180 000 euros contre le piratage ?

par Richard Collier
samedi 25 février 2006

Le ministère de la Culture vient de confier à Publicis la réalisation d’un site pour faire débat sur le peer-to-peer. Pour la modique somme de 180 000 euros. Et dans quel but ?

Cette somme a été en effet allouée par le ministère de le Culture pour financer le blog Lestelechargements.com (conçu par Publicis) destiné à mettre en débat le projet de loi DAVSI, c’est-à-dire l’interdiction du téléchargement. Un évènement qui agite actuellement la blogosphère puisque tout le monde en parle, qu’il s’agisse de Loïc Le Meur, ou Pointblog, (entre autres...) avec des critiques portant aussi bien sur le fond que sur la forme.

Un espace pour débattre, disent-ils... et on se retrouve face à une construction qui induit fatalement le bien-pensant. D’un côté, les créateurs qui défendent leur gagne-pain (Marc Lavoine pour la chanson, Jean-Jacques Annaud pour le cinéma, Wallen et Abd Al Malik pour le rap..), de l’autre, un pro du "peer to peer", Guillaume Champeau, qui anime Ratiatum.com (voir sa première vidéo ainsi que la deuxième). Bref, un "trois contre un" imparable qui fait rapidement basculer la tendance dans le sens voulu (voir cependant cet article et ce deuxième sur le site Ratiatum).

Et du côté des arguments, rien ne nous est épargné : le chanteur des "Yeux revolvers" nous prévoit 300 000 personnes au chômage à cause du téléchargement (rien que ça...), et le réalisateur de L’Ours voit dans le peer-to peer la fin du cinéma français. (Il y a 20 ans, c’étaient les films américains qui étaient responsables de tout...). On ne fait donc pas dans la dentelle, ni dans la nuance, et certainement pas dans le débat.

Loin de nous l’idée de contester une protection des droits d’auteur... Mais les arguments utilisés pour défendre une loi qui interdit le téléchargement nous semblent déplacés, et franchement à côté de la plaque. On nous parle de faillite d’un système de production, mais jamais de la faillite de la création mise en place par les majors qui formatent un goût et un style musical. Et le portrait des téléchargeurs est fait de façon partiale : ce sont des pirates, un point c’est tout. Pourtant, il semble que ces "fossoyeurs de la création", qui aspirent films ou CD via EMule, sont des consommateurs culturels, qui achètent des albums, vont aux concerts et au ciné plus que les autres.

Le prix de ce faux débat, qui paraît avoir toutes les caractéristiques d’une propagande, aurait pu servir à encourager la création, à défendre une certaine conception culturelle. Mais non, 180 000 euros du ministère de la Culture ont financé un tract qui semble ne convaincre personne... Ironie de l’histoire, la structure du blog du ministère provient de Dotclear, qui est un logiciel libre distribué gratuitement. Le créateur de Dotclear, d’ailleurs, ne semble pas particulièrement flatté de ce choix....


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