucoup de valeur, ce n’est pas parce que la nature l’élabore depuis le commencement des siècles, autant elle en fait pour la goutte de rosée.

 

— Oui, mais si les diamants étaient aussi nombreux que les gouttes de rosée, vous ne me feriez pas la loi.

 

— Sans doute, parce qu’en ce cas vous ne vous adresseriez pas à moi, ou vous ne seriez pas disposé à me récompenser chèrement pour un service que vous pourriez vous rendre si facilement à vous-même.

 

Il résulte de ce dialogue que la Valeur, que nous avons vu n’être ni dans l’eau ni dans l’air, n’est pas davantage dans le diamant ; elle est tout entière dans les services rendus et reçus à l’occasion de ces choses, et déterminée par le libre débat des contractants. »

 

Frédéric Bastiat -Harmonies économiques - 1850

 

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Dans ce fabliau de Bastiat, la valeur du diamant semble formellement liée à la fois à la « rareté » et au hasard de la trouvaille.

 

Or l’analyse évidente de la réalité mène à séparer les deux approches, pour mieux redéfinir, de manière dialectique, leur unité concrète.

 

La rareté du diamant ne mène pas à un travail de recherche aléatoire, contrairement à ce que Bastiat sous-entend, et donc de manière biaisée, dans sa présentation du problème. La rareté du diamant, comme celle de toute ressource rare, et on le voit bien aujourd’hui avec les fameuses « terres rares » pour lesquelles éclatent des guerres de plus en plus sanglantes, mène donc à un travail systématique et sur des bases scientifiques, de prospection et d’extraction minière. C'est-à-dire un travail tout court, qui est l’un des déterminants essentiels de la valeur du diamant : l’investissement n’est valable qu’en fonction de la rentabilité espérée.

 

Mais le fait est bien également que ce n’est pas le seul déterminant. Le diamant n’a qu’accessoirement une valeur, néanmoins importante, comme matériau industriel. L’essentiel de sa valeur, en joaillerie, provient donc de l’usage social qui en est fait.

 

Diamant, terres rares, sont deux formes de l’usage social des ressources de la nature. Le diamant reste dans l’usage social primitif de l’apparence et du prestige des classes dominantes. Les terres rares rentrent dans l’usage social des procédés industriels modernes, qui eux-mêmes déterminent l’usage social le plus courant de la production dans la vie quotidienne de millions de gens dans les pays d’économies suffisamment développées.

 

Ce sont donc, in fine, deux formes de la valeur d’usage des produits considérés, et d’abord et avant tout deux formes de leur valeur d’usage social, ce qui les unifie en termes d’analyse fondamentale de la valeur, où l’usage social est finalement toujours le facteur réellement déterminant de la valeur.

 

Dans les deux cas il y a donc une adéquation, en termes de valeur, entre la rareté, le travail nécessaire à l’extraction de la ressource naturelle et l’usage social qui en est fait. La rareté des « terres rares » n’en fait une part de leur valeur qu’à partir du moment où la technologie permet d’en faire un usage social important.

 

Ce qui varie avec le temps et l’évolution technologique, ce qui se réduit et disparaît dans l’économie des forces productives modernes c’est la part de la valeur d’usage de la force de travail dans la production.

 

Cette part prépondérante déterminait, pour l’essentiel jusqu’à la fin du XXème siècle, La valeur d’échange de la production. La plus grande part des échanges restait encore déterminée par la valeur d’usage de la force de travail humain directement intégrée dans la production. Il y avait donc encore un relatif équilibre, en fonction des besoins sociaux des différentes catégories de travailleurs, entre la production de biens et de services utiles à la très grande majorité d’entre eux.

 

Pour autant, il est clair qu’une économie, quelque soit son niveau de développement, repose d’abord sur la production de biens de première nécessité, alimentaires, vestimentaires, bâtiments et autres, et que la variété et la qualité de services disponibles en plus ne fait qu’améliorer, même si certains sont d’importance vitale pour son développement, comme l’éducation, la santé, etc…

 

C’est là que la notion d’échange de services à laquelle Bastiat entend réduire l’économie prend à la fois tout son sens réel et rencontre également sa limite, qui est celle sur laquelle bute l’économie du XXIème siècle dans les pays les plus avancés technologiquement.

 

« Il résulte de ce dialogue que la Valeur, que nous avons vu n’être ni dans l’eau ni dans l’air, n’est pas davantage dans le diamant ; elle est tout entière dans les services rendus et reçus à l’occasion de ces choses, et déterminée par le libre débat des contractants. »

 

Dans le monde libéral « idéal » de Frédéric Bastiat valeur et prix sont « déterminés par le libre débat des contractants ». Dans le monde réel les prix sont fixés en vue d’un profit maximum selon ce qui semble être la demande potentielle. Pour la grande masse des consommateurs cette demande est donc d’abord et avant tout fonction de leurs revenus salariaux, et donc la demande générale en biens et services est réglée par les fluctuations des masses salariales, selon les secteurs d’activités.

 

La masse salariale du secteur productif étant désormais réduite autour de 20%, les effectifs industriels à 12,6% du total des emplois, la part de l’industrie dans le PIB à 11% (**), comment peut-on encore parler de « libre débat des contractants » ??? Les 12,6% de travailleurs de l’industrie n’ont en moyenne besoin que de 12,6% des services produits par le reste de la société, alors que les près de 80% de salariés du secteur tertiaire ont un besoin vital de 80% des biens indispensables fournis par l’industrie, le bâtiment et l’agriculture.

 

La demande finale, selon les besoins et les capacités financières de la majorité des travailleurs salariés, ne dépend donc pas d’un « libre débat des contractants », mais bien précisément de la répartition, entre les catégories, d’une fraction essentielle de la masse monétaire, celle qui, précisément, circule dans la dite « économie réelle », ici bien nommée.

 

Il y a donc à la base une relation dialectique entre travail et prix déjà simplement à travers le fait que la masse monétaire circulant dans l’économie réelle et constituant la demande potentielle provient pour l’essentiel de la masse salariale et plus généralement, même, de la masse des revenus du travail.

 

C’est donc aussi une masse monétaire qui, par la force naturelle des choses, reste donc proportionnelle au coût du travail. Le coût du travail est donc un facteur essentiel de la demande globale, en moyenne statistique, tout comme il reste un facteur essentiel du prix de production, tant que le travail humain reste lui-même l’un des facteurs de production essentiels.

 

Dans la société française actuelle près de 80% de cette masse monétaire circulant dans l’économie réelle circule donc essentiellement dans le secteur tertiaire, où précisément le travail humain est particulièrement lui-même, par définition, le facteur de production essentiel et où le coût du travail est donc un facteur essentiel du prix de production.

 

Dans le monde « idéal » de Frédéric Bastiat, où l’économie se résume à des échanges de services, tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes …de services ! Et à environ 80%, donc, au moins, dans la société française actuelle en 2025 ! Il n’en reste pas moins que même si l’offre et la demande varient selon une infinité de conditions hypothétiquement aléatoires lors de chaque transaction particulière, cette « infinité » a une limite par les deux bouts, offre et demande, qui est celle de la masse salariale globale et du coût global du travail.

 

Ce qui, finalement, ramène par nécessité la moyenne des prix à une valeur compatible avec la limite globale de cette « sphère des services », et donc aussi avec le salaire moyen.

 

Mais cette « sphère des services » ne représente le « monde idéal » de Frédéric Bastiat que si elle se suffit à elle-même et représente peu ou prou une sorte d’économie autarcique. Ce qui, évidemment, n’est le cas à aucun titre.

 

Ne serait-ce que pour fonctionner en tant que sphère des activités de services, cela n’est possible qu’avec les apports essentiels en bâtiments, énergies, machines bureautiques et fournitures diverses provenant du secteur productif.

 

Et la survie quotidienne elle-même des travailleurs de ce « monde des services » n’est possible qu’avec les apports essentiels et même tout simplement vitaux du secteur productif.

 

Pour Bastiat, la solution est simple : ces « apports » ne valent que par le service qu’ils rendent, fussent-ils essentiels et vitaux ou non. Tous les échanges services contre marchandises se résument donc à des échanges de services.

 

Ce qui pourrait encore mener à une sorte d’équilibre économique, en termes d’échanges « harmonieux » façon Bastiat, tant que l’importance relative de la sphère des services et de la sphère productive restent plus ou moins comparables en importance, volumes d’affaire, et surtout, masse salariale mise en œuvre, et donc, en circulation. Mais même dans cette configuration presque « idéale » où production de bien et de services s’équilibrent entre elles à travers la circulation d’une masse monétaire composée à parts sensiblement égales des deux masses salariales des secteurs productifs et tertiaire, il n’en demeure pas moins que la « variété infinie » des transactions particulières déterminant hypothétiquement les prix reste limitée par la masse salariale globale, et en fin de compte, la moyenne des prix, par le salaire moyen et le coût moyen du travail.

 

C’est donc d’une « harmonie » relative, et surtout, provisoire, qu’il s’agit, car conditionnée à l’équilibre relatif entre les masses salariales des secteurs productifs et tertiaires, et donc tant qu’elle dure… Ce qui fut donc sensiblement le cas, en France, durant la dite période des « Trente Glorieuses », où le secteur productif prévalait encore, en termes de masses salariales, avant de se faire « rattraper » puis dépasser, et finalement, presque totalement écraser, sur ce point de l’importance de la masse salariale, par le secteur tertiaire.

 

Dans une France du XXIème siècle où, parmi la population, les travailleurs du secteur industriel ne représentent plus que 12,6% des effectifs salariés, il n’est donc pas difficile de comprendre que cette hypothétique « harmonie » est brisée depuis longtemps, si même elle a eu lieu, de façon provisoire, précaire, et pas non plus exempte de conflits sociaux et autres.

 

Pour autant, la « survie » du secteur tertiaire n’en reste pas moins dépendante du secteur productif, et même plus que jamais, pour tous ses besoins essentiels, et tant pour la « survie » des personnels que pour tous ses besoins de fonctionnement, augmentés, de plus, par les nécessités de la technologie actuelle, bureautiques et autres.

 

Entre 80% de la masse salariale circulant dans l’économie de services et 20% circulant encore dans l’économie productive il n’y a donc pas d’ »harmonie » possible dans les « échanges » en termes de besoins. La réponse à la masse des besoins essentiels de la société, toutes catégories sociales confondues, ne provient donc plus essentiellement du travail salarié du secteur productif mais de la production de ce secteur en tant que production et reproduction du capital fixe qui y est investi, principalement sous la forme de lignes de production robotisées et automatisées à un point tel que le rôle du travail productif humain est en train d’y disparaître de plus en plus rapidement.

 

L’ « échange de services » basé sur le « libre débat des contractants », déjà plus que problématique entre activités de services essentiellement dépendantes des fournitures du secteur productif, rencontre donc une limite de plus en plus restrictive, sinon absolue, face à une production de plus en plus robotisée et/ou importée, et même ainsi sans guère de réciprocité vu la limite en « exportation de services ».

 

La viabilité du principe d’ »échange » en économie suppose une profitabilité réciproque dont la source première reste la masse salariale. La masse salariale se transforme en valeur ajoutée soit lors de la réalisation d’un service, soit lors du processus de production. De cette valeur ajoutée se dégage éventuellement une plus-value, qui est la différence entre la valeur d’échange de la force de travail, constituée par le salaire, et la valeur d’usage de cette force de travail, constituée par la valeur de la production ou du service réalisé, sur le marché des biens et services.

 

C’est la circulation d’une masse monétaire principalement sous la forme de salaires qui permet, au moment de la dépense du consommateur, la réalisation de la plus-value et donc l’élargissement éventuel du capital investi.

 

Dans un secteur industriel où la valeur ajoutée par le travail humain directement productif se réduit drastiquement par rapport au chiffre d’affaire nécessaire à l’amortissement du capital fixe investi, la notion de « libre débat des contractants » est donc par la force des choses sensée devenir « un échange de services » particulièrement absurde entre des lignes de production robotisées et la masse des travailleurs du secteur tertiaire « échangeant » des services dont ces robots n’ont nul besoin en retour, à l’évidence, comme « consommateurs »…

 

Il y a donc de plus en plus une rupture dans les possibilités d’amortir et de rentabiliser le capital fixe industriel par la seule plus-value encore éventuellement issue de ce qui reste de travail humain directement productif dans l’industrie.

 

Mais dans la mesure où la production industrielle continue de répondre à des besoins sociaux essentiels, y compris et même surtout, pour le bon fonctionnement des activités du secteur tertiaire, il reste donc possible de la « rentabiliser », à condition qu’il y ait en circulation une masse monétaire suffisante, et si elle ne provient plus d’un équilibre désormais rompu entre masses salariales des différents secteurs, elle provient donc d’un excédent monétaire créé et introduit dans le circuit des échanges par la dette, publique et privée, avec toutes les dérives que cela implique en termes de spéculation et de parasitisme, telles que l’on peut les observer depuis pas mal d’années déjà, et qui vont encore en empirant de jour en jour, malgré les cris d’orfraies des uns et des autres.

 

La spirale de la dette, même si elle semble devenue incontrôlable, a néanmoins sa source dans l’évolution technologique et structurelle elle-même de l’appareil productif de l’économie moderne. Même si avec des degrés divers, y compris en termes de dérives, on observe son apparition dans toutes les économies industriellement avancées, et y compris en Allemagne et en Chine, désormais.

 

Avec le développement des forces productives modernes et leur degré d’automatisation et de robotisation le rapport entre capital fixe et capital variable évolue inexorablement vers une situation où le secteur tertiaire devient archi dominant et où apparaît la spirale de la dette publique et privée en fonction de l’évolution des rapports entre catégories sociales, que ce soient les catégories de travailleurs ou d’investisseurs en capitaux.

 

Progressivement, mais inexorablement, le secteur productif se réduit essentiellement au seul capital fixe, dont la pseudo-« valorisation » à terme n’est plus que celle de la dette publique et privée, devenue « indispensable » pour pouvoir « boucler la boucle » et pour permettre encore des « superprofits » financiers fictifs sans que le système de domination de classe ne s’effondre complètement : n’en déplaise aux mânes de Frédéric Bastiat, il n’y a rien de très « libéral » là dedans... !

 

https://image.eklablog.com/ygDeM79UqLwQrZo9KLJrvMZN3eU=/filters:no_upscale()/image%2F1241236%2F20250518%2Fob_b3b8a6_bc3.png

 

Comme on le voit non seulement en France mais aussi aux USA et ailleurs, la dette ne reste « soutenable » que parce qu’une nouvelle dette vient non seulement remplacer la précédente mais aussi en payer les intérêts. La dette, comme ses intérêts, c’est malgré tout, et même d’abord et avant tout, de l’argent « frais », c'est-à-dire « fraîchement créé », qui circule à nouveau dans l’économie, d’une manière ou d’une autre et en assure donc la « profitabilité » qui, pour l’essentiel, n’est donc plus que fictive. Et si cette « création monétaire » permanente est possible sans effondrement du système, c’est bien parce que les Etats ont du renoncer à leurs prérogatives supposées en politique économique pour se mettre au « diapason » des politiques monétaires des Banques Centrales, Fed aux USA, BCE en UE et donc en France, etc…

 

La « révolution monétaire » banco-centraliste a déjà eu lieu, avec la généralisation des politiques de type « Quantitative Easing », à partir de la crise de 2007-2008, et s’est trouvée encore renforcée avec la nouvelle vague de QE « nécessitée » par la crise dite « du covid » en 2020-2021.

 

Même si l’on veut parler d’affaires modestes, voire plus ou moins artisanales, qui semblent encore miraculeusement tenir debout toutes seules du fait de leur « bonne clientèle », combien seraient encore debout si la masse monétaire « excédentaire » injectée par la dette venait à se retirer comme la marée, les laissant dans un marigot trop restreint pour survivre, sinon carrément à sec ?

 

De sorte que même les vestiges parfois impressionnants du capitalisme « classique » qui semblent encore prospérer plus ou moins ne le font en réalité que dans la dépendance, même si indirecte, des politiques monétaires des Banques Centrales, qui sont les véritables nouveaux maîtres de la dette publique et privée, et in fine, les nouveaux maîtres du monde.

 

Le monde « libéral idéal » de Bastiat n’est pas davantage advenu que le monde « communiste idéal » de Marx, mais le temps historique a néanmoins déjà réglé le problème de succession : le banco-centralisme a d’ores et déjà succédé, pour l’essentiel, au capitalisme « classique », et se renforcera à mesure que les vestiges de celui-ci perdront de leur importance pour n’être plus qu’une façade illusoire recouvrant encore provisoirement la structure profondément totalitaire et « orwellienne » du nouvel ordre mondial.

 

Et comme établissement d’un ordre totalitaire, on ne peut pas dire qu’il intervienne de manière pacifique, et même bien au contraire : c’est une sorte de chaos diffus mais d’une violence souvent extrême qui se répand sur la planète et s’intensifie, ces dernières années, du fait des antagonismes et des résistances qu’il exacerbe, inévitablement.

 

Une alternative démocratique est-elle encore possible ? Ce qui est certain c’est que ni les tenants de l’ordre ancien, ni encore moins, ceux du nouvel ordre banco-centraliste mondialisé, n’y ont le moindre intérêt réel. S’il peut éventuellement exister une alternative démocratique, elle devra évidemment tenir compte des leçons de l’histoire, mais pour l’essentiel elle reste encore entièrement à inventer et ne sortira pas des oripeaux idéologiques du passé.

 

Luniterre

https://cieldefrance.eklablog.com/2025/07/un-diamant-trouve-sur-la-plage-chronique-economique-estivale.html

 

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(* https://cpinettes.u-cergy.fr/S1-Meca_files/resume5.pdf

 

 

 

(** INSEE, Figure 3 in :

https://www.insee.fr/fr/statistiques/8376826?sommaire=8376908

 

"Le mouvement de désindustrialisation qui s’est opéré entre les années 1970 et les années 2010 a concerné l’ensemble des pays développés, mais il a en particulier touché la France avec une chute de la part de l’industrie de 17 % à 11 % du PIB entre 1995 et 2017."

https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2024/themas/2024-themas-dge-n20.pdf )

 

 

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Quelques études et articles récents et plus anciens pour comprendre la mutation banco-centraliste de l'économie au XXIème siècle :

 

 

France Finances, ça Balance… Mal ! Déficit Public Vs Dividendes CAC 40

 

L’évidence que met sous nos yeux le schéma symbolique de la balance, c’est la part de la valeur d’amortissement du capital fixe qui est assumée par la dette sur le plateau le plus "lourd" de la balance, d’un côté, et qui permet donc, de l’autre côté, sur le plateau de la finance, les « superprofits » autrement impossibles.

Un tour de « passe-passe » qui serait impossible sans les politiques monétaires ad hoc des Banques Centrales, et en UE, donc, de la BCE.

Exit le capitalisme « classique », bonjour le banco-centralisme !

Un système qui tient à la fois de la pyramide de Ponzi et de la dystopie orwellienne. Mais une pyramide de Ponzi constamment « consolidée » par les politiques monétaires « créatives » des Banques Centrales et une dystopie qui ne peut précisément se rendre « durable » que par un contrôle de plus en plus totalitaire de la vie quotidienne et de la « pensée » des citoyens.

 

https://cieldefrance.eklablog.com/2025/05/france-finances-ca-balance.mal-deficit-public-vs-dividendes-cac-40.html

 

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"Droit européen" : la laisse de l'endettement banco-centralisé - Maintenant en Allemagne aussi...

 

https://cieldefrance.eklablog.com/droit-europeen-la-laisse-de-l-endettement-banco-centralise-maintenant-a216341811

 

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Economie mondiale : la Chine déjà au bout de son "Rouleau de Printemps" en termes de "miracle économique"

 

https://cieldefrance.eklablog.com/economie-mondiale-la-chine-deja-au-bout-de-son-rouleau-de-printemps-en-a216313231

 

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Banco-centralisme : définition et mise au point

 

https://cieldefrance.eklablog.com/2025/04/banco-centralisme-definition-et-mise-au-point.html

 

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Le "macronisme" est-il une nouvelle forme de "capitalisme" ou une autre forme d'exploitation ?

https://cieldefrance.eklablog.com/le-macronisme-est-il-une-nouvelle-forme-de-capitalisme-ou-une-autre-forme-d-exploitation

 

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Existe-t-il de « l’argent magique », et si oui, au profit de qui ???

https://cieldefrance.eklablog.com/2025/01/existe-t-il-de-l-argent-magique-et-si-oui-au-profit-de-qui.html

 

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Pour en finir avec le mythe de la "productivité du travail" au XXIe siècle ! (VF - AgoraVox)

https://cieldefrance.eklablog.com/2025/02/pour-en-finir-avec-le-mythe-de-la-productivite-du-travail-au-xxie-siecle-vf-agoravox.html

 

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Sur l'histoire et la formation des fondamentaux du banco-centralisme, et sur une alternative éventuelle :

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Un article un peu plus ancien, mais où Richard Werner, lui-même à l’origine du concept de "Quantitative Easing", décrit on ne peut mieux, à partir de son expérience personnelle d’économiste au Japon, l’évolution économique banco-centraliste de ce premier quart du XXIesiècle, jusqu’à la naissance actuelle des Monnaies Numériques de Banque Centrale et au danger fatidique pour les libertés, économiques, et les libertés tout court, qu’elles représentent :

 

Richard Werner, "père spirituel" du Quantitative Easing et "apprenti sorcier" du banco-centralisme

 

https://cieldefrance.eklablog.com/richard-werner-pere-spirituel-du-quantitative-easing-et-apprenti-sorci-a215699895

 

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Pour l’ébauche d’une solution…

Pour un retour à quelques fondamentaux du Gaullisme,

réadaptés en pratique à l’évolution économique du XXIesiècle :

Reprendre le contrôle, à l’échelle nationale, de la vie économique et sociale, y compris dans sa dimension financière, reste la priorité essentielle. Contrôler le crédit, c’est contrôler la création monétaire réelle dans le pays, directement sur le terrain du développement économique, et donc tout à fait indépendamment de son signe, Euro ou autre. Contrôler le crédit permet d’orienter les grandes tendances de l’activité économique vers les activités et secteurs prioritaires pour les besoins de la population et pour l’indépendance de la nation.

C’est pourquoi nous avons proposé, sur Ciel de France, de remettre au centre du débat la reconstruction d’un Conseil National du Crédit, dans une version statutairement adaptée aux nécessités de notre indépendance nationale au XXIe siècle, c’est à dire doté de pouvoirs constitutionnels et d’une représentativité démocratique réelle :

Les leçons de l’Histoire…

 

 

 

Il était une fois… le Conseil National du Crédit (1945). Et aujourd’hui ?

 

https://cieldefrance.eklablog.com/il-etait-une-fois-le-conseil-national-du-credit-1945-et-aujourd-hui-a215997227

 

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 Pour une approche plus synthétique de l’ensemble du processus de la mutation banco-centraliste depuis la formation du capital industriel, une étude de fond :

 

Le Roi « Capital » est mort, vive la Reine « Dette » !

 

https://cieldefrance.eklablog.com/le-roi-capital-est-mort-vive-la-reine-dette-a215991921

 

 

 

 

 

 

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