Le gag de Gérard Dahan contre Mme Royal : un coup bas en guise de débat !
par Paul Villach
lundi 29 janvier 2007
Un imitateur partisan de M. Sarkozy, Gérard Dahan, s’est fait passer au téléphone pour le Premier ministre du Québec auprès de Mme Royal, mercredi 24 janvier 2007, pour lui reprocher une récente prise de position en faveur d’un Québec plutôt indépendant, qu’il comparait à celle qu’il pourrait prendre en faveur de l’indépendance de la Corse.
Avec l’humour qu’autorise une conversation privée, Mme Royal aurait soutenu que « les Français ne seraient pas contre », mais qu’il ne fallait pas le répéter. L’humoriste ravi s’est empressé de diffuser sur RTL, le lendemain, un extrait de cette conversation.
Un humoriste dans son rôle, l’affaire aurait dû en rester là. Un humoriste est dans son rôle quand il cherche à faire rire en montrant par exemple que tout le monde peut être trompé par la mise en scène vraisemblable d’un quiproquo et qu’on peut ainsi extorquer à l’insu et contre le gré de son interlocuteur des informations plus fiables que celles qu’il donne volontairement. On objectera que l’information extorquée ici pose problème : Mme Royal livre un point de vue sur la Corse qui fait état d’une lassitude partagée par certains devant des guérillas indépendantistes sans issue. La liberté d’opinion reconnue à tout citoyen lui serait-elle interdite ? Ce point de vue privé, recueilli dans une conversation privée, n’est pas, à ce qu’on sache, la politique de la coalition de partis qui la soutiennent. Et puis les conditions dans lesquelles a été obtenue cette opinion personnelle laissent planer le doute : qui sait si l’humoriste imitant l’accent québécois n’a pas été piégé à son tour au bout du fil par une autre humoriste contrefaisant la voix de Mme Royal ?
Un candidat à la présidence de la République hors de son rôle, l’affaire a changé de ton et l’humour a cédé le pas à la bassesse quand on a vu M. Sarkozy sauter sur l’occasion pour mélanger les genres et s’en prendre à Mme Royal pour l’accuser d’irresponsabilité : Le Figaro en a fait aussitôt sa une sur Internet. « La Corse n’est pas un sujet de plaisanterie ! » a tranché avec componction M. Sarkozy, en confondant sciemment un échange privé avec la ligne politique de son adversaire. En viendra-t-il à reprocher à un homme politique de lire Astérix en Corse ? Ce n’est pas d’aujourd’hui que la Corse nourrit les bonnes blagues d’après-repas. Est-ce que, pour autant, on en déduit que les problèmes corses sont sans gravité ? En revanche, avoir saisi l’occasion d’une blague téléphonique d’un de ses partisans pour faire un procès illégitime à son adversaire montre les méthodes qu’affectionne ce candidat : comment douter que l’opération n’a pas été minutieusement montée ? « Tu téléphones, tu diffuses sur les ondes, et je crie aussitôt ma consternation ! » C’était en effet « téléphoné » ! On ne vaut souvent que ce que valent les procédés qu’on emploie : celui-ci ne fait-il pas craindre le pire si son auteur devient président de la République ? Paul Villach