Pourquoi Aboubakar Cissé a-t-il été assassiné ?
par Sylvain Rakotoarison
mardi 29 avril 2025
« Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. » (Évangile selon saint Matthieu).
Le vendredi 25 avril 2025 en début de matinée, un jeune Malien de 21 ans, Aboubakar Cissé, venu prier seul dans la mosquée de La Grand-Combe, près d'Alès, dans le Gard, a été sauvagement assassiné. Un assassinat est en fait toujours sauvage, d'une certaine manière, mais celui-ci en tout cas l'est assurément, avec 57 coups de couteau et filmé avec des insultes contre les musulmans.
La découverte du corps sans vie a eu lieu vers 11 heures 30 et l'information a été diffusée dans les médias une heure plus tard. Comme dans pareils cas, forte émotion nationale. Le week-end et au début de cette semaine, de nombreuses communes ont tenu des cérémonies d'hommage et de recueillement. Une marche blanche a eu lieu dans la commune en question.
Il a fallu attendre ce lundi 28 avril 2025 après-midi pour connaître la nature de l'enquête judiciaire : la procureure de la République de Nîmes Cécile Gensac a en effet ouvert une information judiciaire ce lundi pour « meurtre aggravé par la préméditation et la circonstance de commission à raison de la race ou de la religion, ainsi que de soustraction d'un criminel à des recherches ou à son arrestation ». Donc, un assassinat antimusulman. Quelques heures auparavant, le procureur de la République d'Alès Abdelkrim Grini avait affirmé sur BFMTV : « La piste de l'acte antimusulman, de l'acte à connotation islamophobe, (…) est privilégiée. (…) Il y a aussi des éléments qui nous permettent de considérer qu'il y avait certainement d'autres motivations qui l'ont poussé à passer à l'acte. Des motivations de fascination de la mort, d'envie de donner la mort, d'être considéré comme un tueur en série. Tout ceci doit être investigué. ». Tout simplisme doit donc être évacué dans l'analyse.
La nature antimusulmane du meurtre serait caractérisée par la vidéo (que je n'ai pas vue), mais elle n'était pas évidente dès le début. La personne suspectée de cet assassinat, un Français d'origine bosniaque de 21 ans, avait réussi à fuir en Italie mais, poursuivi, il s'est rendu à la police italienne, au commissariat de Pistoia, près de Florence, le dimanche 27 avril 2025 dans la soirée, accompagné de son avocat qui a affirmé le lendemain que le suspect n'avait pas de haine contre l'islam, qu'il s'en était pris à la première personne venue et qu'il serait surtout dérangé mentalement. C'est sûr que c'est sans doute plus facile de plaider ainsi la chose plutôt que d'assumer, mais je ne suis pas le prévenu qui, selon son avocat, ne se souvient pas d'avoir filmé son horrible acte. Le fait que l'assassin présumé soit vivant est heureux, et va permettre de comprendre les circonstances exactes de l'assassinat, ainsi que ses motivations.
Deux mille personnes ont participé à la marche blanche en hommage d'Aboubakar, sans aucune pancarte, ni panneau ni slogan.
Politiquement, la motivation de cet assassinat est bien sûr essentielle : pourquoi Aboubakar Cissé a-t-il été assassiné ? De la réponse peut sortir des réponses appropriées des politiques. Ou pas. Était-ce un attentat terroriste ? Il semblerait que non. Un simple fait-divers ? Un fait de société ? Un acte raciste (c'est l'un des chefs d'inculpation) ?
Pour la gauche islamisée et mélenchonisée, il n'y avait pas de doute sur le caractère "islamophobe" du crime. Il y a longtemps, j'avais employé ce terme très controversé d'islamophobie, ici et là, par exemple, mais je le regrette car je ne savais pas, à l'époque, qu'il avait été inventé par des islamistes pour empêcher toute critique de l'avancée sociétale de l'islamisme en France. C'est pourquoi le Premier Ministre François Bayrou m'a paru maladroit en l'ayant employé aussi à cette occasion.
Ce dimanche 27 avril 2025, une manifestation a eu lieu place de la République à Paris avec tous les amis de Jean-Luc Mélenchon qui a même joué les pleureurs pour récupérer politiquement cet assassinat. Toute récupération dans tous les sens politiques possibles est absolument odieux. Une famille, des amis, une commune sont sous le choc de cette mort affreuse. Respectons-les !
Il y a des militants qui ne réagissent qu'en fonction du type de consonance, étrangère ou pas, des noms des victimes ou des assassins présumés, réagissant ou restant indifférents selon les cas, et puis, il y a les autres, ceux, que je veux croire majoritaires en France, pour qui l'horreur n'a pas besoin de nom, de circonstance pour être condamnée fermement et dans tous les cas. Au-delà de la récupération politique, il y a aussi une odieuse course à celui, le "camp", qui aurait le plus de victimes. C'est déplorable car tout acte de violence est à fermement condamner, et avant de faire de la politique, il faut se mettre à la place des victimes, de leurs proches. Tristesse et inquiétude d'un climat qui semble faire de la violence une sorte de langage de plus en plus utilisé.
C'est le sens notamment des propos du Président Emmanuel Macron au conseil des ministres du 28 avril 2025. Des présents ont dit qu'il a été très républicain. C'est dans ces moments difficiles de la nation qu'il faut défendre haut et fort les valeurs républicaines.
Même si c'est anodin par rapport à la réalité concrète d'un assassinat, il faut évoquer cette polémique politicienne engagée par les mouvements islamo-gauchistes qui veulent récupérer le vote des musulmans français en montrant qu'ils les défendent. Cette polémique vise à fustiger le Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau d'avoir tardé à condamner cet assassinat et d'avoir tardé à se rendre sur les lieux.
C'est vrai qu'il a pris deux jours pour aller sur les lieux, et qu'entre-temps, c'est ce que certains lui ont reproché, il a participé à deux meetings politiques dont un en Savoie (en présence de l'ancien Premier Ministre Michel Barnier), parce qu'il est en pleine campagne interne pour la présidence de son parti LR. Mais à sa décharge, il était très difficile, les journalistes en premier, de comprendre les circonstances exactes de cet assassinat et les motivations du tueurs. Toute déclaration ministérielle doit donc être très prudente.
Encore ce lundi soir, il y a un contraste entre les cris d'insulte et de haine entendus dans la vidéo qu'avait prise le tueur présumé avec son smartphone, et les propos très différents de son avocat italien qui a assuré que le prévenu n'avait aucune haine contre les musulmans et qu'Aboubakar Cissé se trouvait seulement au mauvais endroit au mauvais moment. Réagir quand aucune information n'est connue est politiquement très risqué, une surréaction parfois imprudente quand on connaît ensuite exactement la réalité des faits.
Mais sur le plan moral, Bruno Retailleau n'a pas pu être mis en défaut et c'est un mauvais procès d'imaginer que pour lui, il y a eu deux poids et deux mesures, selon justement qui est victime et qui est coupable. Ainsi, dès le vendredi 25 avril 2025 à 14 heures 48, Bruno Retailleau a communiqué sur Twitter son dégoût sans hésitation et sans ambiguïté : « Un homme a été atrocement assassiné ce matin dans la mosquée de Grand-Combe. L'enquête permettra, je l'espère, d'appréhender rapidement l'auteur et de faire la lumière sur cet événement épouvantable. Je veux dire mon soutien à la famille de la victime et ma solidarité à la communauté musulmane touchée par cette violence barbare, dans son lieu de culte, le jour de la grande prière. ».
Et je l'avais déjà signalé dans mon article sur le prochain congrès de LR, lors de son déplacement à Alès ce dimanche, Bruno Retailleau a été très clair sur les valeurs, comme il l'a toujours été : « Je suis Français, je suis très attaché à la République française. C'est la République qui nous unit tous. Nous sommes tous des enfants de la République. Être Français, être membre de la communauté nationale, ce n'est pas une question de couleur de peau, ce n'est pas une question de religion, ce n'est pas une question de conditions sociales. On est Français, un point, c'est tout. Et jamais je ne laisserai passer quoi que ce soit qui puisse trier précisément entre nos compatriotes. Je voudrais leur dire vraiment la plus totale solidarité de l'ensemble du gouvernement, du Premier Ministre, du Président de la République, de l'ensemble des ministres. Et nous nous tenons évidemment en cet instant, comme depuis vendredi, à leurs côtés. ».
La cohésion nationale est à notre époque très fragile pour différentes raisons. Le rôle du politique est de pondérer, temporiser, modérer, pas de renforcer les haines et les divisions. Bruno Retailleau a fait son job de ministre chargé des cultes. À l'opposition islamo-gauchiste de reprendre son esprit de responsabilité (Jean-Luc Mélenchon était un vrai partisan de la laïcité, opposé au voile, il y a une dizaine d'années), de prendre part aussi à la cohésion nationale. Et dans tous les cas, dans toutes les circonstances, pensez avant tout à la victime et à ses proches ! Respectons le deuil et l'émotion.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (28 avril 2025)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Pourquoi Aboubakar Cissé a-t-il été assassiné ?
Le mystère Émile sur le point d'être percé ?
Crash de l'A320 de Germanwings.
L'accident de Villa Castelli.
Morts mystérieuses à Santa Fe.
Repose en paix Louise, on ne t'oubliera pas !
Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?
5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
La France criminelle ?
La nuit bleue de Lina.
La nuit de Célya.
La nuit d'Émile Soleil.
Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
Meurtre de Lola.
Nos enseignants sont des héros.
La sécurité des personnes face aux dangers.