Ecole privée ou privé d’école ?

par olivier cabanel
vendredi 19 septembre 2008

Si l’on se base sur les expérimentations en cours et les choix du gouvernement,
voici l’école de demain.
Mes quarante-deux élèves de cours préparatoire sont gentils.
Ils viennent de m’offrir une canne. Je ne sais pas où ils ont trouvé l’argent et j’aime mieux ne pas le savoir.
Pour beaucoup d’enfants, les parents ne peuvent plus payer la cantine et une canne comme celle-là, elle n’a pas dû leur coûter cher.
En tout cas, c’est bien pratique car, à 67 ans, c’est plus facile pour les suivre, quand on fait des rondes.
J’avais envie de les embrasser, hélas, une circulaire ministérielle me l’interdit : délit de pédophilie.
Quarante-deux élèves, c’est beaucoup, c’est vrai, mais il fallait bien compenser les départs en retraite non remplacés.
Une chance, c’est que l’école maternelle n’est plus obligatoire : ce sont les mairies qui décident.
Ici, le village est trop pauvre et la mairie ne peut plus payer.
Le petit Nicolas, lui, il a pu aller à la maternelle, ses parents ont les moyens. C’est une école privée, subventionnée par l’Etat.
Pas sûr que ce soit vraiment mieux, car les goûters ne sont plus au programme et la sieste est remplacée par des cours de morale.
Il doit dire « vous » aux adultes, obéir sans discuter.
Ses parents ne peuvent pas l’aider pour les devoirs, bien trop accaparés par les heures supplémentaires, ils lui payent des cours particuliers.
Kevin, lui, il est dans une école laïque, comme ils disent, avec un peu de mépris dans la voix.
A côté de lui, depuis quelques jours, une place est vide.
Ahmed qui l’occupait a été emmené dans un fourgon de police, à côté de son père, menotté : c’était un "sans-papiers".
Kevin se demande bien ce qu’il est devenu ?
Kevin ne voit plus bien clair dans cette affaire, et plus clair du tout, car il est myope et il est au fond de la classe.
Comme les lunettes ne sont plus remboursées, ses parents n’ont pas pu lui en payer une paire.
Alors, il ne progresse pas beaucoup.
Parti comme il est, il est destiné au centre de préformation, comme son grand frère.
Janine, sa mère, lui dit que c’est une chance, car il n’aura plus de leçons à apprendre par cœur et, par les temps qui courent, il a plus de chances de trouver plus tard du travail.
Ce ne sera peut-être pas en France.
Son père est parti bosser dans les pays de l’Est, au nom du profit maximum et de la délocalisation.
Ce qui l’ennuie le plus, c’est qu’il ne croisera plus de filles à l’école.
Dans son établissement public d’enseignement primaire, les filles sont séparées d’avec les garçons.
Il a eu l’autre jour une nouvelle maîtresse : elle a remplacé l’instituteur : celui-ci a été renvoyé, coupable d’avoir fait grève.
Mais celle qu’il regrette le plus, c’est Pauline.
Elle lui apprenait bénévolement à lire.
Mais à force de se faire engueuler par un inspecteur, elle a fini par partir.
Après la récréation, il y a « cours de religion et de morale » avec un abbé.
Il doit apprendre par cœur des passages de la Bible.
Kevin se demande ce qu’il fait là ?
Le ministre a trouvé la solution, il va distribuer des médailles.
L’autre jour, j’ai rencontré Christèle, dans un bistrot où elle servait des bières.
Elle a 30 ans et bac+6 comme ils disent.
Elle m’a dit qu’elle en avait marre d’être obligée de servir des bières le soir et de faire la classe la journée.
Alors elle a arrêté l’école et se cantonne à servir au bar.
Ce texte de fiction n’en est pas une, il est le reflet de l’école qui est en train de se mettre en place.
Il est étonnant que personne ne réagisse.
Car comme disait un vieil ami africain :
« Un morceau de bois a beau séjourner dans l’eau, il ne deviendra jamais un crocodile ».
PS : merci aux internautes qui m’ont envoyé des textes et des approches dont je me suis inspiré.
 
 
 

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