Gratuité des transports et société de l’assistanat
par Henry Moreigne
lundi 2 avril 2007
Télescopage de déclarations jeudi 29 mars. Alors que la région Île-de-France annonçait par la voix de son président, Jean-Paul Huchon, la mise en place de la gratuité dans les transports publics d’IDF pour les allocataires du RMI et les membres de leur foyer (350 000 personnes), Ségolène Royal, candidate du PS à la présidentielle en meeting à Limoges, prônait elle une société du donnant-donnant et se déclarait non favorable à une société de l’assistanat.
Mais quelle mouche a donc piqué le Jean-Paul Huchon ? On savait le conseil régional d’IDF favorable à un aménagement des tarifs des transports selon la situation des usagers. Difficile pourtant d’ignorer les prises de position de la candidate Royal sur des mesures qu’elle qualifie elle-même d’assistanat, pas d’accompagnement social. La nuance n’est pas neutre. Alors, coup de pied de la mule de la part de l’ancien directeur de cabinet de Michel Rocard à sa collègue présidente de Poitou-Charentes ? On ne peut totalement écarter cette hypothèse, tant la situation au sein du PS est confuse, entre intrigants et flagorneurs. Il suffisait en effet aux élus d’IDF de différer de quelques semaines leur annonce pour éviter d’afficher au grand jour leurs divergences de vue en matière d’approche sociale. La mesure adoptée, dont le coût est estimé à 87 millions d’euros par an, est, quoi qu’on dise, faussement un problème de politique de transport mais bien celui d’un accompagnement social qui en se voulant généreux exclut (au moins dans l’immédiat) les travailleurs aux salaires les plus faibles, à la frange de la pauvreté, et suscite l’ire de beaucoup de franciliens.
Pour autant, ce couac souligne la révolution culturelle qu’impose Ségolène Royal à la vieille maison socialiste. “Je ne suis pas favorable à une société de l’assistanat, la gauche ce n’est pas cela, la gauche c’est la dignité du travail” a-t-elle déclaré toujours à Limoges, partageant ainsi en partie la vision de Nicolas Sarkozy sur la nécessité de redonner toute sa place à la valeur travail.
La députée des Deux-Sèvres n’hésite pas à remettre en cause l’approche jusqu’alors dominante au PS, démesurément axée sur un traitement social faussement indolore (c’est toujours au final le contribuable qui paye), constitué de gratuités, d’exonérations mais dans dans lequel, le contrôle, la sanction ont toujours été réduits au plus strict minimum. Une attitude relativement confortable pour les élus qui, tout en leur offrant une bonne conscience, cachait au fond leur résignation dans la lutte contre le chômage, la précarité, la pauvreté.
Au fil des années, de fait , deux France ont émergé. La France du travail et, celle qui en est exclue. L’absence de volonté d’évaluation et de contrôle des dispositifs sociaux a abouti au pire. A l’amalgame entre personnes réellement dans le besoin et profiteurs qui se sont adaptés à un système dont ils usent et abusent. A un discrédit généralisé sur des dispositifs au départ légitimement généreux.
Alors oui, il y a sans doute des incohérences dans les positionnement de la candidate Royal, des coups d’essuie-glace, un coup à gauche, un coup à droite. Mais, au fond, peu importe. L’essentiel est qu’elle parvienne à mettre justement la gauche face à ses contradictions, à faire sauter les tabous et à introduire un pragmatisme qui a trop souvent fait défaut. Des conditions nécessaires pour établir de “nouvelles règles où chacun sera au clair sur ses droits et sur ses devoirs“. Ce fameux ordre juste qui doit bénéficier en priorité aux plus faibles et aux plus démunis.