Violence dans les stades : interdictions préventives

par Guillaume Caron
vendredi 24 mars 2006

Trente supporters du Paris Saint-Germain ont été interdits de stade de manière préventive pour la recontre qui a opposé le PSG à l’AJ Auxerre, dimanche 19 mars.

"Il est des prétendus supporters qui font honte aux clubs". Le ministre de l’Intérieur , M. Nicolas Sarkozy, a fait de la lutte contre la violence dans les stades un de ses chevaux de bataille. Le Parlement a d’ailleurs adopté, dans le cadre d’une loi contre le terrorisme le 23 janvier dernier, une mesure permettant aux préfets d’interdire de stade des supporters potentiellement dangereux, sans que ces derniers aient été jugés par un tribunal. Moins de deux mois plus tard, la loi a été appliquée pour la première fois à l’occasion de la rencontre PSG-Auxerre, pour laquelle 30 supporters parisiens se sont vu adresser une lettre leur interdisant l’accès au Parc des princes et les obligeant à pointer au commissariat. La majorité de ces IDS (interdits de stade) préventifs fréquente le bas de la tribune Boulogne, mais on compte quelques Tigris mystic (groupe ultra* du virage Auteuil) et Karsud. Rien d’étonnant puisque ces derniers sont les protagonistes d’un conflit ouvert depuis quelques mois. Les affrontements entre les indépendants de Boulogne* et les Tigris mystic se sont multipliés, que ce soit au Parc, à l’extérieur ou sur les routes de France. Souvent expliqué dans la presse par un clivage extrême droite (pour la tribune Boulogne) / jeunes de banlieue (pour les Tigris Mystic), ce gros différend est bien plus complexe. L’aspect politique est certes mis en avant, mais on peut également y voir la lutte pour la suprématie au sein du Parc, et de multiples accrochages sur des sujets divers.

Du côté des associations de supporters, on s’insurge contre cette loi. Dans un communiqué publié sur leur site Internet, les Tigris mystic estiment que "l’interdiction de stade préventive soulève un certain nombre de questions touchant aux libertés individuelles". Le principal reproche fait à cette mesure est le non-respect de la présomption d’innocence. Dans les faits, ce terme ne semble pas adapté, puisque ces supporters ne sont pas amenés à être jugés de manière systématique, mais se voient simplement sanctionnés pour le danger potentiel qu’ils représentent. Un recours judiciaire n’est d’ailleurs pas exclu par les Tigris, qui "saisiront, au tribunal administratif, le juge des référés".

En réalité, ce tapage autour du conflit parisien n’est que la face visible du "problème des supporters". Les clichés sur ceux que l’on nomme les Ultras sont nombreux, et ces derniers se sentent bien souvent criminalisés et peu écoutés. Outre une lutte pour la légalisation des engins pyrotechniques dans les tribunes, ils s’insurgent de manière globale sur ce qu’ils nomment le "foot business". Il s’agit en fait de condamner la perte des valeurs que sont l’amour du maillot ou le respect des supporters (décalage des matchs à des heures et à des jours difficiles pour ceux qui se déplacent, Ligue 2 le vendredi au lieu du samedi). Parallélement à cela, ce sont les sanctions qui sont bien souvent jugées trop sévères par les Ultras. Il est vrai que le dispositif répressif peut sembler disproportionné. Par exemple, un supporter allumant un fumigène est susceptible d’être condamné à de la prison.

Les pouvoirs publics ont peut-être tout intérêt à amorcer un dialogue constructif avec ces associations de supporters, afin que les concessions soient bilatérales. Ainsi, une relation de confiance pourrait laisser une part plus importante à la prévention qu’à la répression.

*Les indépendants sont des supporters qui ne sont affiliés à aucun groupe et se déplacent par leurs propres moyens, en marge de tout dispositif de sécurité. C’est parmi eux que l’on trouve les hooligans qui cherchent de manière quasi systématique l’affrontement avec des hooligans adverses.

*Les Ultras se caractérisent par un code plus ou moins défini. Importé d’Italie au milieu des années 1980, ce mouvement rassemble essentiellement des jeunes de 15 à 25 ans regoupés derrière une bâche sur laquelle figure le nom du groupe. Ils animent la tribune par des chants lancés par un "capo" , par des tifos (animations à base de feuilles, drapeaux, ballons, bandes plastiques, fumigènes...) et par des gestuelles diverses. Très actifs en déplacement, ils cultivent un côté sulfureux, principalement fait de provocations en tous genres et parfois d’affrontements, mais contrairement aux hooligans, ce n’est pas leur objectif.


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