Tibet : « Le moulin à prière » des « bien pensants »

par Bruno
vendredi 23 mai 2008

Les représentants de l’« Etat français », « du patronat français », excusez-moi…, en plus de persévérer à nier le soutien qu’ils ont apporté au régime raciste et génocidaire rwandais (dernier génocide du XXe siècle), reçoivent en grande pompe Kadhafi, obéissent à Bongo (éviction de Bockel) et s’apprêtent à aller faire des courbettes à Nguesso (visite de Joyandet au « tortionnaire du Beach »)…

José Eduardo Dos Santos, dictateur de l’Angola depuis 29 ans, recevra bientôt ce qui nous fait office de président…

Alors que les journaleux en mal d’inspiration font les gros titres de leurs articles sur « la fin de la Françafrique » et autres élucubrations fétides censées nous faire oublier que Bolloré et consorts sont plus que jamais implantés au Gabon, en Côte-d’Ivoire et ailleurs dans le « pré carré », qu’Elf (devenu ElfTotalFina) continue de piller l’or noir africain et qu’Areva, future filiale de Bouygues, tire la quasi-totalité de son uranium des gisements nigériens, revenons un instant sur « le péril jaune » qui depuis quelque temps semble obnubiler les médias.

Des Jeux olympiques devant avoir lieu dans la « République populaire libérale », tous les commentateurs semblent s’être donné le mot pour réclamer, à corps et à cri, la libération du Tibet, « sauvagement » occupé par les troupes de l’Etat « socialiste » acquis aux thèses du marché.

Encore une fois, les « journalistes » font preuve d’un courage qui les honore grandement. On aurait pu penser qu’il aurait été plus facile d’informer et d’agir sur les égarements de la politique africaine de la France que sur les atrocités commises par un régime lointain, sur lequel on n’a aucune emprise : chez Ménard, Plenel, Val ou Joffrin, on semble pourtant cultiver la difficulté... Aussi ne compte-t-on plus les articles accusateurs mettant en cause l’Etat chinois dans sa gestion « du problème tibétain ».

On aura lu avec un certain désappointement l’« article », paru sur Agoravox, de Wuyilu, « citoyen-supporter du MoDem ». Mais tout le monde a le droit de s’exprimer… Il résume mieux que tous les autres pamphlets nauséeux la doxa ambiante. Aura-t-il été attiré par le parti de Bayrou à cause de sa couleur, l’orange ? Difficile à dire… Le personnage s’enflamme contre une tribune de Mélanchon, parue sur son blog le 7 avril. À lire l’énergumène, on en viendrait presque à avoir des appétits de vote socialiste… C’est dire !

Que nous dit Mélanchon, qui, vous l’aurez compris, ne fait pas vraiment partie de mes maîtres à penser…


• Les « événements du Tibet » ont commencé par un pogrom de commerçants chinois par des « Tibétains » ;

• «  Le Tibet est chinois depuis le XIVe siècle. Lhassa était sous autorité chinoise puis mandchoue avant que Besançon ou Dôle soient sous l’autorité des rois de France ». Parler « d’invasion » en 1959 pour qualifier un événement à l’intérieur de la révolution chinoise est aberrant ;



• En 1956, le régime communiste a décidé d’abolir le servage pratiqué au Tibet par les moines. Dans une négation des traditions, les communistes ont abrogé les codes qui classaient la population en trois catégories et neuf classes dont le prix de la vie était précisé, codes qui donnaient aux propriétaires de serfs et d’esclaves le droit de vie, de mort et de tortures sur eux ;

• Depuis « l’occupation chinoise », la scolarisation des enfants du Tibet concerne 81 % d’entre eux là où il n’y en avait que 2 % au temps béni des traditions monastiques ;

• … Lisez son blog qui, semble-t-il, comporte néanmoins quelques erreurs sur l’histoire du Tibet.



Être laïc, comme le rappelle le sénateur de l’Essonne, « c’est l’être partout et pour tous ». C’est donc légitimement s’opposer à l’autorité politique des religieux, fussent-ils auréolés du titre de « Dalaï-Lama », de « Sa Sainteté » ou de toute autre distinction sectaire ou religieuse.

Avec une certaine dose de provocation, j’écrivais (nul n’est parfait), en 2001, que « nos vieux dogmes occidentaux ont cédé la place à des religions, finalement tout aussi connes, mais qui se disent, plus que nos croyances surannées, une avancée vers une pseudo-reconquête du Moi, une investigation intérieure salvatrice, une vision tolérante et "naturelle" de "l’être" et de sa place dans ce monde… Mange bio et rase-toi le crâne, déambule dans une tunique orange et ferme ta gueule. »

Il faut dire qu’alors le culte papal semblait de façon assez réjouissante en déclin sous nos contrées. Mais depuis, sur fond de « choc des civilisations », on a assisté, impuissants, à la reconquête d’une certaine forme de légitimité de l’église, qui s’affirme, voulant faire oublier Les Lumières, le ciment culturel de l’Europe.

Je lis aujourd’hui avec intérêt l’article de Zizek, dans le dernier Diplo : « Le Tibet pris dans le rêve de l’autre ».

On y apprend notamment que :


« Avant 1950, le Tibet était sous le joug d’un féodalisme féroce, pâtissant de la pauvreté (l’espérance de vie ne dépassait pas 30 ans), d’une corruption endémique et de plusieurs guerres civiles (…) craignant le désordre et la destruction sociale, l’élite dirigeante tibétaine a interdit tout développement de l’industrie, de sorte que le moindre bout de métal devait être importé d’Inde. Cela n’a pas empêché cette élite d’envoyer ses enfants dans les écoles britanniques, en Inde, et de transférer des capitaux dans les banques britanniques, en Inde également. » Grosso modo, les "traditions séculaires" du peuple tibétain, c’est pour le peuple… l’élite, elle, fréquente les écoles britanniques…

« La Révolution culturelle qui a ravagé les monastères tibétains dans les années 60 n’a pas été simplement "importée" par les Chinois : à cette époque-là, moins d’une centaine de gardes rouges s’étaient rendus au Tibet, et les populations qui brûlaient les monastères étaient presque exclusivement tibétaines. »

Vous la lirez la suite de l’article de Zizek sur le site du Monde diplomatique quand il sera en ligne…



Il y a de nombreuses bonnes raisons de s’insurger contre les dirigeants chinois (prisonniers politiques, journalistes emprisonnés, déplacements de population, camps-prisons disciplinaires, passeports et sans-papiers intérieurs [lire à ce sujet Les Damnés de la civilisation de Claudio Ielmini], …) comme des bourreaux sanguinaires aux commandes de la Tunisie, de l’Algérie, du Gabon, du Congo et d’ailleurs… Mais en aucun cas ces justes revendications pour l’avènement de la démocratie et de la liberté ne doivent se solder par la remise en selle d’une théocratie, fusse-t-elle appuyée, préparée, armée, entretenue et financée, depuis 1959, par les Etats-Unis.

Rappel à ceux qui l’auraient oublié, dans les rédactions hexagonales, la guerre froide est finie…


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