Réflexions ou radotages ?

par jean descoubès
jeudi 11 janvier 2007

Je suis né en 1934, au temps de la plus grande France. Je suis retraité, après plus de quarante-neuf années de services, militaire et civils. Je crois de mon devoir, devant le pessimisme qui s’empare de ma patrie, d’être une voix qui crie dans le désert.

Mon propos est d’observer la situation actuelle, de tenter d’en analyser les causes et de proposer modestement des solutions.

Nous n’avons jamais été, apparemment, aussi riches, et en même temps nous installons la pauvreté dans notre mode de vie. Nous reproduisons le Bas-Empire romain convoité par les Barbares. En effet, panem et circenses équivalent à RMI et Star Academy ou autres jeux, et les grandes invasions présentent bien des points communs avec l’immigration clandestine actuelle.

Nous entendons affirmer que nous entrons dans l’ère post-industrielle, mais que ferons-nous de ceux qui n’auront pas ou ne pourront pas avoir les emplois correspondant à ce modèle économique ? Et, en tout état de cause, est-il bon de perdre ce savoir-faire ouvrier que nous avons mis tant de siècles à obtenir ?

Nous proclamons : "L’Etat doit..." en oubliant que les ressources dudit Etat proviennent des impôts, taxes et autres prélèvements payés par les contribuables que nous sommes. En réalité, nous avons oublié qu’en notre qualité de citoyens, nous avons des devoirs, qui sont les corollaires de nos droits, et qu’en fait, l’Etat, c’est nous.

Sous prétexte de tolérance, nous laissons se développer sans surveillance des communautarismes qui risquent de détruire le désir de vivre ensemble, fondement de la nation.

Nous avons créé le collège unique, puis adopté l’objectif de 80 % de la classe d’âge au bac, en oubliant que chaque enfant est unique en ses capacités et aspirations, que tout n’est pas déterminé dès la maternelle, comme voudraient le faire croire certains psychologues, et surtout sans s’inquiéter des laissés-pour-compte de ce système trop centralisé.

Tout être vivant doit s’adapter, sous peine de sclérose, ceci est vrai aussi pour les sociétés humaines. Cette évidence n’échappe à personne et pourtant, nous nous obstinons à figer les situations à travers les statuts, les droits acquis, les réglementations et jurisprudences ; c’est particulièrement vrai dans les relations de travail, et je ne peux m’empêcher de comparer le Code du travail à un récif corallien.

Je reconnais volontiers que la plupart de nos dirigeants ont la volonté de rechercher notre bonheur. Cependant l’enfer étant pavé de bonnes intentions, l’effet pervers de certaines décisions nous conduit dans l’impasse.

Dans l’intention louable de faire bénéficier de la croissance les salariés les plus modestes, le salaire minimum interprofessionnel de croissance a remplacé le salaire minimum interprofessionnel garanti, presque tous les gouvernements ont donné un petit coup de pouce au SMIC avec l’approbation des syndicats de salariés, en oubliant que nous étions entrés dans une ère de moindre croissance et que cette augmentation de la masse salariale était supportée par les entreprises qui se sont adaptées en augmentant la productivité, c’est-à-dire en supprimant des emplois.

Je ne dis pas que cette mesure soit la seule explication du chômage, mais qu’elle contribue à l’appauvrissement des plus faibles.

Un leader syndicaliste a dit un jour que le Smic n’avait pas pour vocation de rémunérer le plus grand nombre, et je suis entièrement d’accord avec lui. Pourtant la proportion de salariés payés au Smic ne cesse de croître, favorisée en cela par les réductions de charges sur les salaires de ce niveau.

De même le regroupement familial a-t-il été instauré au profit des travailleurs immigrés sans modification du Code de la nationalité qui accorde la nationalité française à tout enfant né en France, ce qui n’était pas grave en période de plein-emploi favorable à l’intégration des familles intéressées, mais qui se révèle destructeur lorsque cette disposition bénéficie aux immigrés clandestins.

La mesure la plus généreuse, et en même temps la plus pernicieuse, a été l’instauration du revenu minimum d’insertion sans préciser quelle contrepartie les bénéficiaires devaient à la collectivité et quelle sanction ils risquaient d’encourir s’ils ne respectaient pas les mesures d’insertion, ce qui a transformé en assistés permanents une grande partie de nos compatriotes qui méritent mieux que les Restos du coeur et le Samu social en réponse à leurs problèmes.

Je ne dirai rien sur les trente-cinq heures, pour ne pas prononcer de paroles désobligeantes. Je me contenterai de demander à Mme Martine Aubry, si j’ai un jour l’honneur de la rencontrer, si elle ne travaille que trente-cinq heures par semaine.

Nous voici dans la troisième partie de mon propos, qui va faire bondir la quasi-unanimité de mes concitoyens. En effet, pour paraphraser Sir Winston Churchill, je ne vois que la sueur et les larmes pour parvenir à l’égalité devant la loi et au bien-être par le travail.

Nous allons assister à une campagne présidentielle passionnante par ses enjeux institutionnels et économiques. Je souhaite que tous les candidats aient à coeur de sortir notre pays du marasme, et je leur propose modestement quelques pistes.

Si la constitution de la IVe République pêchait par l’instabilité du pouvoir exécutif qu’elle entretenait, celle de la Ve République souffre des excès dudit pouvoir, aggravés par la dyarchie.

Je crois qu’il serait nécessaire :

- soit de supprimer le poste de premier ministre en conservant le quinquennat

- soit de revenir au septennat, en rétablissant l’élection du président de la République par les grands électeurs et en réduisant ses pouvoirs propres qui comprendraient la décision du feu nucléaire et la possibilité de faire jouer l’article 16 pour détenir tous les pouvoirs sous le contrôle du Parlement réuni de plein droit en cas de mise en péril des institutions.

Il faudrait aussi que l’ordre du jour du Parlement soit fixé par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, et que la mise en oeuvre des lois ne soit plus retardée par la rédaction des décrets d’application.

Enfin, il est indispensable d’éviter que la rue arbitre l’action politique.

Toutes les opinions politiques méritent d’être représentéesn mais le recours à la proportionnelle n’est pas une panacée, parce que la versatilité du corps électoral français paraît être une constante.

Pour se sentir vraiment représenté, le citoyen a besoin de connaître l’élu, c’est pourquoi je suggère que la candidature à la députation et au Sénat soit soumise à l’obligation de détention d’un mandat municipal ou cantonal dans le département concerné. Même si cela est contraire au discours actuel contre le cumul des mandats, je pense qu’un député ou un sénateur impliqué dans sa circonscription est le meilleur garant de l’intérêt général.

La représentation proportionnelle intégrale sans aucun correctif majoritaire pourrait être retenue pour les élections municipales et régionales, le scrutin uninominal à un tour pourrait être adopté pour les élections cantonales et législatives.

De plus, je pense qu’un fonctionnaire devrait démissionner s’il est élu député ou sénateur.

Je crois me souvenir que l’une des caractéristiques essentielles du service public est la continuité, qui ne peut être interrompue que par cas fortuit ou par force majeure, et qu’en aucun cas la grève n’est un cas de force majeure.

Pourtant, depuis de nombreuses années, les agents des services publics et les fonctionnaires s’octroient le pouvoir d’interrompre le service dont ils ont la charge en faisant grève, et cela sous le prétexte de défendre le service public. Je suis convaincu qu’ils confondent, en toute bonne foi, la défense de leur statut personnel (ce qui est respectable) et la défense du service public (dont l’intérêt leur est supérieur, puisqu’il concerne tous les usagers).

Une remise en ordre ferme est devenue indispensable, parce que la survivance de la tolérance de ce comportement corporatiste constitue l’une des raisons de nos blocages.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Français se sont retroussé les manches et leur action leur a permis de redresser le pays, malgré le handicap des guerres coloniales.

Nous avons le devoir de considérer que nous sommes en guerre économique et de nous mettre au travail comme nous avons su le faire avant le premier choc pétrolier.

Pour cela, nous devons avoir des finances publiques saines, sans déficit, ce qui est l’affaire de nos gouvernants ; nous devons aussi avoir un commerce extérieur excédentaire, ce qui est l’affaire des producteurs nationaux et des consommateurs.

Cette oeuvre gigantesque suppose l’adhésion de tous les agents économiques car elle nécessite la mise en place d’un système permettant aux entreprises de prospérer et d’être réactives.

Les syndicats devront cesser de s’élever contre le profit, tandis que les patrons devront non seulement rendre des comptes à leurs employés mais les impliquer dans la gestion et la définition des objectifs. Cela suppose une redéfinition des relations entre le capital et le travail, qui doivent être partenaires, et non adversaires, pour garantir la pérennité de l’entreprise. A titre d’exemple, je pense que les conseils de surveillance des sociétés anonymes devraient comprendre des représentants des salariés avec voix délibérative d’un poids égal à celui de la voix des actionnaires.

Les politiques devront faciliter cette mise en ordre de marche non pas en distribuant des subventions, mais en libérant totalement le dialogue entre syndicats de salariés et représentants des patrons sur les rémunérations et la durée du travail, tout en restant rigoureux sur la sécurité des personnels.

Ceci implique la levée des tabous du Smic et des trente-cinq heures, ainsi que la remise en cause de l’effet de seuil du RMI qui devrait pouvoir être perçu par les salariés faiblement rémunérés pour leur permettre de vivre dignement, la contrepartie de la perception du RMI étant l’exécution de travaux au profit de la collectivité.

Les consommateurs devront, dans la mesure de leurs moyens financiers, se souvenir dans le choix de leurs achats que le commerce équitable est aussi celui qui permet aux entreprises nationales de produire, c’est-à-dire de fournir du travail, à leurs enfants ainsi qu’à eux-mêmes.

Cette remise en ordre institutionnelle et économique doit s’accompagner d’un sursaut moral, impliquant la renaissance du sentiment national. Cette fierté nationale doit être enseignée dès l’école, sans oublier que la France fait partie de l’Europe, qui elle-même fait partie du monde. Nos soldats engagés dans tous les théâtres d’opérations extérieures sont les témoins actifs de cette universalité qui évite le nationalisme

Notre souci majeur devra être la valorisation de notre jeunesse et son entrée dans le monde du travail. Nous ne devons jamais oublier que chaque enfant est unique et qu’il doit progresser à son rythme. Il ne sert à rien de le faire entrer au collège s’il ne sait pas lire, écrire et compter couramment, ni de le maintenir en classe jusqu’à l’âge de seize ans s’il ne veut plus apprendre, et encore moins d’inscrire en faculté un jeune majeur qui est arrivé péniblement à obtenir son baccalauréat. Sans tomber dans l’excès japonais de la sélection, nous devons nous rappeler que l’élitisme républicain n’est pas contraire à l’égalité des chances si tout est fait pour mettre en valeur les talents non scolaires des plus faibles.

L’entrée dans la vie active devra être précédée d’une année de service national effectué au même âge par tous les jeunes Français qui, après une période de mise à niveau physique et moral, auront le choix de participer à des travaux au profit de leur collectivité locale dans les domaines de la santé, de la sécurité et de l’environnement.

J’arrête mes élucubrations, en souhaitant une parfaite réussite à tous nos politiques.


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