Yvelines, contre le Plan de prévention des risques d’inondation
par Cécile
vendredi 12 janvier 2007
Dans les Yvelines, dix-sept associations des riverains de la Seine et de l’Oise, plaidant pour les milliers de foyers concernés, manifestent depuis quelques mois leur opposition au plan dénommé Plan de prévention des risques d’inondation. (PPRI).
En effet, la loi dite Barnier a un chapitre intitulé « Mesure de sauvegarde des populations menacées par certains risques naturels majeurs » désormais codifié aux articles L. 562-1 et suivants du Code de l’environnement. Ces dispositions permettent, dans les zones de populations menacées par un risque naturel prévisible, de mettre en place des Plans de prévention des risques (PPR), lesquels comprennent diverses mesures de protection, de prévention et de sauvegarde. Ces mesures doivent être homologues sur un même bassin et être mises à profit pour un aménagement progressif, cohérent, intelligent et adapté au site.
Or donc, tout à l’opposé de son objectif de prévention des inondations, le PPRI du département des Yvelines a établi plutôt un plan de zonage composé de servitudes restrictives en matière d’usage du sol sans tenir compte ni de l’histoire du paysage, ni de l’urbanisation des bords de rivières et de fleuve.
Le document qui a été soumis à enquête publique l’été dernier, en plus des dispositifs des "Zones rouges" interdisant les constructions neuves dans ces zones à risque, veut également interdire la reconstruction des maisons situées à moins de 25 mètres du fleuve en cas de sinistre, quelle qu’en soit la cause. Il s’agit d’une "bande marron" uniforme, dite bande de grand écoulement, longeant le fleuve dans les Yvelines ; parfois sur une seule rive ou sur quelques centaines de mètres en limite départementale.
Nous sommes donc, ici, en présence d’un projet interdisant, pour la première fois en France, la reconstruction en cas de sinistre !
Une disposition peu justifiée
Des risques exagérés
Dans l’Oise et sur les limites de la Seine, les crues sont lentes, elles ne sont pas turbulentes, et les anciennes maisons ont déjà résisté à plusieurs crues sans le moindre dommage (dont pour certaines, la crue de 1910). Cette zone marron est d’autant plus inopportune que les crues de l’Oise et de la Seine se produisent en général à des moments différents. Elles ne comportent pas de risque soudain pouvant mettre en péril les habitants. Il est à noter aussi que la majorité des habitations ont des étages nobles surélevés, avec au minimum un plancher refuge et une solidité déjà éprouvée.
Un projet inéquitable
Cette disposition ne fait que renier la politique d’urbanisme du siècle passé et ne ménage ni les personnes, ni leurs biens. Et elle est d’autant plus inéquitable qu’elle ne s’applique que sur la dernière centaine de mètres (sur 302 km) de la rivière de l’Oise, et pour la moitié sur une seule berge ! Elle n’existe d’ailleurs dans aucun autre PPRI des départements voisins du Bassin de Seine à savoir les départements du 92, 95, et 75. La Seine n’est pas plus dangereuse dans les Yvelines que dans les autres départements.
Une disposition arbitraire
Le fait d’interdire la reconstruction en bande marron et en zone rouge foncé est une disposition arbitraire qui n’existe dans aucun autre PPRI. La proportion de la bande marron est insensée : La Seine étant deux à trois fois plus grosse que l’Oise, pourquoi une largeur uniforme de 25 mètres, tant sur la Seine que sur l’Oise, quels que soient le relief, le terrain, les caractéristiques du bâti, des berges aménagées ou non, la végétation, les lits des rivières et les obstacles inclus ou contigus ?
Un projet anti-patrimoine
Ce projet dévalorise de fait un patrimoine construit. Il convient tout juste de rappeler que nombre de ces habitations ont un intérêt patrimonial certain. Il y existe des quartiers classés en Zone de protection du patrimoine architectural et urbain (ZPPAU), et certaines maisons considérées comme remarquables par les architectes des Bâtiments de France.
Des mesures antisociales
On assiste à un désinvestissement soudain des aménageurs et de l’Etat au détriment des populations et des collectivités locales : aucun plan de délocalisation, aucune indemnisation n’est prévue dans le cadre du PPRI. Les fonds de catastrophes naturelles, pour leur majeure partie, sont aspirés par des entreprises ayant su « tirer parti » des zones inondables, sur le dos des populations, d’une façon démesurée. Alors que tous s’accordent à reconnaître le droit au logement comme un droit fondamental, des milliers de riverains vont être, de manière strictement administrative, précarisés, à la merci d’un éventuel sinistre.
Ce PPRI n’est pas un plan de prévention des risques d’inondation.
Cette disposition n’évoque aucune protection, ni celle des personnes, ni du patrimoine urbain, ou paysager.
Ainsi, qu’en est-il donc de l’aménagement et la qualification des berges ? De nombreuses analyses et prescriptions sont absentes du PPRI (état des berges, situation des champs d’expansion possibles, les vitesses et débits, la perméabilité des sols et sous-sols, la gestion des ouvrages, le contrôle, la maintenance et la coordination des écluses, les travaux de recalibrage et d’endiguement sur le territoire des communes concernées, curage, dragage, le renforcement et l’amélioration des ouvrages de protections existants...).
Pour ainsi dire, ce plan ne contient donc aucune des servitudes actives qui doivent être mises en place par les acteurs ayant en charge la gestion des fleuves.
Ce PPRI est un plan de prévention des risques... d’indemnisation
Ce PPRI est donc purement et simplement un plan de prévention des risques d’indemnisation. Il ne répond pas aux principes de soutien, de protection et d’aide aux populations, mais au contraire il leur promet une forte dévaluation de leur patrimoine. Les maisons ne seront plus vendables ni assurables. Ceux qui auront le malheur de voir leur maison endommagée accidentellement (incendie, chute d’arbre, tempête ou tout autre sinistre) ne pourront plus reconstruire et certains d’entre eux seront encore sous le coût des crédits et sans la capacité de relogement, faute de moyens financiers, avec un terrain désormais inconstructible et sans valeur.
Ainsi que Monsieur le Préfet nous l’a expliqué le 25 octobre dernier, ces contraintes du PPRI sont dictées par des préoccupations strictement économiques : il s’agit de limiter les indemnisations et de ne plus avoir recours à la solidarité nationale pour traiter les sinistres liés aux catastrophes naturelles.
L’annonce, fin novembre 2006, d’un projet de réforme de l’assurance catastrophes naturelles (possibilité laissée aux compagnies d’assurance de moduler les primes en fonction des risques), rejoint cette volonté de désengagement de l’Etat. En même temps, cette réforme rendrait caduque la clause de non-reconstruction, les riverains inondables cotisant directement pour assumer les frais d’hypothétiques inondations.
Nous demandons donc :
¨ la suppression de la bande marron, dont la qualification de « grand écoulement » ne correspond à aucune réalité hydrologique ou hydraulique, et de sa clause de non-reconstruction après sinistre
¨ la mise en cohérence de ce PPRI avec ceux du même bassin.
Pour ce faire, notre collectif a mené de nombreuses actions : manifestations devant la préfecture de Versailles puis à Paris, réunions d’information, diffusion d’une pétition et présence lors de nombreuses réunions et manifestations publiques, courriers interpellant les élus, rencontre avec le préfet...
Aujourd’hui, bien qu’ayant reçu le soutien de nombreux élus locaux et nationaux, nous sommes toujours dans l’attente de la publication du rapport d’enquête publique et des conclusions du président de la commission d’enquête publique. Nous restons mobilisés et avons besoin de soutien dans notre action.
Aujourd’hui, ce sont les « inondables des Yvelines » et demain ?... En France, 23 000 communes sont concernées par les PPR...
Pour en savoir plus ou signer notre pétition :