Elections : le syndrome de Stockholm
par Yann Riché
vendredi 20 avril 2007
Le syndrome de Stockholm, vous le savez, c’est pour une victime d’adopter le point de vue de son bourreau, ce qui, dans le cadre d’une prise d’otage (là où le syndrome est le plus évoqué) complique sérieusement la tâche des négociateurs et de la police.
Cette fin d’élection est l’exemple même de ce syndrome. Cette relation
se développe essentiellement dans une relation parent-enfant.
Cette relation parent-enfant a pour objectif d’avoir pour le parent une
position haute (dominante) contre une position basse (dominée). La
relation se fait donc dans un sens. Le cas Sarkozy est typique de cette
démarche. En affirmant sans arrêt que sa démarche, sa réussite, il la
doit au travail et à son énergie, il captive. Son putsch, à la chiraquienne, lui a permis de prendre la machine UMP et de la
verrouiller. Sans lui c’est l’échec, laisse-t-il penser. Il domine pour
ensuite bousculer ceux qui ne travaillent pas, ceux qui ne réussissent
pas. Sa méthode entre volonté économique aboutie par le redressement
d’Alcatel et libéralisme à tout crin en fait le chantre d’une France
qui travaille. Séduits, cristalisés par l’énergie et la mise en image
de son action, les électeurs Ump s’apprêtent donc à voter "massivement"
pour leur candidat. La deuxième phase peut alors s’opérer par un
rapprochement vers le FN, cela grogne un peu, mais à quelques jours du
scrutin le militant, l’électeur convaincu hésite et ferme les yeux...
Il comprend.
Ce syndrome se manifeste aussi au sein du PS qui voit ses électeurs
s’interroger sur Ségolène Royal, et plus simplement sur le
positionnement du PS dans cette campagne.
Voici une copie de l’article dans Wikipédia sur le passage qui définit dans quelles conditions ce syndrome se développe :
"Trois critères du syndrome de Stockholm :
- le développement d’un sentiment de confiance, voire de sympathie des otages vis-à-vis de leurs ravisseurs ;
- le développement d’un sentiment positif des ravisseurs à l’égard de leurs otages ;
- l’apparition d’une hostilité des victimes envers les forces de l’ordre.
Pour que ce syndrome puisse apparaître, trois conditions sont nécessaires :
- l’agresseur doit être capable d’une conceptualisation idéologique suffisante pour pouvoir justifier son acte aux yeux de ses victimes ;
- il ne doit exister aucun antagonisme ethnique, aucun racisme, ni aucun sentiment de haine des agresseurs à l’égard des otages ;
- il est nécessaire que les victimes potentielles n’aient pas été préalablement informées de l’existence de ce syndrome.
Il apparait plus difficilement si les victimes potentielles sont préalablement informées de l’existence de ce syndrome."
Les trois critères sont réalisés chez Sarkozy, en réalisant un pustch de rupture avec Chirac et en récoltant une majorité écrasante lors de son élection en tant que président puis candidat de l’UMP. (Royal, Bayrou et Le Pen sont dans ce cas auprès de leur base adhérente), le premier critère confiance est manifesté (par le vote).
Ensuite classiquement, les candidats mettent en valeur leurs électorats.
Et pour terminer chaque groupe finit par dégager une certaine hostilité des uns envers les autres (l’argumentation de chacun n’a pas vraiment d’importance) et envers le système qu’il faut changer.
Les conditions sont elles réunies ?
Le preneur d’otage doit être capable de conceptualiser une idéologie
pour justifier son acte et le justifier. C’est le cas des trois
principaux candidats, conceptualisation de la valeur travail,
conceptualisation du centre "3e voie" pour Bayrou, conceptualisation
moins probante chez Royal avec l’ordre juste et conceptualisation d’une
identité nationale (chez Le Pen).
Il ne doit pas y avoir d’antagonisme avec les "victimes", c’est là que
la campagne cherche à tuer l’autre. En effet, il est indispensable pour
chaque camp de montrer que le candidat d’en face trahit ses électeurs.
Sarkozy a tenté de le faire en janvier pour faire dévisser Royal, puis
sur Bayrou qui est une fois à gauche une fois à droite, pour rompre la
confiance dans le camp du centre. La mise en avant des ralliements est
une autre méthode que chacun emploie et qui trouble le jeu. Au PS c’est
le thème du vote utile pour la gauche qui est utilisé et au centre
c’est de démontrer que ni droite ni gauche n’ont réussi seuls.
Dernière chose, mais il est déjà trop tard, les victimes ne doivent pas être informées des symptômes de ce syndrome.
La campagne nous a gagnés, certains seront victimes du syndrome de
Stockholm, en particulier dans les rangs sarkoziens. Ceux qui ne sont
pas atteints doutent aujourd’hui que ce vote soit le bon par la
multiplication de références sans sens (de Jaurès à de Gaulle en
passant par Jean-Paul II), les autres non.
Ailleurs, nous le voyons dans les cafés, les doutes sont plus forts,
mais les réflexes demeurent encore renforcés par la peur du vote FN.
Le Pen, si vous allez voter, ne sera pas au deuxième tour de l’élection
présidentielle. En effet il fera au mieux entre 14 et 16% (selon la
participation de 70 à 80%) en stagnant sur un nombre d’électeurs au
mieux à cinq millions de votants (ce qui n’est pas négligeable).
Contre le vote extrême une seule solution : votez !
Pour terminer, j’ai fait campagne pour le centre et François Bayrou,
l’issue de ce premier tour est importante car il permettra ou non une
recomposition du paysage politique français. Nous pouvons rester otages du bipartisme actuel, nous pouvons devenir otages d’une
nouvelle donne.
Dimanche soir je serai déçu ou content mais, dans tous les cas, sans prosélytisme, j’irai voter, c’est utile de choisir son "bourreau".