Cette vague-là ne s’arrêtera pas

par Yann Riché
jeudi 1er mars 2007

Voici pourquoi les Français vont élire François Bayrou président de la République française. Ce n’est pas un excès d’optimisme, ni même un manque de respect, que d’annoncer à l’avance un résultat qui est loin d’être certain. C’est beaucoup plus que cela, ce sont les raisons objectives et subjectives de la campagne qui me poussent à reprendre en titre cette phrase prononcée par François Bayrou à Bordeaux le mercredi 7 février (non je n’y étais pas il, n’y avait pas assez de place, je l’ai regardé sur la chaîne Public Sénat sur internet).

« Cette vague-là ne s’arrêtera pas », c’était le début du changement dans la campagne, Bayrou commençait sa percée, percée qui se poursuit de manière continue avec un beau 17% dans le dernier sondage CSA et un joli 15% chez BVA (en hausse d’un point alors que les autres baissent).

Les sondages, sans s’appesantir dessus, auront un impact sur la campagne. Le fait que les instituts de sondages prennent comme option la présence de François Bayrou renforce sa crédibilité et la renforce d’autant plus qu’il sort vainqueur de ses duels avec Mme Royal ou M. Sarkozy et plus nettement avec ce dernier.

Ensuite il y a le projet de François Bayrou : un projet qui dessine une vision plus cohérente entre les Français et leur destin. Une vision sans faux semblant qui reprend les points forts de notre pays, sa vision universaliste et idéale, ses compétences et la richesse de ses forces vives mais aussi des points faibles qui sont un manque de confiance dû au doute et à une société qui n’a plus de projet commun depuis le mondial de 1998...

Ce projet s’inscrit dans une démarche qui vise à rétablir la confiance et à enrichir le débat plutôt que de le laisser s’enfermer dans la lutte droite/gauche, une lutte dans laquelle la rigidité idéologique compense l’aridité des idées. Qu’ont-ils à dire les deux opposants de François Bayrou ? Les deux essaient de le remettre à droite, faute de trouver mieux. Ah si ! J’ai entendu ou lu un argument venant d’un député du PS ou de l’UMP et qui disait "si vous faites ce que Bayrou veut et qu’il se plante, alors la seule voie qu’il restera aux Français sera l’extrêmisme", façon de dire finalement que si les extrêmes ne sont pas au pouvoir c’est grâce, non pas à Dieu, mais à nos deux partis dominants qui ont su nous sauver malgré leurs échecs.

Donc pauvreté intellectuelle, car c’est aussi oublier que les Français ne sont pas à gauche ou à droite toute, mais comme beaucoup d’internautes ici, ils sont prêts à accepter des idées s’ils les compennent et s’ils y trouvent un avantage.

Le projet de François Bayrou est là dans la modernisation de notre pays pour réduire le chômage et les inégalités.

Et pour moderniser notre pays, il a imposé dans le débat le sujet fort délicat de la dette qui a conduit au chiffrage des différents programmes. Il faut le savoir mais vérifiez-le (vous pouvez consulter le dernier livre de Jacques Marseille qui est riche en explications sur la France), les pays européens qui ont le plus de croissance et donc un chômage en baisse sont aussi les pays les moins endettés. On peut juste mettre une exception, l’Allemagne, mais son endettement correspond à un effort particulier pour la réunification qui a conduit à la parité entre Ost et Deutsch Mark puis à un alignement des salaires, et malgré cela, ses marges de manoeuvre sont restées un peu plus importantes (la hausse de la TVA de 3 points les amène au taux faramineux de 19% contre 19,% pour la France).

Cette modernisation passe aussi par le développement des PME et PMI. Le Small Business Act, à la française pour l’instant, passera forcément à terme pour exister par un Small Business Act européen. Et c’est l’une des forces de François Bayrou qui entre en jeu ici  : l’Europe. Sa vision de l’Europe peut l’amener à réconcilier les Français avec l’Union européenne et les Européens avec les Français.

Notez-le d’ailleurs : qui impose les thèmes aujourd’hui dans la campagne ? La dette ? C’est François Bayrou ! L’Europe et un nouveau référendum en 2009 ? C’est François Bayrou encore ! Le nouveau contrat social ? C’est encore lui !

Et pourquoi monte-t-il dans les sondages ? Parce que les Français découvrent au fur et à mesure qu’il y a une autre voie, que le centre a un projet et que, plutôt que d’avoir une cohabitation, cette voie centrale est peut-être la voie à explorer.

Autre point fort pour François Bayrou : son histoire. Ni énarque, ni riche, il préfère se montrer dans sa ferme auprès de ses chevaux, comme un terrien et les Français se reconnaissent là plus que dans un Sarkozy maire de Neuilly et fils d’immigré hongrois ou que dans Ségolène Royal, fille de militaire et énarque. C’est là une continuité surprenante de la part des Français : ils ont aimé ce Chirac qui tapait le cul des vaches et ils ont aimé Mitterand attaché à la terre, ils aimeront Bayrou pour son attachement à cette terre qu’ils aiment. L’un de mes amis me rapportait que des électeurs qui ont voté Le Pen en 2002 se sentent prochent de Bayrou car, lui, il est comme eux , il a dû travailler et que, en plus, Le Pen ça n’a rien changé car Le Pen même s’il passe à nouveau, il ne sera jamais élu.

Dans son atittude, François Bayrou plaît ou au contraire irrite sacrément, c’est son positionnement de « résistant ». Résistant face l’UMP qui a la mainmise sur les pouvoirs. Résistance quand, seul ou presque, il vote la censure. Résistance quand, seul ou presque, il clame que les Français l’éliront. Croire en son destin à ce point ne peut que provoquer la chance. Le départ même de Santini et Blanc ne gêne pas : en période d’élection, les électeurs ont plus de poids que les députés.

Dans son charisme, beaucoup cherchent encore l’homme ou la femme providentiel(le). Surtout à l’UMP, voyez-vous où l’on encense le charisme réel de Sarkozy, cette capacité à retourner les foules qui est fascinante. Mais je ne crois pas dans l’homme providentiel et en cela il me semble que Bayrou a l’envergure du président. Mme Royal au contraire n’a pas encore la stature, cela viendra j’en suis sûr mais pour cela elle devra mieux contrôler le PS.

Par ailleurs, des trois candidats il est le plus expérimenté, le seul à avoir déjà fait campagne. Sarkozy, lui, a été au coeur de deux campagnes sans être candidat et Ségolène est candidate pour la première fois et n’a pas d’appareil politique avec elle.

Enfin, il y a nous les électeurs, les petits et grands scribouillards d’internet, militants de rue qui voulons autre chose. Nous voulons que les Français se réconcilient avec l’économie de marché et le travail, ce que ne fait pas une grande partie du PS ; nous voulons plus de justice face à ceux qui détiennent les pouvoirs. Car avoir le pouvoir est une responsabilité lourde. En France la culture est d’avoir le pouvoir sur « par la domination » ou d’avoir le pouvoir contre « par la nuisance », nous voulons le pouvoir pour « par la collaboration, le partage ».

Cette vague-là ne s’arrêtera pas, elle emportera et modifiera en profondeur le paysage politique français, c’est notre façon à nous de dire que nous voulons le changement dans le discours et la méthode.



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