Mystère : mort par combustion spontanée

par Desmaretz Gérard
jeudi 26 juin 2025

Dans la nuit du 12 mai 1977 Ginette Kazmierczak est seule dans l'appartement de fonction de son fils, instituteur du village d'Uruffe, proche de Toul. L'appartement est situé au premier étage de la mairie-école, juste en face de l’église et du presbytère. Vers 4 heures du matin, la voisine de palier incommodée par une odeur de fumée et des crépitements se réveille en sursaut. Elle sort, apercevant de petites flammes sous le bas de porte palière de l'appartement voisin, elle alerte les sapeurs-pompiers. Ceux-ci vont découvrir sur le plancher le tronc, une partie du visage et le bras gauche de Mme Kazmierczak calcinés contre la porte d'entrée. Les jambes, les mis-bas et le bras droit ont été épargnés par les flammes ! Seul le plancher sous le buste de la victime révèle des traces d'incendie. Les murs et le sol sont maculés de suie mais rien n'a brûlé dans l'appartement. Le poêle à mazout et le chauffe-eau sont éteints, une boîte d'allumettes sur le rebord de la fenêtre est intacte et l'électricité fonctionne.

Le Procureur du parquet de Nancy ouvre une enquête ; l'expert honoraire près la Cour d’appel de Nancy, un capitaine des sapeurs-pompiers envisage diverses hypothèses : « explosion d'une bombe aérosol ou d'un gaz (mais l'embrasement du mobilier aurait alors été total), crime (la porte de l'appartement était fermée de l'intérieur), foudre (la météo invalidera cette possibilité). Des traces de suies ont été relevées à plusieurs endroits de l’appartement, aux murs et aux plafonds. Mais surtout, le parquet en chêne était totalement détruit sous la partie calcinée du corps, mais absolument intact sous les jambes et le bras non touchés. La démarcation est nette, parfaite ; il n’y a donc pas eu propagation comme dans un feu classique ». Le 18 janvier 1978 le parquet de Nancy prononce une ordonnance de non-lieu. Il n'y a pas eu propagation du sinistre, les bas en nylon que portait la victime sont restés intacts, et les objets alentours ne présentaient aucune trace de chaleur. La presse et la rumeur d'évoquer un acte d'un extra-terrestre, un phénomène paranormal, le feu secret des alchimistes. Des journalistes de désigner le petit bourg de 400 habitants comme un village maudit en souvenir de l'affaire du curé d'Uruffe survenue en 1956.

Si des cas de combustions spontanées sont rapportés dès l'Antiquité, il faut attendre le XVII° siècle pour qu'ils cessent d'être considérés comme des châtiments divins ou des manifestations démoniaques. Descartes livre sa théorie en 1648 dans « Le Traité de l'homme, selon lui, l'énergie du corps provient d'une combustion. En 1731 le corps de la comtesse Cornelia Bandi est retrouvé en cendres à l’exception de ses bras, de ses jambes et d’une partie de sa tête, sa chambre remplie de suie a été épargnée par les flammes. La mort de la comtesse de Goerlitz le 13 juin 1847, dans sa chambre, va apporter une explication : « La flamme ne s'élève que de quelques pouces, légère, mobile, bleuâtre, semblable à celle de l'esprit-de-vin ; elle s'éteint très difficilement ; et alimentée par les tissus gras, elle dévore toutes les parties charnues, les viscères, le tronc tout entier (sauf quelques vertèbres)et quelquefois aussi les membres, à l'exception de quelques os ; tout est carbonisé dans l'espace d'une heure et demie ou deux heures, le plus souvent sans que le feu se communique aux objets environnant. Seulement la fumée noire que dégage le cadavre dépose sur ces objets une suie humide, onctueuse et fétide ; et, lorsque la combustion est achevée, le résidu n'est nullement en proportion avec le volume et la masse du corps consumé » Manuel complet de médecine légale, Briand & Chaudé édition de 1858.

La combustion est une réaction exothermique (dégagement de la chaleur) en présence d'un combustible (solide, liquide, gazeux) et d'un comburant (oxygène, peroxyde) en rapport avec une énergie d’activation (triangle du feu). L'activation peut avoir pour origine : une flamme nue (cigarette, bougie, flammèches) - une étincelle (sonnerie téléphone, sonnette, défaut d’interrupteur) - l'électricité (surcharge électrique ou un court-circuit) - un frottement entre matériaux inflammables - chimique (réaction entre deux corps) - concentration d'un rayon lumineux (loupe, tuile en verre, parabole, laser) - phénomène électrostatique. Les modes de transferts de l'énergie thermique, de la partie la plus chaude vers la plus froide, sont : la conduction de proche en proche sans déplacement de matière. La vitesse de propagation dépend des caractéristiques physiques du matériau : conductivité, humidité, masse volumique, épaisseur, etc. La convection par le déplacement de matière au sein d'un gaz ou d'un liquide (l'air chaud d'une pièce monte alors que l'air froid descend). Par rayonnement dû à l'absorption ou à l'émission d'un rayonnement électromagnétique (solaire).

Les ondes électromagnétiques sont parfois incriminées, un conducteur se comporte alors comme une antenne et serait à l'origine d'un départ de feu. Au cœur de l'été, une femme assise dans son fauteuil ressent un choc électrique dans la poitrine, l'armature métallique du soutient-gorge d'imprimer une marque sur sa peau. Dans la cave, juste à la verticale de son siège, un câble formant un cadre-antenne de plusieurs spires d'environ 80 cm de diamètre et aucun orage ce jour-là ! Le corps humain constitué de fluides (sang, eau, lymphe, urines, etc.), muscles, viscères, graisses et os est loin d'être un matériau parfait. Il est modélisé par un circuit RC comprenant cinq résistances (torse 16 Ω, bras gauche 251 Ω, bras droit 239 Ω, jambes gauche 208 Ω, jambe droite 205 Ω) et un condensateur de 200 pF avec une différence de potentiel de 10 kV.

On parle de « combustion spontanée » lorsque des matières combustibles s’enflamment de manière autonome. Plusieurs matières ou corps chimiques peuvent s'enflammer sans apport d’énergie externe (phosphore blanc, lithium, poudre de magnésium). Le titane ou le zirconium en poudre en contact avec l'air devient pyrophorique et s'enflamme spontanément en quelques minutes. Sur certains emballages contenant des huiles ou des graisses végétales ou animales, on peut y lire : « Attention : danger de combustion spontanée ». Ce phénomène intervient toujours après un auto-échauffement jusqu’à atteindre le point d'auto-inflammation. Le processus est accéléré lorsque la température de l’air est élevée. Plaçons une feuille de papier dans un four, lorsque la température avoisine les 233 degrés Celsius la feuille prend feu spontanément, le corps humain devient combustible vers 850° C.

Des professeurs de l’Université d’Helsinki ont sélectionné 12 cas de combustion spontanée survenus chez des individus de 44 à 74 ans et portant sur 11 ans (étude de 2011). Les deux tiers étaient des femmes, la plupart fumeuses et l'autre partie alcoolique (cherchez le biais)... L'étude de conclure : « la combustion ne vient pas de l’extérieur, une cigarette mal éteinte ne serait donc pas le déclencheur. La seule explication avancée est l’effet de mèche. Les parties qui brûlent le plus sont celles qui contiennent le plus de graisse. La graisse agirait comme la cire d’une bougie, alimentant le feu et les vêtements imbibés de graisse feraient office de mèche  ».

La graisse sous cutanée peut représenter 90 % des graisses (lipides) du corps humain. La graisse étant en rapport avec le taux d’œstrogènes, les femmes en stockent donc plus que les hommes. Les graisses non-essentielles (physiologiquement) se retrouvent au niveau du ventre, des hanches, des cuisses, poignées d'amour, « culotte de cheval » et sous forme de bourrelets et capitons. Le pourcentage de tissus adipeux est variable selon le sexe et la corpulence, tissu adipeux minimal 2 à 5 % chez l'homme et 10 à 13 % pour la femme, obèse supérieur à 25 % H et > 32 % chez la femme. Les experts de noter que la majorité des victimes étaient des fumeuses et alcooliques présentant un embonpoint, l'alcool favorisant l'accumulation de graisse au niveau de l'abdomen.

Autre hypothèse : « le faible niveau de glycogène chez les alcooliques malades du foie aboutirait à une production d’énergie à partir de molécules graisseuses aboutissant à une production d’acétone, hautement inflammable et l'auto-combustion serait due à une réaction entre l'hydrogène et les cellules ». Où le bât blesse, c'est que les graisses s'enflamment sans la moindre étincelle vers 400 degrés Celsius ! A moins d'être dans le coma ou déjà mort, difficile de ne pas éprouver des « brûlures d'estomac » suivie d'une réaction d'évitement. « Un handicap ou une alcoolémie élevée empêche la personne de fuir, d'appeler les secours ou d'éteindre le feu. L'autopsie ou les antécédents médicaux de la victime conduisent le légiste à conclure, sans certitude, que la mort est due à une crise cardiaque, une crise d'épilepsie ou encore à un accident vasculaire cérébral » professeur Quatrehomme.

Dans toutes ces affaires une partie du corps, généralement le torse, est consumée sans aucun dommage à l’environnement immédiat et extrêmement peu au support du corps (plancher, lit, siège). Les laboratoires du FBI ont reproduit divers scénarios sur des porcs. Si l’auto-combustion était possible, l’environnement, le mobilier et le sol étaient touchés. Lors d'un d’incendie, la température de surface du bois s’élève jusqu’à son point d’inflammation situé vers 250° et 300°C (selon l'essence). La combustion du corps une fois amorcée semble s'être poursuivie comme si le torse avait été emmaillotée dans une couverture anti-feu en présence d'air (dioxygène) et soumis à une température élevée pendant plusieurs heures ! Pour qu’un corps humain soit détruit par le feu il faut une température constante de 1650 degrés Celsius durant plusieurs heures. Plus la durée est longue, moins la température a besoin d’être élevée ! En 2019, la canicule et un temps sec auraient été à l'origine d'une augmentation des cas d'auto-combustion en Europe...

L'auto-combustion requiert : auto-échauffement → emballement thermique → feu couvant → inflammation. Le dossier de Ginette Kazmierczak a été rouvert en 2012. On sait que « La victime, en proie à certaines angoisses obsessionnelles, s’aspergeait régulièrement d’un produit aérosol anti-puces ». Des échantillons d'ADN et d'autres prélèvements ont été soumis à de nouvelles analyses (spectrométrie, chromatographie analyses composés volatils ?) sans parvenir à une conclusion. «  Comment ce " feu " est-il parti et pourquoi ne s’est-il pas étendu ? » La source d'ignition aurait-elle disparue dans l'incendie ; un appel d'air a t-il entraîné l'effet cheminée.

Le pilote de formule 1 Denny Hulme est grièvement brûlé aux mains en 1970, en cause ? une fuite d’éthanol. Les flammes étant quasiment invisibles en plein air (les groupes pétroliers disposent de caméras dans l'infra-rouge pour les détecter), il a continué de piloter jusqu'à ne plus pouvoir tenir le volant ! Un gel hydroalcoolique à plus de X % d'éthanol embrasé émet une flamme sans fumée (phénomène en lien avec l'absence de carbone). Harry Houdini, magicien américain du XIX° siècle, pensait que les hommes qui marchaient sur un lit de braises ou de pierres chauffées à « blanc » s'enduisaient la plante des pieds d'un onguent destiné à les protéger de la chaleur et des brûlures. Un cascadeur qui présentait un spectacle de Torche humaine m'a expliqué qu'il s'enduisait d'un gel ignifuge qui le protégeait des effets du feu avant le spectacle. Ancien corrélat de cours de chimie. On mélange une part d’éthanol et 0,75 d’eau dans lequel on trempe un papier que l’on enflamme. Il brûle sans se consumer. La flamme vaporise le mélange et la vapeur d’eau dégagée suffit a maintenir la température du papier en dessous de son point d’inflammabilité (les illusionnistes utilisent le papier flash).

Accident, phénomène inexpliqué ou crime « parfait » en l'état de nos connaissances ? « Il est encore difficile d'expliquer comment se produit l'ouverture cutanée par laquelle s'écoule la graisse humaine. Nous manquons peut-être de travaux expérimentaux pour démontrer la théorie de l''effet mèche. Sans doute aussi de volontaires pour donner leur corps à la science » Professeur Quatrehomme. Une correction, une précision, une remarque ?

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