Pourquoi les Etats-Unis et Israël ne peuvent pas vaincre l’Iran

par Le Cri des Peuples
mardi 8 juillet 2025

Les États-Unis ne peuvent pas vaincre l’Iran

Par William Schryver, le 28 juin 2025

Source : imetatronink.substack.com

Traduction : lecridespeuples.substack.com

On oublie un peu vite que, plus tôt cette année, les États-Unis ont déployé deux groupes aéronavals accompagnés d’une demi-douzaine de bombardiers B-2 (ainsi que d’autres moyens de l’US Air Force) pour désarmer les Yéménites et rouvrir la mer Rouge, soumise à un blocus sélectif.

Ce fut un échec. Un échec cuisant. Et pour la deuxième fois.

En 2024 déjà, l’USS Brave Sir Robin (CVN-69), l’USS Teddy Bear (CVN-71) et l’USS Fraidy Abe (CVN-72) s’y étaient essayés, pour finalement battre en retraite, la queue entre les jambes. Le Brave Sir Robin a laissé au fond de la mer un F/A-18.

Ils furent suivis par l’USS Trembling Puppy (CVN-75) et l’USS Timid Vinny (CVN-70). Mais ce second essai ne fut guère plus concluant : le Trembling Puppy perdit deux chasseurs F/A-18 supplémentaires lors de son éprouvante campagne dans le nord de la mer Rouge.

 

Non seulement les Yéménites ont porté leur tableau de chasse à 23 drones MQ-9 Reaper abattus, mais ils ont aussi visé et menacé de manière crédible les F-35 et les B-2, au point que ces deux plateformes ont été précipitamment retirées du théâtre d’opérations, de peur qu’elles ne soient abattues.

Rappelons que le Yémen constitue, sur l’échelle de l’escalade face à des adversaires redoutables, l’échelon le plus bas.

Croire sérieusement que la marine américaine puisse opérer dans les eaux iraniennes relève du pur fantasme.

Même en supposant qu’aucun navire ne soit endommagé ni coulé, les munitions viendraient à manquer en deux semaines, voire moins — et il est hors de question qu’ils puissent se réapprovisionner à Bahreïn.

Quant à une campagne aérienne… disons que je n’ai encore vu aucune preuve convaincante indiquant que des avions américains ou israéliens aient pénétré l’espace aérien iranien de façon significative lors du premier acte de cette guerre. J’en conclus que les défenses aériennes iraniennes à moyenne et longue portée n’ont probablement même pas été engagées.

 

Il n’existe par ailleurs aucun élément crédible attestant de la destruction des systèmes de défense aérienne de haut niveau iraniens.

Tout porte à croire que les Iraniens ont abattu les gros drones d’attaque israéliens à l’aide de systèmes à courte portée. Et ils en ont abattu plusieurs.

Les missiles balistiques israéliens à longue portée lancés depuis les airs se sont montrés efficaces, semble-t-il — mais leur nombre est très limité, et à mesure que la guerre entrait dans sa deuxième semaine, on en voyait de moins en moins chaque jour.

Quoi qu’il en soit, lorsque le deuxième acte de cette guerre s’ouvrira (et cela ne saurait tarder), il impliquera presque à coup sûr une pénétration de l’espace aérien iranien. Nous verrons alors non seulement l’entrée en scène des défenses aériennes iraniennes à longue portée, mais je soupçonne fortement qu’y apparaîtront aussi, subitement, des systèmes mobiles russes et/ou chinois.

Ceux dont le raisonnement sur une guerre États-Unis/Iran repose sur l’hypothèse d’une supériorité aérienne écrasante des Américains verront soudainement les paramètres de leur équation changer du tout au tout.

Les Russes et les Chinois ne resteront pas les bras croisés à regarder les États-Unis écraser leur principal allié en Asie du Sud-Ouest, dans un monde multipolaire en pleine émergence.

Et rappelons-le : les États-Unis ne sont tout simplement pas en mesure de soutenir logiquement une campagne aérienne de haute intensité au-delà de deux ou trois semaines. Et s’il devait arriver qu’une douzaine d’avions américains pilotés soient abattus, et que deux navires soient gravement endommagés… alors le choc politique à Washington serait tel qu’il pourrait bien entraîner un coup d’État — ou du moins quelque chose qui y ressemblerait fortement.


Les États-Unis ont considérablement entamé leur arsenal antimissile pour défendre Israël

Par Amira El-Fekki, correspondante Moyen-Orient

Source : Newsweek, 27 juin 2025

Traduction : lecridespeuples.substack.com

Les États-Unis ont puisé dans une part significative de leur système antimissile avancé afin de renforcer la défense d’Israël contre des frappes aériennes iraniennes, lors d’un conflit de douze jours au cours duquel Israël et les États-Unis ont ciblé des installations nucléaires, et l’Iran a riposté par des tirs de missiles, selon des médias spécialisés dans la défense et des analystes indépendants.

Le service de presse du Pentagone a déclaré à Newsweek : « Nous n’avons rien à communiquer. »

Pourquoi est-ce important ?

Israël s’appuie depuis longtemps sur le système THAAD (Terminal High Altitude Area Defense), développé par Lockheed Martin, pour se prémunir contre les missiles balistiques tirés par l’Iran ou ses groupes mandataires, tels que les Houthis au Yémen [Note : le Yémen est souverain, contrairement aux pétromonarchies du Golfe asservies à Washington ; Israël même n'est jamais présenté comme un proxy des Etats-Unis, ce qu'il est].

L’armée américaine exploite sept batteries THAAD. Une huitième, en cours d’intégration dans l’Agence de défense antimissile, est capable de suivre des missiles hypersoniques. Le déploiement du THAAD en Israël s’inscrit dans un contexte plus large où le soutien militaire aux alliés dans des zones de conflit implique une mobilisation de ressources pouvant affecter la disponibilité opérationnelle et les futurs déploiements militaires.

 

Les systèmes THAAD déployés à Guam s’inscrivent dans la mission de défense de l’île et jouent un rôle crucial dans la protection de Guam et des États-Unis. — Capitaine Frank Spatt / U.S. Army / DVIDS

Ce qu’il faut savoir

Lors du récent affrontement entre Israël et l’Iran, les États-Unis auraient utilisé entre 15 et 20 % de leur stock mondial d’intercepteurs THAAD, entraînant des coûts sans précédent dépassant les 800 millions de dollars, selon Bulgarian Military News et Military Watch Magazine.

L’Iran a lancé d'importantes salves de missiles sur plusieurs villes israéliennes en réponse aux attaques contre ses sites nucléaires et militaires, poussant les civils à se réfugier dans les abris à travers tout le pays. Cette offensive comprenait des modèles de missiles plus anciens comme les Ghadr et Emad, le Kheibar Shekan à moyenne portée, ainsi que le missile hypersonique Fattah-1, capable d’atteindre Mach 15, difficilement à intercepter.

 

Les États-Unis ont reconstitué leur stock d’intercepteurs THAAD déployés en Israël dès 2024, face aux craintes de pénurie, selon le Wall Street Journal. Un intercepteur THAAD coûte environ entre 12 et 15 millions de dollars, d’après plusieurs sources spécialisées.

Alors que la batterie complète est estimée à 1,3 milliard de dollars, le coût d’un intercepteur devrait atteindre 18 millions de dollars en 2025 pour la production seule, et grimper à 27 millions si l’on inclut la RDT&E (Recherche, Développement, Test et Evaluation), a précisé à Newsweek Sidharth Kaushal, chercheur principal en puissance maritime au sein du département des sciences militaires du Royal United Services Institute (RUSI).

Un analyste du renseignement open source, sur X (anciennement Twitter), a estimé que la valeur totale des missiles THAAD utilisés lors du conflit dépassait les 498 millions de dollars.

 
Le texte à l'intérieur de ce bloc conservera son espacement d'origine lors de la publication.
                                             Boom Boom Tel-Aviv, Tube de l’été

Ce système intercepte les missiles balistiques à courte et moyenne portée dans leur phase terminale, c’est-à-dire juste avant l’impact. Il couvre une zone plus large que le système Patriot de fabrication américaine et comprend un lanceur, un intercepteur, un radar et une unité de contrôle de tir.

La batterie THAAD déployée en Israël n’a pas réussi à intercepter à deux reprises des missiles lancés par les Houthis en mai. Dans un cas, le projectile a été abattu par le système israélien Arrow de défense longue portée ; dans l’autre, un missile a frappé près de l’aéroport international Ben Gourion de Tel-Aviv.

Selon l’Associated Press, les États-Unis ont également déployé le système Patriot ainsi qu’un destroyer de la Navy pour aider Israël à intercepter les missiles balistiques tirés depuis l’Iran [sans parler des défenses antiaériennes de l'Arabie Saoudite, de l’Égypte, de la Jordanie, du Qatar, des Emirats, etc., mises au service d'Israël]. Israël dispose également du Dôme de fer (Iron Dome) pour se défendre contre les tirs d’artillerie et les roquettes de courte portée, comme celles du Hamas et d’autres factions palestiniennes depuis Gaza.

 

 

Alors que la confrontation directe s’intensifiait en 2024, l’Iran a tiré des centaines de missiles balistiques en direction d’Israël, incitant le Pentagone à y déployer une batterie THAAD et environ 100 soldats américains.

Ce que disent les experts

Tom Karako, directeur du projet de défense antimissile au Center for Strategic and International Studies (CSIS), a déclaré au Wall Street Journal pendant le conflit :

« Ni les États-Unis ni Israël ne peuvent se permettre de passer leurs journées à intercepter des missiles. Les Israéliens et leurs alliés doivent agir avec toute la diligence requise pour faire ce qui doit être fait, car nous n’avons pas le luxe de rester là à jouer au chat et à la souris. »

L’analyste indépendant @MenchOsint a commenté sur X :

« La morale de l’histoire : après toutes ces décennies, Israël ne peut toujours pas gagner une guerre sans l’appui direct des États-Unis. Guerre des Six Jours : les États-Unis imposent un embargo sur les armes mais aident Israël en secret. Guerre des Douze Jours : les États-Unis sanctionnent l’Iran et soutiennent Israël via des frappes directes (THAAD), des renseignements et des livraisons d’armes. »

L’utilisateur @AirPowerNEW1, analyste indépendant open source, écrit sur X :

« En supposant que la batterie THAAD déployée par l’armée américaine en Israël ait utilisé 50 % d’intercepteurs en plus (39 + 20) par rapport aux preuves vidéos disponibles, cela signifierait qu’environ 10 à 15 % du stock total de missiles THAAD de l’armée américaine aurait été consommé en 12 jours. Bien que l’armée américaine ait récemment acquis un petit nombre de THAAD AUR pour répondre aux besoins des clients FMS, cela pourrait ouvrir des discussions intéressantes avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’éventuels clients comme le Qatar. »

Et maintenant ?

Un réapprovisionnement et une relance urgente de la production d’intercepteurs THAAD s’imposent, non seulement pour Israël, mais également pour d’autres zones stratégiques où leur déploiement pourrait devenir nécessaire : au Moyen-Orient, dans le Pacifique ou en Europe.

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