Royal/Sarkozy : mère courage contre père fouettard ?
par Henry Moreigne
lundi 12 février 2007
Pacte contre pacte, la campagne des présidentielles a pris ce week-end un nouveau virage, un nouveau visage aussi. Poings et mâchoire sérrés côté Sarko, sourire et émotion côté Ségo. Deux personnalités, deux visions de la société que tout oppose. Entre la sévérité de l’autorité incarnée par le président de l’UMP et « l’équité familiale » de la candidate du PS, le cœur des Français balance. A moins de soixante-dix jours du premier tour, pour l’un comme pour l’autre, rien n’est joué.
Alors que Ségolène Royal présentait, hier à Villepinte (Seine-Saint-Denis), son "pacte présidentiel" devant 20 000 militants, N. Sarkozy avait choisi la technique du contre-feu en investissant avec une poignée de fidèles la mythique salle de la Mutualité, histoire de se prononcer pour un "nouveau pacte républicain".
Le contraste entre les deux candidats est singulier. D’un côté, la machine Sarkozy, son professionnalisme, son assurance, sa détermination à employer tous les moyens existants pour arriver à son but. De l’autre, Ségolène Royal, ses hésitations, ses débats participatifs et ses désirs d’avenir. Tout sur le papier devrait donner un net avantage au ministre candidat dont le rouleau compresseur aurait dû ne faire qu’une bouchée d’une adversaire présentée comme amateur de la politique. Mais voilà, la politique c’est aussi beaucoup d’irrationnel. Beaucoup de Français se retrouvent dans ce combat donné comme inégal.
Face à un candidat président de la machine de guerre UMP, tout puissant ministre de lIintérieur, apparaissant comme l’homme des milieux économiques et financiers, une femme frêle, présidente de région, qui a réussi à imposer ses comités Désirs d’Avenir à un PS sclérosé. A chacun de choisir son camp mais on retrouve là les éléments qui avaient permis, contre toute attente, la victoire des nonistes lors du référendum sur le Traité constitutionnel Européen.
Le programme de la candidate est imprégné des valeurs familiales. Une approche qui transparaît lorsqu’on évoque l’autorité mais aussi la solidarité avec les jeunes qui débutent où les anciens et leurs faibles retraites. A l’Etat Jacobin, elle veut substituer la proximité de la France des régions. Aux ambitions pour la France, elle préfère les Désirs d’avenir propres à chacun. Elle incarne à sa façon le combat de David contre Goliath. Celui du salarié qui subit les délocalisations contre l’actionnaire qui privilégie la rentabilité, celui du citoyen face à la machine de l’Etat. En mère de famille, elle sait que l’harmonie au sein de cette dernière ne peut venir que d’un traitement équitable et juste de chacun de ses membres.
A l’inverse, Nicolas Sarkozy fait appel aux valeurs traditionnelles du libéralisme : travail, concurrence et ordre pour construire une France qu’il veut grande. Son programme repose sur une confiance forte en l’Etat, ses institutions et en ses représentants. La liberté dans l’ordre, gare à ceux qui s’en écartent. La politique à ses yeux appartient à une élite éclairée seule capable de faire le bonheur des autres parfois contre leur gré. La compétition n’y apparaît pas comme un mal mais au contraire comme une valeur cardinale qu’il faut célébrer. Que le meilleur gagne et, malheur au perdant. Pour ce dernier, qui ne doit cette situation qu’à lui-même, l’Etat ne doit apporter qu’une aide minimale.
Mais, méfions-nous des images et surtout des entourages. Le futur chef de l’Etat devra composer avec une nouvelle représentation parlementaire. Autant dire qu’entre les engagements d’aujourd’hui, fussent-ils sous forme de pacte, et les décisions de demain qui devront être avalisées par l’Assemblée nationale, les lignes peuvent singulièrement bouger.