L’apolitisme est une imposture

par oZneroL
vendredi 21 juillet 2006

Notre génération, non impliquée, par conviction ou par négligence, sera un jour victime de son apolitisme.

L’apolitisme est une imposture. Il est un masque trop englobant qui prête à confusion.

Cette marque de neutralité permet au citoyen désintéressé de conforter l’impuissance de sa réflexion et d’en guérir temporairement quand une suggestion s’inscrit dans une valeur culturelle populaire.

Les motivations permettant l’estampe apolitique sont plus que divergentes, et dénotent de la manière la plus imprécise qui soit une position réfléchie ou au contraire totalement inexistante.

Derrière ce qualificatif se cachent trois approches triangulairement opposées du déni politique :


L’apolitisme stratégique  :


Il permet aux mouvements spontanés de ne se revendiquer d’aucun parti. Par souci unitaire évident, nécessaire à toute coalition sociale et susceptible de prévenir toute récupération politique, il se présente comme la garantie d’une prise en compte neutre de la part de l’entité décisionnaire concernée. Cette forme d’apolitisme n’est en aucun point condamnable, puisqu’elle exclut d’un contexte toute influence pouvant s’avérer néfaste à la concertation.

Ce sont les deux formes suivantes d’apolitisme qui m’intéressent, car elles débouchent sur un désintérêt généralisé à l’égard des institutions et de l’appareil politique, malgré leurs sources diamétralement opposées. Ma génération, non impliquée par conviction ou par négligence, en sera un jour victime.

L’apolitisme révolutionnaire :
C’est, ni plus ni moins, un « apolitisme politique », revendicatif d’une non-représentation d’opinion parmi les quelque 200 mouvements français, un désengagement par l’absence. Une déception face à l’appareil politique, à la totalité de ses instruments.

Théoriquement, c’est une forme antinomique de l’apolitisme, car il suppose du sujet qu’il ait effectué un recoupement de ses opinions avec la totalité des idéologies existantes. A moins d’avoir une vision totalement révolutionnaire de l’Etat ou de son rôle socio-économique, il est peu probable qu’une vision personnelle moderne ne coïncide avec l’une des visions standards actuelles, qui vont du communisme à l’ultra-libéralisme. Il paraît d’ailleurs évident qu’une telle situation déboucherait davantage sur la création d’un mouvement personnel que sur le rejet global de la machine étatique.

Cependant, il est beaucoup plus fréquent d’entendre : « Tous pourris de toute façon » et « Je ne me retrouve nulle part là dedans. »

L’apolitisme primaire :
C’est l’apolitisme par méconnaissance. Il ne traduit pas un manque de convictions. C’est tout simplement le désintérêt général organisé, orchestré par les ayatollahs du profit à paillettes, de play back et de mini shorty. Les médias de masse n’ont aucun intérêt à rendre la politique accessible à tous. Pour vulgariser, TF1, société vivant de ses revenus publicitaires, tire-t-elle plus d’avantages à parler du travail des enfants en Indonésie, ou à faire porter les dernières Nike aux élèves de la star ac ?

On privilégie l’incompréhension du discours dans sa forme, l’objectif, à peine caché, étant d’aboutir à un désintérêt pour le fond. Les deux ou trois générations qui séparent les jeunes dirigés de leurs vieux dirigeants n’arrangent rien. Il ne faut pas reprocher aux jeunes de ne porter qu’un intérêt restreint à la chose publique quand la seule fenêtre sur le paysage politique s’offrant à eux ne leur propose qu’un débat soporifique convenu entre têtes récurrentes, ennemis au "travail" mais croquant les même pommes à la ville.

Malgré cela, l’effort de compréhension et de clarté doit être partagé par tous.Dire que la politique n’est pas une passion obligatoire paraît évident. Nier son efficacité, critiquer ses acteurs doit préalablement passer par la prise de connaissance nécessaire à sa compréhension. Se limiter à savoir que Le Pen est xénophobe et que Besancenot fume des pétards ne suffit plus.

Aujourd’hui, les convictions sont imposées par les médias, à défaut d’être simplement orientées. Si l’influence de la télévision, de l’art et de la culture en général convergent à gauche, et prédisposent donc les indécis vers cette tendance, il n’en demeure pas moins que la jeunesse actuelle manque cruellement d’objectivité et d’indépendance dans sa réflexion.

A l’heure où la gauche est à droite, la droite à l’extrême droite et l’extrême droite au second tour, il suffit que le showbiz invoque un acte « civique » pour mobiliser la foule réceptive vers les urnes et ajuster la tendance électorale « variable ».

Ce qui nous a bien arrangé en 2002, les enfants de nos enfants pourraient en souffrir un jour.

C’est la nature malléable de cette forme de conviction qui est inquiétante, c’est la politisation éphémère et donc littéralement malsaine, car imposée et justement impersonnelle, qui conduit les jeunes à plébisciter via le suffrage des responsables dont ils ignorent tout, du passé jusqu’au programme.

Alors que le 21 avril 2002 lui a ouvert les portes du débat, la génération anti-Le Pen s’est contentée du rôle de réserviste électoral. Prochain exercice prévu en 2007.


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