Une démonstration au programme

par François G
jeudi 10 avril 2008

Un ministre pris au piège au cours d’une émission télévisée. Vous fûtes coincé Monsieur le ministre de l’Education nationale ! Calculateur ou non Xavier Darcos ?

Agrégé de lettres classiques réduit à l’impuissance face à « un passé antérieur », telle était la situation du ministre de l’Education nationale lors d’une récente émission de télévision. Ce « passé antérieur », paraît-il nécessaire au socle commun des connaissances, doit être acquis avant l’entrée au collège selon les termes du projet de nouveaux programmes pour l’école primaire.

A propos « vous fûtes coincé », passé antérieur ou non.

Laissons là cette première anecdote pour mieux appréhender les réels enjeux d’un enseignement.

Le projet de nouveaux programmes constitue une somme de connaissances à acquérir par le biais « d’entraînements systématiques ». Tels des athlètes, les élèves devront donc muscler leur cerveau par des répétitions d’exercices. Tout le monde connaît ou imagine la durée de la carrière des athlètes. Passé un certain âge, les performances diminuent et s’estompent au point de disparaître et c’est bien normal.

Alors M. Darcos est-il un ancien athlète de la conjugaison ? Ses performances lointaines sont déjà oubliées ! Le passé antérieur était au programme des classes élémentaires en 1958, année de son passage probable en sixième. Il n’a toutefois pas encore manqué de montrer sa mauvaise foi en déclarant : « J’avais compris futur antérieur ! ».

Le ministre a bien involontairement démontré qu’une notion abordée, même ayant fait l’objet d’un apprentissage par cœur, sans objectif de pleine appropriation, peut être aisément oubliée. Ceci n’est très nouveau : Montaigne a écrit « Savoir par cœur n’est pas savoir ». Propos à retrouver dans des cours de « lettres classiques ».

L’enseignement doit se préoccuper de l’utilité et de l’usage de son contenu. Il doit également viser avant tout une appropriation des connaissances par les élèves pour une réutilisation à bon escient. Appropriation au sens de compétences acquises durablement et non passagères pour satisfaire à une évaluation à un moment donné (évoquerai-je là un quelconque bachotage ?). Il faut du temps aux enfants pour parvenir à l’appropriation, ils doivent consentir à d’indispensables efforts pour atteindre la satisfaction de la réussite, ils se doivent de connaître les notions et donc les apprendre après les avoir construites seul ou collectivement.

Bien évidemment, chacun a pu retenir le message du gouvernement qui dans sa communication a annoncé « un retour aux savoirs fondamentaux et à une exigence accrue ». Qui peut ne pas être en accord avec une telle déclaration ? Personne bien évidemment, mais la rédaction actuelle des programmes ne va pas dans ce sens pour la totalité des élèves. La division par trois du nombre d’élèves en difficulté n’est pas assurée. La place de l’enfant « chercheur » s’amenuise.

Les programmes précédents de 2002 revus en 2007 nécessitent probablement des réajustements, mais ne doivent pas être abandonnés au profit d’approximations et de réflexions manquant de réelle profondeur.

A propos « vous fûtes coincé », passé antérieur ou non : c’est non, il s’agit du passé simple à la forme passive.

Xavier Darcos a aussi été recalé à l’épreuve de mathématiques proposée par l’animatrice de l’émission de télévision. Le ministre a immédiatement exprimé ses craintes en entendant « un règle de trois » à résoudre. Non seulement, il n’a pas su résoudre le problème posé, mais il n’a pas compris la première explication qui lui a été fournie.

A propos, Monsieur le ministre, 7,5 milliards d’économies correspondent à 10, 15, 5 ou 40 % des 150 milliards d’économies évoqués par le président de la République lors du lancement de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) en juillet 2007. Ce problème est posé sous la forme d’un QCM, formule envisagée pour le passage du baccalauréat.

Pour résoudre ce simple problème, la construction d’un tableau de proportionnalité apparaît plus simple à concevoir qu’une application mécanique d’une règle de trois. Règle obscure pour la plupart et en tout cas écartée de son sens pour beaucoup au point d’en oublier au plus vite son principe, n’est-ce pas Monsieur le ministre ? Quand vous oubliez le tableau noir de l’école, vous maniez les pourcentages avec une déconcertante aisance au moment de décrire les suppressions de postes dans l’Education nationale.

Enseigner ou gouverner un pays nécessite une méthode. Il en existe plusieurs, certaines directives et abruptes aboutissent à l’inefficacité et créent des inégalités de chance et d’espoir en l’avenir.


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