Le défi nucléaire nord-coréen : un vote onusien qui fera date dans la géopolitique actuelle

par Daniel RIOT
lundi 16 octobre 2006

 La crise nord-coréenne, ou plutôt la crise provoquée par l’essai nucléaire de la Corée du Nord, restera dans l’histoire de la géopolitique internationale comme un « événement référence »... A plus d’un titre

Au niveau de la non-dissémination nucléaire, les Coréens du Nord lancent un avertissement au monde entier. Les « armes de l’Apocalypse », pour reprendre le titre d’un livre documenté de Jacques Attali, restent on ne peut plus dangereuses. Et il n’y a pas que le « nucléaire »... Chimiques, biologiques, « technologiques », informatiques... Miniaturisation et prolifération : des « Etats voyous » peuvent soutenir des « réseaux terroristes ». Ce n’est pas nouveau, mais c’est une confirmation... Et l’exemple nord- coréen peut être suivi par d’autres, et pas seulement par l’Iran ...

Les Etats-Unis ont une nouvelle preuve des limites de leur puissance et de la vanité de l’unilatéralisme impérial suivi, jusqu’aux déboires irakiens, par Bush et ses (mauvais) conseillers. Cela est plutôt rassurant. Cela donne raison, en tout cas, aux diplomaties européennes (française en tête), qui refusent le suivisme atlantiste aveugle. Aznar en avait déjà fait les frais. Blair est en train de s’en mordre les doigts... Une « Europe européenne », dans le respect des solidarités transatlantiques, n’est pas qu’un slogan gaullien, mais une nécessité impérative.

Dans cette optique d’un « multiralisme » intelligent, ou d’un « monde multipolaire », le vote à l’unanimité de samedi soir dernier au Conseil de sécurité de l’ONU illustre la nécessité de respecter un peu plus l’ONU, que de Gaulle dénonçait comme un « machin » dans d’autres conditions, et que les Américains de Bush avaient tendance à trop mépriser. Ce vote consacre un esprit de compromis (et non de compromission) qui réhabilite l’intelligence diplomatique.

C’est la première fois que la Russie et la Chine se trouvent aux premiers postes dans un dossier et sur un problème qui (les Coréens du Sud ont raison) menace la paix mondiale. Nous oublions trop que la Guerre de Corée de 1950 n’est pas terminée... N’oublions pas non plus que Pékin était (et reste, peut-être) le dernier soutien extérieur officiel du régime nord-coréen, archéo-communiste et authentiquement totalitaire... N’oublions surtout pas que les moyens de pression classiques sur la Corée du Nord sont très limités : ce pays vit pratiquement en autarcie. Seule une rupture des robinets (chinois) du pétrole pourrait le mettre à genoux. Mais derrière le régime, il y a le peuple.

En dépit des débats internes passionnés que cette nouvelle « affaire de Corée » provoque à Séoul, à Tokyo et ailleurs, on peut saluer le réalisme des dirigeants sud-coréens, japonais, chinois, russes et... américains. Le texte de l’ONU fera date, par l’alchimie réussie entre la fermeté et l’esprit d’ouverture.

La résolution, qui porte le numéro 1718, prévoit un embargo sur "les armes et matériels connexes", "les matériels liés à la technologie nucléaire ou à celle des missiles", ainsi que sur "les produits de luxe".

Elle demande également le gel des actifs financiers détenus à l’étranger par toute personne ou organisation liée au programme nucléaire ou de missiles balistiques de la Corée du Nord. C’est logique.

Mais elle réclame ausi la reprise du dialogue à six (Chine, les deux Corée, Etats-Unis, Japon, Russie). Et surtout, elle exclut (à la demande la Chine, acceptée par Washington) le recours à la force contre Pyongyang.

On comprend la satisfaction de l’ambassadeur chinois à l’ONU, Wang Guangya : les mesures arrêtées par le Conseil à l’égard de la Corée du Nord sont "fermes mais appropriées".

On comprend aussi la joie de l’ambassadeur de France à l’ONU, Jean-Marc de La Sablière : « Le Conseil de sécurité a été à la hauteur de ses responsabilités. » La France n’y a pas peu contribué, et c’est tant mieux.

La « communauté internationale », qui n’existe que sur le papier et dans les discours, prend subitement un sens nouveau. Il serait illusoire, stupide et irresponsable de s’en réjouir sans réserve, mais dans le contexte international actuel, les bonnes nouvelles sont suffisamment rares pour qu’on les apprécie... Demain est un autre jour.


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