Le Cran, Conseil représentatif des associations noires
par Marsiho
vendredi 24 novembre 2006
Tous les noirs ne jouent pas au foot...
Il y a quelque temps, je suivais une
formation à l’Institut national de jeunesse et d’éducation populaire à
Marly-le-Roi. Pour l’occasion, je mangeais toujours au service de
restauration disponible sur place (fallait se forcer, parce que
franchement, la bouffe de l’Injep...). Autour de la table démarraient
alors des discussions en lien avec notre formation, ou en lien avec nos
différentes occupations professionnelles, ce qui revenait à toujours
évoquer les politiques sociales, jeunesse ou éducatives. Nous en
vînmes un jour à parler de la place des noirs (pardon, des individus à
la pigmentation plus prononcée) et du racisme. Plusieurs de mes
collègues pensaient que le racisme antinoir n’était pas une réalité en
France, et que contrairement aux individus d’origine arabe,
l’intégration était plus effective. L’un d’entre nous était lui-même un
black (pardon, un individu originaire des anciennes colonies
françaises), mais ne disait mot... Pudeur ? Malaise ? Volonté de ne pas
s’énerver ? Je ne sais pas, quoi qu’il en soit, c’est moi qui ai mis
les pieds dans le plat en interrompant le débat et en demandant à
chacun de vérifier le nombre de noirs présents autour des tables de la
restauration (sans compter Noël, le noir sus-mentionné). Résultat,
aucun ! Majorité exclusive de blancs, bonne représentativité des gènes
arabes, mais aucun black, noir, renoi...
"Mais si, ajoutai-je, regardez dans les cuisines et à l’entretien."
Car une bonne partie du personnel d’entretien de l’Injep est noir.
Comme la quasi-majorité des agents de sécurité dans ce pays sont des
noirs. Que faut-il en déduire ? Que rien n’est joué sur la question du
racisme dans notre pays. Certains individus ont le droit de nous
préparer à manger, de nettoyer nos couloirs, de vider nos poubelles,
d’assurer notre sécurité, mais visiblement quelque chose gêne en termes
d’égalité des chances... Le "choc" médiatique autour de la présentation
des infos de TF1 l’été dernier par un homme de couleur (l’excellent Harry
Rozelmack) prouve bien qu’il y a un malaise. Et je ne parle même pas
des jeunes des cités sensibles et de leurs réactions...
Il
y a encore plus de temps, j’ai eu l’occasion d’organiser, dans la bonne
ville d’Auxerre (la belle endormie), un petit salon organisé par Africagora, association composée
d’entrepreneurs, de cadres et d’élus originaires d’Afrique,
de la Caraïbe et du Pacifique, et oeuvrant pour l’intégration
économique, l’insertion professionnelle et la promotion sociale
des minorités ethniques.
C’est là que j’ai pris conscience que rien n’était joué... Je le voyais
déjà quotidiennement par les réactions machistes, camouflant des réactions
racistes, de certains personnages auxerrois vis-à-vis d’une élue, Safia
Otokoré. Mais quand, à midi, avec les huit ou neuf membres de l’association
Africagora, nous allâmes nous restaurer sur les quais des bords de
l’Yonne, je remarquai que notre entrée faisait sensation. Un groupe de dix personnes attire forcément l’attention quand il rentre dans un
resto, mais là, j’ai bien mesuré à quel point les regards
s’éternisaient. Soyons clairs, je ne parle pas d’agressivité ; non,
simplement, les gens semblaient surpris de voir autant de noirs à la
fois... L’un des membres de notre groupe me regarda avec un petit
sourire et me demanda : "Ca fait quel effet d’être en minorité ?" ;-)
Bien sûr, les propos de Georges Frêche, ce "sous-élu", ont un peu fait remonter ces souvenirs dans ma mémoire ; mais c’est surtout la découverte d’un site Web qui m’a donné envie d’écrire sur ce sujet. Saviez-vous qu’il existe un Conseil représentatif des associations noires ? Bon, ce conseil-là n’est pas adoubé par Sarkozy, mais il existe quand même. Par la volonté de différentes associations de rétablir une véritable égalité et de faire un bilan des discriminations ethnoraciales. C’est Patrick Lozès , membre de l’UDF, qui est président de ce Cran. Cette année l’association fête, je crois, sa première année d’existence en ce mois de novembre. Alors, bon anniversaire, bon courage et bon travail...
PS : J’aime à finir cette note avec cette citation de Dogad Dogaoui, président d’Africagora : "Embauchez les minorités, elles paieront vos retraites".