Pour un « Grenelle » des finances publiques
par Vincent Perrier-Trudov
mercredi 9 juillet 2008
On parle beaucoup de dette publique, en oubliant souvent de débattre du principal, à savoir les enjeux que porte cette masse financière colossale.
Le sujet est unanimement qualifié de « technique » par les médias. Ce qui veut dire, en clair et en s’adressant aux citoyens : « c’est compliqué, nous-mêmes, journalistes, on ne comprend pas tout, alors on ne va pas se fatiguer à essayer de vous l’expliquer simplement ».
On ne doit d’ailleurs l’apparition de cette question sur le devant de la scène qu’à l’énormité du problème auquel nous devons faire face. Disons-le clairement, nous sommes devant un mur de dettes, bien réelles.
D’un montant de 1 200 milliards d’euros, la dette publique française génère – avec les taux directeurs actuels – des intérêts à hauteur de 41 milliards d’euros par an. On comprend mieux pourquoi le gouvernement est si sensible à l’évolution des taux fixés par la BCE.
Certes, des taux à la hausse ont tendance à ralentir la croissance, mais, surtout, chaque augmentation de taux pèse très lourdement dans le budget de l’Etat. Autrement dit, le président de la République n’a pas très envie que tous les efforts d’économies budgétaires ne servent qu’à survivre aux hausses de taux de la BCE.
Survivre, le mot n’est pas trop fort. Car chaque fois que l’Etat enregistre un déficit budgétaire – comme tous les ans depuis trente ans – il est obligé d’emprunter le montant du déficit, et cette somme vient grossir la dette.
Nous en sommes aujourd’hui à environ 38 milliards de déficit annuel. En comparant aux 41 milliards d’intérêts de la dette, on en déduit immanquablement ceci : la France emprunte car elle n’arrive pas à payer les intérêts de la dette qu’elle a déjà.
La France est donc en situation de surendettement. Quand le président de la République dit que les caisses sont vides, quand le Premier ministre dit que l’Etat est en situation de faillite, ils ne font que dire la simple vérité. Mais on a toujours du mal à l’entendre, la vérité.
Aujourd’hui, beaucoup de réformes ont été engagées. La RGPP, tant décriée, est un processus qui peut réellement apporter des économies dans les coûts de fonctionnement de l’Etat. La règle d’or budgétaire, qu’il faut absolument faire passer lors de la révision constitutionnelle, serait un élément supplémentaire – quoique encore trop timide – pour aller dans cette direction.
Mais il est essentiel que les Français dans leur ensemble prennent conscience de ce défi majeur. Car il s’agit ni plus ni moins de l’avenir de notre modèle social. Plus nous tardons, plus les remèdes seront brutaux, et injustes.
L’essentiel du budget de l’Etat est constitué de dépenses de personnel, qu’il ne peut réduire que par des départs en retraite. Il y a des investissements sur lesquels il s’est engagé et sur lesquels il ne peut pas revenir. Le reste est constitué de "transferts sociaux", aides aux entreprises inclues. Constituées de subventions, d’exonérations fiscales et sociales, ce sont les lignes les plus souples, budgétairement parlant.
Si nous n’agissons pas maintenant, en partageant l’effort, lorsque nous en serons réduits à prendre des mesures dans l’urgence, ce seront ces lignes budgétaires-là qui seront coupées. Celles qui fondent notre modèle social, celles qui font qu’en France, on essaye de ne laisser personne sur le bord de la route.
On ne peut plus attendre éternellement une croissance à 3 % ou 3,5 % – et encore moins tabler dessus – pour résoudre tous nos problèmes. Lorsque nous avions cette croissance, à la fin des années 1990, les gouvernements n’ont pas pris les mesures nécessaires. On parlait de cagnotte, alors que la dette progressait.
On a poussé le vice jusqu’à dire que la dette baissait. Elle baissait certes, mais en pourcentage du PIB, pas en valeur absolue. On a fait croire aux Français que notre modèle social, financé à crédit depuis vingt années à l’époque, allait voir ses difficultés financières résolues sans douleur.
On voit aujourd’hui ce à quoi nous a mené cette attitude irresponsable.
Il faut désormais une prise de conscience collective, que tout le monde se mette autour de la table, et que l’on prenne ensemble de vraies décisions. Il faut que ces décisions soient justes, et qu’elles soient équitables. Que les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et l’ensemble du secteur public participent à l’effort global.
Et c’est seulement au travers d’un « Grenelle » des finances publiques que l’on pourra, en transparence, assurer financièrement l’avenir de notre modèle social.
Il y a urgence, car le mur de dettes est devant nous. Juste devant nous.