L’automobiliste, ou l’inégalité des citoyens devant la loi

par Patrick Forges
mardi 5 septembre 2006

Un automobiliste utilise, tant pour ses besoins personnels que professionnels, les routes et autoroutes. Il est soumis à la législation en vigueur pour l’utilisation de ces voies, et doit notamment respecter les limitations de vitesse. Pour simplifier, nous pouvons dire que le Code de la route limite la vitesse à 50 km/h en ville, à 90 km/h hors agglomération et à 130 km/h sur autoroute. Pour réprimer les excès de vitesse, la législation devient de plus en plus sévère, mais si cette sévérité est compréhensible, au regard des nombreux accidents mortels dus à ces excès de vitesse, faut-il pour autant oublier certaines incohérences importantes de ce système répressif, notamment les radars fixes, les radars automatiques embarqués avec flash avant ou arrière, et surtout l’égalité des usagers devant la loi ?

Quels sont ces radars ?

Les trop nombreux excès de vitesse ont amené les différents gouvernements à implanter des radars à certains endroits précis. Plusieurs types de radars existent, et il y a souvent confusion entre radars fixes et radars automatiques, et si le chiffre de 1000 radars automatiques est annoncé par le gouvernement, il faut savoir que seuls 689 d’entre eux sont fixes, les autres étant des radars automatiques embarqués. Certains sites (notamment radarsfixes.com) donnent la liste des radars fixes, mais bien entendu, pas ceux des radars embarqués dans des véhicules banalisés, garés par la police dans des endroits bien « stratégiques ».

Ces radars dits « à flash avant » ou « à flash arrière » enregistrent les excès de vitesse en photographiant la plaque minéralogique située à l’avant ou à l’arrière des véhicules, et le problème est que seuls les véhicules automobiles ont des plaques minéralogiques à l’avant et à l’arrière. Les motos et autres cyclomoteurs ayant seulement des plaques minéralogiques à l’arrière ne sont donc susceptibles d’être photographiés que par des radars « à flash arrière » et échappent par voie de conséquence à un grand nombre de verbalisations, créant ainsi, de fait, une inégalité flagrante devant la loi.

L’inégalité devant la loi

Le terme « inégalité devant la loi » peut paraître impropre, voire exagéré, car lorsque les automobilistes ou les motards sont verbalisés pour un excès de vitesse, ils le sont avec la même sévérité.

Pourtant cette inégalité existe quotidiennement dans les faits et sur le terrain. En effet, alors que les automobilistes peuvent se faire « prendre » par des radars à « flash avant » ou à « flash arrière », les motards, ne possédant qu’une seule plaque minéralogique à l’arrière, ne peuvent se faire « prendre » que par les radars à « flash arrière ». Donc, dans l’absolu nous pouvons indiquer que les automobilistes ont deux fois plus de « chances » de se faire prendre pour un excès de vitesse que les motards. Pour éviter cette inégalité flagrante devant la loi, il suffirait soit de rendre illégaux les radars à « flash avant », soit d’imposer une plaque minéralogique à l’avant des motos.

Enfin, il est à noter que cette différence dans la répression des excès de vitesse est d’autant plus grave qu’elle tendrait à indiquer que les motards et cyclomotoristes seraient moins exposés à la verbalisation et auraient ainsi « tacitement » la possibilité de dépasser les limitations de vitesse sans être « trop » ennuyés par la Police, alors que les statistiques de la Sécurité routière indiquent dans un rapport sur les dominantes 2005 (site :www.securiteroutiere.gouv.fr) une « augmentation du nombre d’accidents en milieu urbain avec davantage de tués chez les piétons et les cyclomotoristes » et « des chiffres d’accidentologie chez les motocyclistes encore à la hausse ».

... et les possibilités jurisprudentielles

Si ces inégalités devaient perdurer, l’Etat pourrait un jour se retrouver face à ces responsabilités avec, pourquoi pas, de lourdes condamnations pécuniaires.

1/ Imaginons qu’un syndicat de motards assigne l’Etat en « responsabilité » pour avoir été « permissif » ou laxiste dans sa répression des excès de vitesse envers les motards, en soulevant que cette « permissivité » ou ce laxisme aurait été à l’origine d’accidents corporels, voire mortels, en forte croissance à certains endroits précis du territoire. Ce syndicat pourrait aussi, et en plus, soulever le fait que l’Etat connaissait parfaitement la dangerosité de ces lieux et y avait déjà fait installer des radars mais que ces derniers, à « flash avant », ne concernaient « répressivement » que les automobiles et que cette « distinction devant la répression » encourageait les motards au non-respect des limitations de vitesse et engageait, de fait, la totale responsabilité de l’Etat.

2/ Imaginons qu’un syndicat d’automobilistes assigne l’Etat en remboursement de toutes les sommes perçues au titre des contraventions pour excès de vitesse après infractions constatées par radars à « flash avant » au regard de l’égalité des citoyens devant la loi, et en soulevant le fait que seules les infractions constatées par radars à « flash arrière » sont légaux.

La « marge technique » et le prix de l’infraction pour 1 km/h de trop !

Le Code de la route nous impose des limitations de vitesse que nous ne pouvons dépasser qu’à nos risques et périls..... financiers ! ( les tarifs :site : www.radars-auto.com)

La loi impose malgré tout quelques éléments concernant la mesure de la vitesse. Ainsi, une « marge technique » a été créée. Elle est de 5 km/h jusqu’à 100 km/h et de 5% de la vitesse enregistrée au-delà de 100 km/h.

Exemples :

- pour une vitesse enregistrée de 95 km/h, la vitesse retenue est de 90 km/h ( 95 km/h - 5 km/h)

- pour une vitesse enregistrée de 140 km/h, la vitesse retenue est de 133 km/h ( 140 km/h - 5% de celle-ci, soit 7 km/h )

Nous voyons donc les incohérences de cette « marge technique » pour les très petites vitesses, notamment en agglomération, avec des panneaux à 30 km/h ou 50 km/h. En effet, pour ne pas être en infraction, nous devons impérativement rester les yeux « rivés » sur le compteur pour ne pas dépasser les 55 km/h ou les 35 km/h, et si, par malheur, vous êtes « pris » à 56 km/h ou à 36 km/h, soit avec un écart d’ 1 km/h, vous devez payer : 90 euros + 1 point sur le permis !!!

Conclusion

L’Etat souhaite-t-il réellement faire baisser le nombre de tués sur les routes, ou simplement faire rentrer de l’argent dans ses caisses ? Nous pouvons nous poser la question au regard de la différence et de l’inégalité dans les répressions pour excès de vitesse entre les automobilistes et les motards. Il faut espérer qu’une procédure sera engagée par les usagers pour résoudre ce problème d’inégalité, et surtout indiquer à l’Etat qu’il ne peut pas faire tout et n’importe quoi sous le prétexte de remplir ses caisses. Je m’étonne d’ailleurs qu’aucun parlementaire n’ait saisi le Conseil constitutionnel à ce sujet, mais il n’est pas trop tard, et les élections sont proches, alors qu’attendons-nous pour agir ?

De même, il serait souhaitable pour les usagers que la marge technique passe de 5 km/h à 10 km/h pour les limitations jusqu’à 100 km/h et à 10% au-delà de 100 km/h car les véhicules actuels ne bénéficient pas tous, « de série », d’un régulateur permettant de stabiliser la vitesse à 1 km/h près, et cette carence des constructeurs permet à l’Etat de « traire » un peu plus les « automobilistes-vaches à lait » que nous sommes.

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