Le discours de la méthode du président Sarkozy
par Paul Villach
vendredi 16 mai 2008
L’intervention surprise du président de la République, au soir de la mobilisation importante des personnels de la Fonction publique de jeudi 15 mai 2008 contre les réformes gouvernementales qui les frappent, paraît bien inaugurer un nouveau style présidentiel.
L’annonce d’une loi organisant un service minimum d’accueil dans les écoles en cas de grève comme réponse à l’inquiétude exprimée sur l’avenir de la Fonction publique est une méthode qui en dit peut-être plus long que le contenu du projet de loi lui-même.
1- Un leurre de diversion
Il s’est agi manifestement pour le président d’activer de toute urgence un leurre de diversion qui détourne les conversations et les commentaires médiatiques du succès de la mobilisation. Même les comiques fourchettes contradictoires d’estimations policières et syndicales ne descendent pas au-dessous des 100 000 manifestants dans les rues. Et, de fait, l’intervention a fait son effet : les médias ont aussitôt relayé le message présidentiel, reléguant les manifestations et leurs revendications à l’arrière-plan.
2- Un mépris affiché
En second lieu, cette réplique à ce mouvement d’inquiétude par un nouvel encadrement du droit de grève ne pouvait mieux exprimer la considération du chef de l’État pour les personnels de la Fonction publique : nous voulons un service public de qualité, disaient-ils. Justement, leur répond un président pince-sans-rire, commençons par assurer l’accueil des enfants dans les écoles les jours où vous faites grève ! Ce mépris, ouvertement exprimé devant le pays, ne l’est plus derrière les portes capitonnées : il s’affiche ouvertement.
3- Le jeu de la division
Le président joue à l’évidence, en troisième lieu, sur les divisions du pays en opposant les fonctionnaires grévistes et les parents d’élèves « victimes » des grèves qui leur compliquent la vie pour faire garder leurs enfants.
Les représentants de la majorité chargée de relayer la décision présidentielle n’ont pas tari de compassion avec des accents pathétiques pour parler des parents qui n’ont pas les moyens de faire face à ces situations dramatiques. Sur le plateau d’À vous de juger, sur France 2, jeudi soir, Mme Kosciusko-Morizet, qu’on a connue mieux inspirée, faisait chorus avec un entrepreneur habitué de cette émission qui parlait de ses « collaborateurs » obligés de prendre une journée de RTT au risque de désorganiser la journée de l’entreprise.
Reste à savoir si les échaudés du pouvoir d’achat se montreront aussi sensibles à cette compassion que confiants dans la concurrence des supermarchés pour pouvoir acheter plus sans gagner plus.
4- Un droit de grève indolore
Enfin, cette nouvelle contrainte dans l’exercice du droit de grève s’inscrit dans une stratégie qui tend à rendre la grève indolore et donc inefficace. On accepte le droit de grève, inscrit dans la Constitution, mais à condition qu’elle ne gêne personne sauf évidemment les grévistes qui y perdent leur salaire. Ainsi pourront-ils faire grève tant qu’ils voudront, ou du moins tant qu’ils le pourront financièrement. Comme si la grève n’était pas le dernier recours des salariés qui n’ont pas eu d’autres moyens pour se faire entendre !
Pour se lancer dans cette opération dangereuse, il faut que le président ait eu d’impératives contraintes. Il est vrai que la situation tend à lui échapper : des promesses non tenues sur le pouvoir d’achat et sans doute intenables, une cote de confiance au plus bas après seulement un an de pouvoir, une majorité indisciplinée malgré ses rappels à l’ordre. Que lui reste-t-il, sinon à sonner la mobilisation de son électorat pur et dur, représenté par ces gens dont les médias recueillent systématiquement l’opinion outrée les jours de grève sur les quais de gare ou à l’entrée des écoles ? Mais c’est prendre le risque de n’être plus le président de tous les Français. Il l’a pris. Paul Villach