La France répare une injustice

par Antoine Christian LABEL NGONGO
mardi 3 octobre 2006

Avoir attendu une soixantaine d’années et la sortie d’un film pour réparer cette injustice est louable. Le président de la République a apporté une grande satisfaction aux combattants de la France, ainsi qu’à leur famille. Ceux qui vivent encore pourront désormais être à la même enseigne que leurs frères d’armes de métropole.

L’injustice signalée au monde

D’anciens combattants déposent une plainte contre la France devant la Commission des droits de l’homme de l’ONU pour discrimination raciale. Ils obtiennent gain de cause. Monsieur Saïm, ancien militaire algérien vivant à Oran avec 500 francs (environ 76 euros) par mois, attaque la France et il obtient du Tribunal administratif de Poitiers la revalorisation complète de sa pension. Le Conseil d’État rend un arrêt en 2001 qui condamne la France, et l’oblige à payer au tirailleur sénégalais, Amadou Diop, une pension similaire à celle des Français, et à lui payer ses arriérés dus. Ces deux hommes, aujourd’hui décédés, comme d’autres anciens combattants, n’ont pas pu profiter ni bénéficier des décisions de justice. L’Etat français a toujours refusé de se soumettre à la décristallisation des pensions, car cette mesure lui aurait coûté près de deux milliards d’euros.

Au lieu de s’exécuter et d’appliquer l’égalité pour tous, la France a prétendu mettre en place une équité fondée sur un calcul prenant en compte le niveau de vie de chaque pays. Le ministre délégué aux Anciens combattants, monsieur Mekachera, était de ceux qui défendaient la thèse de "l’équité", c’est-à-dire de l’égalité du pouvoir d’achat. "Ce qui est important, disait-il à l’époque, c’est de détenir le même pouvoir achat, que l’on soit à Paris ou à Hanoï". C’est équitable, mais pas satisfaisant politiquement. Le gouvernement français s’est dédouané et peut en être fier, il accède enfin aux réclamations des anciens combattants qui ont combattu pour la France. Faut-il être cynique et voir que céder aujourd’hui alors que plusieurs d’entre eux ont disparu est juste une décision démagogique ?

Justice pour tous

Les anciens combattants de l’armée française originaire des anciennes colonies (Afrique, Asie) ont participé et contribué à la libération de la France face à l’Allemagne d’Hitler. Ils vont désormais être dans la même situation financière que leurs frères d’armes français. Le ministre Hamlaoui Mékachéra a annoncé, au nom du gouvernement français, qu’ il n’y aurait plus de différence, dans ces deux prestations que sont la retraite des combattants et la pension d’invalidité, entre les ressortissants de ces pays et les nationaux français. Les pensions de ces anciens combattants réduites à des sommes symboliques, de l’ordre de 7 à 10 fois inférieures aux pensions perçues par les ancien combattants français de métropole. Le ministre semble sûr de ce qu’il défend désormais, il explique que les anciens combattants asiatiques et africains " percevront exactement en euros ce que perçoivent les soldats anciens combattants (nationaux français)". Les injustices sont criantes : un français de métropole touche 690 euros par mois, le Sénégalais perçoit 230 euros, le Camerounais 104 euros, le Marocain ou le Tunisien, 61 euros. Imaginez l’injustice avec ceux résidant en Asie, combien ont-ils de moins que ceux de métropole, voire que ceux d’Afrique ?

La mesure de revalorisation décidée par le gouvernement français à la demande du président Chirac n’est pas rétroactive. Il fallait s’en douter. Elle rentre en application à partir du 1er janvier 2007. Les quelque 80 000 anciens combattants de l’armée française, originaires des pays colonisés ou envahis par la France, vont en bénéficier. Cette mesure va coûter à la France environ 100 millions d’euros par an. Le président Jacques Chirac estime que la revalorisation décidée est "un acte de justice et de reconnaissance envers ceux qui sont venus de l’ex-empire français combattre sous notre drapeau".

 

La revalorisation et le film Indigènes

L’Etat français adopte cette mesure de revalorisation des pensions des anciens combattants en même temps que sort le film Indigènes. Un scénario abordant l’oubli des soldats maghrébins engagés dans l’armée française pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le film du réalisateur Bouchareb a été primé au Festival de Cannes 2006. Ce film a ravivé le débat sur l’inégalité des traitements entre soldats français ou soldats ayant combattu dans l’armée française. Faut-il croire les rumeurs qui disent que madame Chirac aurait demandé un geste à son mari, ou le comédien Jamel Debbouze, l’un des interprètes du film, qui dit que le président français avait promis la revalorisation, après avoir vu le film en avant-première en début du mois ?

C’est tout de même fort que ce soit un film qui décide une autorité aussi importante que Jacques Chirac de s’engager à réparer une injustice vis-à-vis des anciens combattants. Faut-il parler de dettes ? Ou juste de réparations ? Il faut reconnaître que les choses évoluent, et dans le bon sens. Mitterand qui est resté quatorze ans au pouvoir, n’a rien fait dans ce sens. Donc bravo Chirac. Les anciens combattants d’Afrique : Algériens, Béninois, Camerounais, Centrafricains, Gabonais, Ivoiriens, Malgaches, Marocains, Mauritaniens, Sénégalais, Soudanais, Tchadiens, Togolais, Voltaïques (Burkinabés aujourd’hui), etc., vont être apaisés avec cette décision.

Le Général de Gaulle aurait dû réparer cette injustice à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, mais il n’en a rien fait. Il ne sert à rien de savoir combien d’anciens combattants issus des pays colonisés par la France sont morts. Cette mesure de revalorisation rétablit une situation qui n’aurait jamais dû exister.


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