Mariage et couples homo
par Chanteluce
mardi 5 septembre 2006
Au cours de son intervention durant le journal télévisé de Claire Chazal, dimanche soir sur TF1, Nicolas Sarkozy a prononcé le mot rupture à plusieurs reprises. Rien de surprenant, quand nous savons tous que cette notion de rupture représente la pierre angulaire de son programme pour les élections présidentielles de 2007. Il s’agit aussi, probablement, d’une profession de foi, aux élans de sincérité non contestables.
La rupture, pourquoi pas, nous sommes, pour différentes raisons, des millions à espérer un changement, à appeler à un renouveau de la politique, à une prise en compte de l’intérêt général et non plus de l’intérêt d’un groupe ou d’une minorité.
Dans la foulée, le patron de l’UMP s’est dit hostile au mariage entre homosexuels. Ses arguments méritent d’être discutés, appellent un débat, surtout lorsqu’il s’agit de l’épineux problème de l’adoption. A priori, un enfant s’épanouit davantage lorsque ses parents sont de sexe différent. À condition toutefois que le couple soit uni et que l’intérêt de l’enfant représente une priorité, ou à défaut un objectif important, incontournable.
Mais pourquoi lier immédiatement le mariage et l’adoption ? Pourquoi asseoir une position sur des prétextes issus d’une problématique annexe, même si les deux thèmes sont liés ?
Chez les hétérosexuels, dans l’ordre chronologique des choses, le désir d’enfanter, ou d’adopter, devient une question d’actualité après une rencontre, au moins lorsqu’un couple est formé.
Deux hétérosexuels peuvent se marier tout à fait librement et ne jamais avoir d’enfant. On ne leur pose même pas la question de leurs intentions, ni à la mairie, ni à l’église.
Les homosexuels sont, eux, discriminés d’emblée, avant même que le choix de vie pour lequel ils pourraient opter soit connu. En mathématiques, on appelle ce procédé « le raisonnement par l’absurde ». On commence par prendre la négation de la proposition, on suppose le contraire de ce que l’on veut démontrer.
Les homosexuels, par le biais d’une telle rhétorique, ne seraient-ils pas niés au cœur même de leur identité, de leur existence ?
Jadis, dans bon nombre de pays, le mariage entre simples d’esprit était interdit en raison des risques qu’une telle union pouvait faire courir à une éventuelle progéniture. Le processus d’évaluation d’un éventuel retard mental étant contestable, cette interdiction a engendré de nombreuses injustices. Ces lois furent abrogées un peu partout après la Deuxième Guerre mondiale, car elles faisaient trop penser à l’eugénisme pratiqué par l’Allemagne nazie.
Interdire une union en prévision d’un risque non évaluable a priori, n’est-ce pas là une forme caractérisée d’injustice ?
En tant qu’élu, que ministre de l’intérieur, président d’un parti politique important, mais aussi en tant que simple citoyen, Nicolas Sarkozy a le droit légitime de se soucier de la question de l’adoption lorsqu’elle concerne les couples homosexuels qui en font la demande. Certaines de ses prises de position semblent argumentées, et méritent l’attention. Le changement qu’il prône et qu’il incarne aux yeux de nombreux Français est louable.
Il serait bon toutefois que l’argumentation qui justifie sa position tranchée sur le mariage entre homosexuels relève du réel, des faits, soit vérifiée ou vérifiable de manière empirique, et non pas qu’elle découle de la spéculation ou de la conviction personnelle ou religieuse.
Le mariage représente un engagement sacré. L’amour aussi tient du domaine du sacré. Comment imaginer un instant que deux femmes ou deux hommes qui se lancent aujourd’hui à l’assaut de la citadelle mariage, avec tous les risques, les brimades et rebuffades que cela impose, ne s’aiment pas profondément ?
Pourquoi respecter le « sacré » des uns et nier le « sacré » des autres ?
Une chose est certaine, toutefois, la position de Nicolas Sarkozy au sujet du mariage entre homosexuels ne provoquera aucune rupture avec la politique actuelle, au contraire.