Y aura-t-il du foie gras à Noël ?

par LM
lundi 24 octobre 2005

Rangée des planches, l’ex-star peu académique, Brigitte Bardot, sort tous les six mois de sa retraite pour des causes nobles et justes. Aujourd’hui : le gavage des oies.

Rappelons-nous : c’était un temps où les vedettes du cinéma(tographe) roulaient en Corvette sur les corniches de la côte d’Azur, bien avant que d’une de ces corniches, se précipite une princesse star qui avait mal négocié un virage. Bref. C’était un temps où les vedettes, justement, étaient des stars, et n’atteignaient pas ce firmament par autre chose que de grands films. Un temps révolu, où les seins n’étaient pas à l’air, ni les fesses en couverture de magazine.

En ce temps-là, donc, Brigitte Bardot était une de ces stars. Et quelle star ! C’était la femme, si parfaite que seul Dieu, selon certains, pouvait l’avoir créée. (Notez, ce jeune homme étant censé créer à son image, s’il ressemble à Bardot jeune, pourquoi pas). Une poignée de films (plus ou) moins réussis, des chansons avec un chanteur émergeant et déjà très en vogue, un mythe autour d’un corps il est vrai bien plus proche de la perfection que des ravages de l’âge, du soleil, du stress.

Brigitte Bardot, même les Anglo-Saxons apprirent à prononcer son nom.
Et puis, bon, le temps, on sait ce que c’est, il passe. Et Bardot avec. Moins de films, puis plus de films du tout, un peu l’oubli du coup, un peu les rides aussi, et puis soudain une cause, juste et noble : les animaux.

Qui n’a pas versé une larme devant ces bébés phoques, aux yeux trop grands pour la banquise, qui étaient achevés par des hommes sans pitié, à coups de piolet dans la tête, comme Trotski ?

Le sang inondait la glace, et le nôtre ne faisait qu’un tour : fallait arrêter ça !


Notre Brigitte encore nationale, pas encore Front national, allait se charger de faire passer le message : stop à la barbarie, ne maltraitons pas les animaux, ni les phoques, ni les chiens, ni les baleines, j’en passe, mais c’est pour plus tard.

Réfugiée dans une madrague de quiétude plus mitraillée par les paparazzi qu’envahie par les admirateurs, Brigitte menait son combat noblement, il faut le dire.

Et puis, bon, le temps, on sait ce que c’est, il continue de passer. Les neurones avec. Et les phoques ne se faisant plus défoncer le crâne sur la banquise, ou les médias n’en parlant plus, les baleines n’étant plus chassées, enfin sauf par les Japonais et quelques autres, les chiens étant à la SPA, qui faute de moyens s’en occupe parfois aussi bien que le gouvernement des vieux, bref, notre amie Brigitte, que tout un chacun appelait désormais madame Bardot ou Brigitte Bardot, ou Madame Brigitte Bardot comme Drucker, devait se trouver un autre combat.

Ce fut fait, avec un livre sorti l’an dernier, où l’ex-actrice devenue basse du front, s’en prenait à peu près à tout ce qui bougeait plus ou moins dans notre société : les handicapés qui coûtent trop cher, les vieux qui coûtent trop cher, les homosexuels qui sont sans doute pas tout à fait comme nous, rien n’avait grâce à ses yeux, sauf les chiens, dans ce bouquin du fond du couloir à gauche.
Bardot dévissait, ou plutôt, sans doute, disait ce qu’elle pensait. Un peu le problème de Dieudonné. C’est (l’écrivain) l’humoriste Michel Houellebecq qui le soulignait justement dans une interview : « Le problème avec Dieudonné, c’est qu’il n’est plus drôle parce qu’il est devenu sincère. » Très bien vu.

Bardot ne joue plus, dans tous les sens du terme. Elle est donc devenue elle-même. Une femme qui ne supporte toujours pas qu’on manque de respect à un animal, mais qui a du mal à respecter ses frères de race, quels qu’ils soient. Victime de ses rides, sans doute, elle s’est réfugiée dans une aigreur extrême, qui transforme chacune de ses interventions en dérive, chacune de ses réflexions en nausée.
Récemment, pourtant, elle a renoué avec la fibre comique en (re)demandant l’interdiction du foie gras. Bien sûr, gaver des oies, c’est les torturer, en tout cas ce n’est pas leur faire du bien, tout le monde en conviendra. Mais quid de la façon d’abattre des vaches, d’égorger des cochons, que sais-je encore, d’élever des poulets en batterie ? Il y aurait matière à s’offusquer, et plus d’une (foie) fois.
Brigitte Bardot veut interdire le foie gras. Sa manière à elle de nous souhaiter, d’ores et déjà, un joyeux Noël. Sa manière à elle, une nouvelle fois, en attendant un nouveau livre de « réflexions », d’exister un peu dans un univers qui lui a tourné le dos depuis bien longtemps.

C’est le problème avec les actrices, ou les acteurs qui ne tournent plus. Ils ne savent rien faire d’autre, parfois, et se retrouvent désarmés, perdus dans un univers sans projecteur, sans caméra, sans filet.

Brigitte Bardot n’est pas une menace pour la société. Mais elle a écrit des choses qui auraient valu, à d’autres, des procès et des condamnations. Au lieu de ça, elle a sa place sur les canapés rouges du dimanche après-midi, entre un épagneul breton et un dessinateur belge, entre un imitateur guignol et un cuisinier chauve. Elle a sa place auprès aussi de certains politiques, dont le premier d’entre eux. Elle est Brigitte Bardot, ex-star d’un cinéma français qui, à l’époque, souvenons-nous, se contentait de starlettes sur les plages de Cannes plutôt que de Hot d’or, faisait des comédies sans Michael Youn et des films de genre sans Luc Besson.

 
C’était mieux avant ?

 
Oui, le cinéma français et Brigitte Bardot, c’était souvent mieux avant. Aujourd’hui (Amélie Poulain, Taxi 1 2 3 4, Iznogoud) c’est plutôt gavant.


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