Qui est (vraiment) Alice Weidel ?

par Julie de Pardailhan
mercredi 19 février 2025

Dimanche les Allemands vont voter pour la refonte du Bundestag. Pour la première fois depuis 1945, un parti fiché à l'extrême droite, l'AfD, devenu deuxième force politique du pays, peut dominer le Parlementt. L'AfD doit son succès à Alice Weidel, sa charismatique leader qui parvient à faire céder le "pare-feu" anti-droite. Sa personnalité envoûte et interloque 

La question se pose depuis huit ans que l’’OVNI est entré en politique, pour y devenir l’une de ses figures majeures, et la plus atypique : comment cette surdouée de la finance, cette élégantle bobo cosmopolite, pleine d’humour et d’empathie, pacsée à une Sri-Lankaise, a-t-elle pu échouer dans ce parti de ploucs et de néo-nazis qu'est l'AfD ?Alice Elizabeth Weidel ("Lille" pour les amis) est née en 1979 en Rhénane du Nord-Westphalie. Son doctorat obtenu haut la main, sa carrière, lancée chez Goldman Sachs lui assuraient un bon fauteuil au FMI. Ceux qui voient dans ses choix une manœuvre opportuniste se trompent.

Quand elle est entrée à l’AfD (Alternative für Deutschland), en 2013 (sur le conseil d'une compagne fatiguée d’entendre ses diatribes anti-Merkel), le parti, créé par des universitaires eurosceptiques, ne pesait que quelques %. Surtout préoccupée par la crise de la Dette, la désindustrialisation, et les lourds efforts imposés par l’UE à l’Allemagne, l’AfD n’a commencé à se préoccuper d’immigration qu’en 2015, quand Angela Merkel a ouvert les frontières allemandes à un million de Syriens, puis à de nombreux Afghans, sans programme d’intégration.

 

                               2015, changemnt de décor

L’Allemagne n’en a pas fini avec la culpabilité. L’ombre du nazisme s’impose encore dans le moindre propos tant soit peu écarté du politiquement-correct. Et, lorsque en 2016 l’AFD s’élève contre un accueil qu’elle juge inconséquent, les petites moustaches commencent à fleurir sur les affiches d’Alice, choisie par le cofondateur Alexander Gauland pour être son bras droit. Des membres de l’AFD eux-mêmes quittent le parti. Lille » perd de nombreux amis, et va jusqu’à devoir déménager sous les insultes de la très gauchisante Bienne où ses enfants « ne trouvent plus personne pour jouer avec eux ». Elle ne pourra plus déambuler sans gardes du corps.

Angela Merkel ayant grandi à l’Est ne jure que par la « diversité » des cultures. Alice Weidel, au contraire, a vu se produire dès l’école des changements désastreux : séances de piscine perturbées par de jeunes immigrés pleins de mépris pour les « p… allemandes », homophobie suffoquante dans les quartiers naguère les plus cool de Cologne et de Berlin ; puis, à mesure qu’augmentait l’immigration extra-européenne, attaques, attentats, exigences religieuses…

 

                     Comment peut-on être gay et AFD - compatible ?

En 2017, après une tentative manquée de peu en 2013, l’AFD entre au Bundestag avec près de 13% des voix. Alice Weidel a fait un coming out devenu culte devant le plus improbable des publics - celui de l’AfD - , et nourrit des colonnes d’interrogations sur une prétendue contradiction entre sa vie privée et ses choix politiques, l’AFD soutenant un modèle de famille traditionnel qui semble ostraciser les homosexuels. Elle fait en tout cas avancer les mentalités au sein de son groupe et de ses partisans, qui la nomment « Kanzlerin der Hetzen » (la chancelière des cœurs), et se montre plus efficace pour la « cause « que toutes les gay prides réunies. Les votes « gays », de plus en plus nombreux, en attestent.

Sous l’impulsion d’Alice Weidel et, il faut le dire, de retentissantes attaques dont les victimes sont parfois des enfants, les scores de l’AFD s’envolent : 20% sur l’ensemble du territoire, jusqu’à 30% à l’Est. Des élections sont remportées avec éclat en Thuringe. C’est alors qu’on parle de l’interdire.

Un nostalgique de la RDA, Kramer, est à la tête du bureau dit de Protection de la Constitution. Il y occupe son temps et ses employés à trouver ce qui pourrait porter le coup fatal : le grand-père nazi ? Weidel ne l’a pas connu, et qui ne l’était en 1940 ? Un espion russe attaché au député Krach ? On trouve un certain Bjorn Höcke, que Weidel a d’abord cherché à écarter pour la modération de son rejet de l’époque nazie. Höcke a entonné au cours d’un meeting un slogan resté dans les mémoires allemandes, et qui fait scandale : « Alles für Deuschland ! » (« Tout pour l’Allemagne ! ») Weidel, qui brigue alors la candidature à la chancellerie, et réussit ses shows à l’ égal d’une rock star, lance au cours d’un meeting : « Ce qu’il a voulu dire, ce n’est pas « Alles », mais « Alice pour l’Allemagne ! » (prononciation presque identique)

 

                               La « réunion de Potsdam »

Le coup peut-être le plus bas, mais qui a le plus porté, encouragé par la CDU, on le doit à Correctiv, une feuille pro-gouvernementale qui publie en 2023 la narration d’une prétendue rencontre, à Postdam, entre des cadres de l’AFD et des néo-nazis autour d’un projet de « remigration » ethnique, une sorte d’épuration à la mode nazie qui menacerait le pays puisque l’AfD y est devenue la deuxième force politique.

Du jour au lendemain les rues d’Allemagne s’emplissent de manifestatations, dont les images ont un retentissement mondial. L’AFD passe de 23% à 17% . Weidel dément sur les réseaux : « Pour nous il n’y a qu’une remigration, c’est le renvoi des clandestins et des criminels étrangers. » That’s all, folks ! Mais le « scandale » bien nourri, par la presse, persiste.. Et quand enfin Correctiv, qui avoue avoir tout inventé « pour la bonne cause », est condamné par un tribunal, pas un mot de démenti dans la « mainstream press », (dont Wikipedia), qui continue de colporter « l’affaire ».

Mais, à l’ère des réseaux, on ne brise pas une telle voix d’un claquement de doigts. Les clips, les nombreuses interviews, même menées par des journalistes partiaux, gardent en lumière celle qui a fait d’un petit groupe d’économistes la deuxième force d’Allemagne, et qui devrait encore plus peser à partir de dimanche, jour de vote pour la refonte du Bundestag.

 

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