Plus d’impôts pour les revenus de plus de 4000 euros ?
par Benoitdc
lundi 15 janvier 2007
Après les « 200 familles », voici donc les « 200 000 contribuables » qui osent gagner plus de 4000 euros par mois.
Est-on riche aujourd’hui en France avec 4000 euros par mois ? Même si c’est un autre débat, je me permets d’ajouter que j’en doute, surtout si l’on n’est pas déjà propriétaire de quelque chose ressemblant à un toit. Toujours est-il que ces 200 000 foyers devront rendre gorge pour financer la solidarité nationale (espère-t-on).
C’est d’ailleurs cette tranche des 4000-8000 euros qui est déjà largement ponctionnée par le système fiscal : trop riche pour être exonérée, et pas assez pour pouvoir s’offrir des conseillers fiscaux (comme le « couple » Hollande-Royal qui a très judicieusement crée une société civile immobilière - la Sapinière - pour accueillir son patrimoine et bénéficier de réductions d’impôts substantielles). Mais faire 200 000 mécontents pour essayer de plaire à une vraie gauche qui peut représenter un bon dixième de l’électorat (soit quelque deux à trois millions de votants), n’est-ce pas un bon calcul ?
Premièrement, on ne peut que s’étonner du faible nombre de personnes concernées par cet ISF au rabais. Si on veut un vrai état de la France, ce chiffre se suffit à lui-même. Ni pauvre, ni riche, notre pays est devenu une sorte de système de redistribution géant et complexe, encore loin des standards soviétiques, mais plus tout à fait un système sain et fluide de solidarité nationale. Ce système n’est d’ailleurs officiellement remis en cause fondamentalement par aucun candidat, par crainte d’être définitivement perdu politiquement, tant la « répartition à la française » est devenue une culture (un culte ?) et un mode de vie.
Seuls 200 000 irréductibles osent encore faire l’affront à la société française de gagner plus de 4000 euros par mois. Ce chiffre ferait rire une infirmière anglaise ou un ouvrier qualifié allemand, tant ils seraient proches de ce seuil. Ce chiffre hérisse les nombreux Français qui en sont loin. Le PS déclare la guerre aux riches et sacrifie leurs voix sur l’autel de la justice sociale.
Il serait avant tout très intéressant de savoir combien, parmi ces 200 000 « privilégiés » votent (et sont même militants) PS. Mon instinct me dirait quelque chose comme 40-60%. Il semble donc dangereux de se couper de sa « base » militante, puisque le PS est tout de même l’un des partis où la moyenne des salaires des militants n’est pas la moins élevée (des informations à ce sujet sont les bienvenues).
Car il semble que la stratégie du PS soit assez claire : faire mousser une Marie-Ségolène qui ratissera au centre, voire à droite, et lancer des idées censées ramener les brebis égarées de l’extrême gauche. En gros, on essaie de refaire le coup d’un Mitterrand associé aux communistes. Le problème est que toute cette manœuvre se fait sans Mitterrand et sans les communistes. Elle se fait avec une Marie-Ségolène Royal qui a déjà fait montre de pas mal d’insuffisances, mais qui semble faire rêver un certain peuple de gauche en mal de victoire électorale d’importance depuis 1997. Et elle se fait avec une aile gauche du PS qui semble être plus un faire-valoir qu’une vraie force interne (le score de Laurent Fabius aux primaires en fut la preuve). Alors que le Programme commun était une union, l’aile gauche du PS fait planer (malgré de très officiels ralliements qui garantiront des places en cas de victoire future) un vent de séparatisme, ou du moins de dissensions.
Ensuite, la question est de savoir l’impact d’une telle mesure, non seulement sur le budget de l’Etat, mais surtout sur la vie des Français, donc sur l’utilisation de cette manne fiscale.
L’impact risque d’être somme toute limité, puisque les fameux contribuables gagnant plus de 4000 euros par mois risquent de vouloir (ou de devoir) s’exiler. Cette mesure pourra être pour de nombreux cadres la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ces cadres sont souvent assez mobiles professionnellement (ayant déjà changé deux ou trois fois de sociétés, voire de métier durant leur carrière). Comme l’aurait dit Lénine, les gens vont voter avec leurs pieds, les Français étant bien meilleurs en langue étrangère maintenant que jadis, et leurs compétences assez appréciées dans le monde du travail anglosaxon ou est-oriental. Bref, une fuite non plus des fortunes (comme notre Johnny national), mais celle bien plus grave des cerveaux quotidiens. Les entreprises, jusque-là attirées en France par une population, certes chère et ultraprotégée socialement, mais aussi relativement bien éduquée, productive et qualifiée (ingénierie, métiers de la banque...), auront du mal à recruter et auront donc une raison supplémentaire de délocaliser ou de ne pas investir. Seule la compensation par une immigration qualifiée (mais dans le cadre honni de la sélection migratoire chère à Nicolas Sarkozy) pourrait compenser cet exil. Peu probable.
Il semble impossible de quantifier cette manne fiscale. Mais il semble que les effets pervers induits (perte nette des contribuables et des revenus des sociétés) entraînent plutôt un effet nul, voire négatif, si d’autres règles du jeu ne sont pas introduites (immigration choisie, interdiction de délocaliser, baisse du prix des logements...).
Car, finalement, ce sont aussi ces hommes qui créent la richesse. Il ne s’agit pas d’une simple mesure fiscale destinée à ajouter une couche de complexité à un système déjà très difficile à appréhender pour le citoyen lambda. Il s’agit en fait d’une vraie vision de la société que nous propose M. Hollande et, à travers lui, le Parti socialiste français. La vision d’une société nivelée, à la base, où tout espoir de gagner plus est mis à mal par les deux boucliers que sont les 35 heures et l’assurance d’être ramené à un niveau de richesse socialement acceptable autour de 2000/3000 euros par mois.