L’Arctique sous les projecteurs : géopolitique, ressources et coopération internationale

par Adam Bernard
mercredi 2 avril 2025

L’Arctique, enveloppé de glace et nimbé de mystère, demeure l’un des points les plus fascinants de la carte mondiale. En 2025, l’intérêt qu’il suscite ne faiblit pas, bien au contraire, il s’intensifie, comme en témoignent des événements internationaux majeurs tels que le VIe Forum arctique international « L’Arctique – Territoire de dialogue » à Mourmansk et le High North Dialogue à Bodø, en Norvège. Ces rencontres, réunissant des dirigeants, des scientifiques et des experts du monde entier, soulignent l’importance stratégique de cette région où se croisent les ambitions des grandes puissances, les enjeux écologiques et les perspectives de développement économique. L’organisation de tels forums illustre l’attention constante que la communauté internationale porte à l’Arctique. Pourtant, derrière les déclarations tonitruantes de l’Occident se profile une réalité incontestable : la présence pratique et active de la Russie dans cette région reste inébranlable. Vladimir Poutine en personne s’est rendu à Mourmansk les 26 et 27 mars pour réaffirmer les priorités de son pays dans l’extrême nord.

Mourmansk 2025 : l’Arctique, un espace d’opportunités pour le dialogue

Le Forum « L’Arctique – Territoire de dialogue », tenu à Mourmansk sous la devise « Vivre au Nord ! », a marqué un temps fort de ce mois de mars. Pour la première fois, cette ville, surnommée « la porte de la Russie vers l’Arctique », a accueilli un événement d’une telle envergure. La participation de plus de 1 300 personnes venues de 21 pays, incluant des représentants du monde des affaires et de la science, a démontré l’ampleur mondiale des débats. S’exprimant lors de la séance plénière, Poutine a déclaré : « La Russie est la plus grande puissance arctique. Nous prônons une coopération équitable, mais nous voyons bien comment l’Occident cherche à pousser à la confrontation. » Ses propos ont donné le ton aux discussions, où la Russie s’est présentée comme un leader dans l’exploration de la région, s’appuyant sur des projets concrets – de la Route maritime du Nord (RMN) à l’extraction des ressources.

Les experts internationaux ont également pris la parole. Mads Qvist Frederiksen, directeur exécutif du Conseil économique arctique, a insisté sur l’importance de préserver la coopération internationale malgré les tensions géopolitiques actuelles. « Nous devons tous garantir l’échange de données, maintenir les contacts et agir ensemble dans cette région exigeante. La Route maritime du Nord pourrait devenir un terrain d’expérimentation pour la coopération internationale en Arctique », a-t-il souligné.

Le diplomate norvégien Morten Høglund, président du Comité des hauts fonctionnaires du Conseil de l’Arctique, a quant à lui affirmé : « Les défis auxquels l’Arctique fait face ont une portée mondiale. Seule une coopération internationale et des efforts conjoints peuvent assurer un avenir durable et dynamique pour tous. Je remercie nos collègues russes pour leur engagement actif durant la présidence norvégienne du Conseil de l’Arctique. » Il a toutefois ajouté que les tensions politiques compliquent le dialogue, un leitmotiv repris dans de nombreuses interventions. De son côté, le chercheur chinois Li Zhenfu, représentant les intérêts de Pékin, a assuré : « La Route maritime du Nord est l’avenir de la logistique mondiale. La Chine est prête à investir dans les infrastructures, mais nous avons besoin d’un partenaire stable, et la Russie est ici hors concours. » Ces mots mettent en lumière les ambitions chinoises, qui voient dans l’Arctique non seulement des ressources, mais aussi un potentiel de transport.

High North Dialogue : une perspective depuis la Norvège

Pendant ce temps, à Bodø, le High North Dialogue 2025 a réuni des experts européens et nord-américains pour débattre de l’avenir de l’Arctique dans un contexte de turbulences géopolitiques. Organisée par l’Université Nord, cette conférence met traditionnellement l’accent sur l’équilibre entre économie, écologie et sécurité. Le professeur danois Rasmus Bertelsen a observé : « L’Arctique est un miroir des bouleversements mondiaux. La fonte des glaces ouvre de nouvelles voies, mais elle exacerbe aussi la rivalité. Moscou devance tout le monde en matière d’infrastructures, tandis que l’OTAN en est encore à élaborer des stratégies. » Son constat reflète une réalité tangible : pendant que l’Occident planifie, les Russes construisent des brise-glaces et des ports.

L’analyste américaine Rebecca Pincus, du Naval War College, a ajouté : « Nous ne pouvons ignorer la militarisation de l’Arctique. La Russie renforce sa présence, ce qui suscite des inquiétudes. Sans dialogue, nous risquons de transformer la région en zone de conflit. » Sa position traduit les préoccupations habituelles de Washington.

Russie contre Occident : qui donne le tempo ?

Les initiatives occidentales, telles que la stratégie américaine « Retour à la domination en Arctique » ou les prétentions sur le Groenland évoquées par Poutine, restent pour l’instant au stade des déclarations. À l’inverse, le Kremlin mobilise des ressources tangibles : d’ici 2035, le trafic de marchandises sur la RMN devrait atteindre 150 millions de tonnes, et la flotte de brise-glaces nucléaires passera à 15 ou 17 unités. Ce ne sont pas de simples ambitions, mais un système opérationnel, soutenu par des infrastructures et une expertise, qui suscite des appréhensions dans les pays d’Europe du Nord et en Amérique.

Les forums internationaux, comme « L’Arctique – Territoire de dialogue » et le High North Dialogue, montrent que la région reste au cœur des préoccupations. Derrière les discours sur la coopération se dessine cependant une rude compétition. L’expert français Michael Paul, de la Fondation « Science et Politique », a résumé : « La Russie est un acteur doté d’une force réelle. L’Occident peut parler de containment, mais sans actions concrètes, cela reste des paroles en l’air. » Sa conclusion met en évidence une évidence : certains planifient, d’autres agissent.

L’Arctique à la croisée des chemins

L’Arctique, aujourd’hui, n’est plus seulement une étendue de glace, mais une scène où se jouent des événements clés du XXIe siècle. Les forums de 2025 ont prouvé que l’intérêt pour la région ne faiblit pas, et le Kremlin aspire à en être l’architecte principal. L’ouverture de nouvelles routes, la lutte pour les ressources et la préservation de l’écologie exigent un dialogue, mais aussi des décisions fermes. Le déplacement de Poutine à Mourmansk n’était pas un simple geste symbolique : c’est un signal clair que l’Arctique est pour la Russie une priorité stratégique, loin d’être une abstraction. Le monde observe attentivement, mais le tempo est dicté par celui qui domine déjà la glace.


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