Février 1973 : le cercueil du maréchal Pétain dérobé, la France sous le choc

par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
jeudi 20 février 2025

En février 1973, la France retient son souffle. Un événement aussi improbable que rocambolesque secoue le pays : le cercueil du maréchal Pétain, héros de Verdun et figure controversée de la Seconde Guerre mondiale, est dérobé de sa sépulture sur l'île d'Yeu. S'ensuit une course contre la montre pour les autorités, lancées aux trousses d'un groupuscule d'extrême droite bien décidé à instrumentaliser la dépouille du maréchal à des fins politiques. 
 

 

L'île d'Yeu, théâtre d'une opération audacieuse

Le 18 février 1973, l'île d'Yeu, paisible bout de terre au large de la Vendée, se réveille sous un ciel gris et pluvieux. Rien ne laisse présager la tempête qui s'apprête à s'abattre sur ce petit coin de paradis. Au cimetière de Port-Joinville, un groupe d'hommes s'affaire autour de la tombe du maréchal Pétain. Munis de pelles et de pioches, ils s'activent avec une discrétion surprenante. Parmi eux, Hubert Massol, un ancien combattant d'Algérie au regard déterminé. Les hommes agissent à l'instigation de Jean-Louis Tixier-Vignancour, avocat controversé et figure de proue de l'extrême droite française, qui n'est pas présent sur les lieux.

 

 

Leur objectif : exhumer le cercueil du maréchal, condamné à l'isolement sur cette île après sa condamnation pour haute trahison en 1945. Pour ces hommes, Pétain n'est pas un traître, mais un héros national, victime d'une injustice historique. Ils sont convaincus que sa place est au Panthéon, aux côtés des plus grandes figures de la nation française. Animés par cette conviction, ils mettent leur plan à exécution avec une méticulosité étonnante.

 

 

Après plusieurs heures d'efforts, le cercueil de chêne massif est extrait de sa fosse. Les hommes le hissent avec précaution, le chargeant dans une camionnette Renault Estafette volée quelques jours plus tôt. Mais leur travail ne s'arrête pas là. Soucieux de ne pas éveiller les soupçons, ils prennent soin de reboucher la tombe et de replacer le monument funéraire avec une précision millimétrée. Leur mission accomplie, ils quittent le cimetière, laissant derrière eux une tombe apparemment intacte.

 

Un casse-tête pour les autorités

Le lendemain matin, le gardien du cimetière de Port-Joinville effectue sa ronde habituelle. En passant devant la tombe de Pétain, il remarque quelque chose d'inhabituel. Les alentours de la sépulture sont anormalement propres, comme si quelqu'un les avait récemment nettoyés. En s'approchant, il constate que les joints du monument funéraire sont frais, beaucoup trop frais pour une tombe qui n'a pas été touchée depuis des années. Intrigué, il alerte les autorités.

La nouvelle du vol se répand comme une traînée de poudre. Stupeur et indignation se mêlent dans l'opinion publique. Le gouvernement, pris au dépourvu, réagit avec fermeté. Le ministre de l'Intérieur, Raymond Marcellin, ordonne l'ouverture d'une enquête et mobilise d'importants moyens policiers pour retrouver les auteurs du vol et la dépouille du maréchal.

Les enquêteurs se lancent sur la piste des ravisseurs, perplexes face à l'audace et au sang-froid des malfaiteurs. Ils découvrent rapidement que le vol a été minutieusement préparé. Les auteurs ont loué des voitures et des appartements sous de faux noms, brouillant les pistes. L'enquête s'annonce complexe et les policiers s'engagent dans une véritable course contre la montre. Chaque heure qui passe augmente le risque que le cercueil soit transféré hors du territoire français.

 

Le cercueil voyage incognito

Pendant ce temps, le cercueil de Pétain entame un périple rocambolesque à travers la France. Les ravisseurs, conscients d'être recherchés, multiplient les stratagèmes pour échapper à la vigilance des policiers. Ils changent régulièrement de véhicules, empruntent des routes secondaires et se cachent dans des lieux discrets.

Le cercueil est d'abord transporté jusqu'à une ferme isolée dans la région parisienne, où il est dissimulé dans une grange. Puis, il est transféré dans un garage à Saint-Ouen, appartenant à un sympathisant de la cause. Les ravisseurs prennent toutes les précautions nécessaires pour préserver l'intégrité du cercueil et éviter qu'il ne soit endommagé.

 

 

Leur plan initial est de transporter le cercueil jusqu'à Verdun, lieu symbolique de la Première Guerre mondiale, où ils envisagent de l'inhumer solennellement. Mais face à la pression policière et à la médiatisation de l'affaire, ils sont contraints de revoir leurs plans. Le risque de se faire repérer est trop grand.

 

Un dénouement inattendu

L'enquête policière progresse rapidement. Grâce à des témoignages et à des filatures, les enquêteurs parviennent à identifier les principaux suspects. Des mandats d'arrêt sont lancés contre Hubert Massol, Jean-Louis Tixier-Vignancour et plusieurs de leurs complices.

Le 21 février 1973, trois jours après le vol, la police retrouve la trace du cercueil dans un garage de Saint-Ouen. Une opération est immédiatement lancée pour arrêter les ravisseurs et récupérer la dépouille du maréchal. L'intervention se déroule sans heurts. Les ravisseurs, surpris par l'arrivée des policiers, n'opposent aucune résistance.

Le cercueil de Pétain est immédiatement transporté sous escorte policière jusqu'à l'île d'Yeu. Il est ré-inhumé dans sa tombe dès le lendemain, en présence d'un important dispositif de sécurité. L'affaire du vol du cercueil de Pétain s'achève ainsi, sur une note d'étrangeté et d'incrédulité.

 

 

Réactions et conséquences

Le vol du cercueil de Pétain provoque un véritable séisme dans la société française. Les réactions sont vives et contrastées. Une partie de l'opinion publique condamne fermement cet acte, le qualifiant de "profanation" et de "sacrilège". D'autres, en revanche, y voient un "acte de patriotisme" et une "réhabilitation" de la figure du maréchal.

L'affaire relance le débat sur le rôle de Pétain pendant la Seconde Guerre mondiale. Faut-il le considérer comme un héros national, sauveur de la France en 1916 à Verdun, ou comme un traître ayant collaboré avec l'ennemi nazi ? La question divise profondément les Français et les historiens.

Le procès des ravisseurs s'ouvre quelques mois plus tard. Hubert Massol et ses complices sont condamnés à des peines de prison avec sursis. Le tribunal reconnaît leur "intention patriotique", mais condamne fermement leur "méthode illégale". Quant à Jean-Louis Tixier-Vignancour, il échappe au procès car les enquêteurs n'ont trouvé aucune preuve de son implication dans ce délit. De 2009 à 2020, Hubert Massol a été le président de l'Association pour défendre la mémoire du Maréchal pétain.

 

 

L'affaire du vol du cercueil de Pétain laisse une trace indélébile dans l'histoire de France. Elle témoigne des tensions et des divisions qui traversent encore la société française sur la question de la collaboration et de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale.


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