Ma vie de chien ...
par C’est Nabum
mardi 22 mars 2016
Une laisse à la patte !
J'ai promis à un vieil ami un billet sur le chien, cet ami de l'homme qui, depuis que j'ai écrit un texte sur le chat, me fait la gueule. Il faut reconnaître que je n'ai jamais eu de chien, pas plus que de chat d'ailleurs, ce qui va me ranger dans le camp de ceux qui n'aiment pas les hommes, selon l'aphorisme qui ne manque jamais d'être opposé aux gens de mon espèce.
La sentence est sévère ; moi qui suis plus corniaud que chien de race, je ne mérite pas qu'on me glisse une muselière sous prétexte que je n'ai jamais eu à sortir mon compagnon à quatre pattes deux fois par jour pour ses besoins naturels. Je ne sais rien des longs arrêts prolongés le long des poteaux téléphoniques, des roues de voiture ou bien des arbres urbains. Je ne sais pas plus l'immense jouissance que doit constituer le ramassage de la crotte dans un sac plastique.
Mon avis sur la question demeure donc celui d'un béotien, l'un des cent-un dont aime à se distraire monsieur Walt Disney. J'ai pourtant un bel os à ronger à ce propos car mon enfance fut entourée de chiens. Mon père, parmi toutes les casquettes professionnelles dont il aimait à se prévaloir, vendait et fabriquait parfois des articles pour la race canine. C'est sans doute de là que je grandis sans animaux domestiques, à l'exception d'un poisson rouge avec lequel j'appris à entretenir de longues conversations qui finissaient toujours par tourner en rond.
Quand un maître arrivait dans la boutique, suivi par le chien qui avait besoin d'un collier ou d'un accessoire quelconque, je me précipitais toujours pour venir compenser mon manque d'affection animale. Immanquablement, l'homme (c'était bien plus rarement des femmes à cette époque où le chien était d'abord un compagnon de chasse ou de travail et non pas un enfant de substitution), ne manquait jamais de me mettre en garde sur la férocité supposée de son acolyte canin.
Jamais pourtant je n'ai eu à me plaindre d'une quelconque morsure. Les chiens sentaient sans doute que, dans ce magasin, ils allaient être bien traités. L'animal sent les choses bien mieux que ce curieux personnage qui avance perché sur ses deux pattes arrières. J'avais toujours droit à des queues qui battaient la mesure, des langues qui montraient des traces ostensibles de tendresse. Même les molosses pour lesquels on vendait des colliers étrangleurs (mais oui, c'était même un produit très souvent demandé) ne lésinaient pas sur leur désir de caresses.
Je me suis ainsi habitué à aller systématiquement et sans crainte vers les chiens. Je pense qu'ils ressentent cette empathie et qu'ils me la rendent bien. Cependant, j'ai eu à me méfier d'eux quand il me vint l'idée saugrenue de courir dans la campagne ou bien de marcher le sac sur le dos. Voilà bien deux postures qui vous font basculer immédiatement dans la grande cohorte des gens suspects et vous permettent de récolter aboiements sauvages et parfois menaces certaines.
Le chien, tout comme son maître, n'aime pas les inconnus qui ne présentent pas patte blanche. Les deux montrent alors les dents et parfois l'humain n'hésite pas à sortir son chien de fusil. Les temps ne sont pas aisés pour celui qui va sur les chemins : le chien lui fait mauvais accueil et l'humain pire encore. Les facteurs en savent quelque chose, eux qui ne sont pas en odeur de sainteté dans la gent canine.
Pourtant, il suffirait de presque rien pour que le chien soit moins cabot. Un peu de liberté, une maison sans barrière ni clôture, et soudain l'animal se montre plus accueillant. Le chien qui hurle à la mort à chaque passage devant chez lui, suit sans doute le comportement du maître qui jette dans l'urne un vote hostile à tous les étrangers. Il y a des similitudes qui ne trompent pas en la matière.
Voilà le peu que j'avais à dire sur ce charmant compagnon quand il est bien éduqué. Comme pour les enfants, tout passe par l'art complexe de montrer le bon exemple et d'avoir quelques valeurs à transmettre. La mode est venue d'avoir des chiens tueurs, des monstres aux mâchoires de fer et aux intentions toujours belliqueuses. Ils ont supplanté les chiens policiers pour devenir des chiens guerriers pour la plus grande jubilation de maîtres aussi abrutis que leurs animaux sont laids. À l'opposé, des chiens de poche se montrent tout aussi agressifs en dépit d'une taille de roquet. C'est, qu'à trop les considérer comme des enfants, des individus en manque d'amour leur ont donné tous les défauts de la terre.
Je n'aime que les chiens qui restent à leur place de chien, qui battent la campagne, sont bergers ou bien chasseurs, travaillent pour un aveugle ou bien une bonne cause. Le chien qui reste à sa place de chien, n'est pas considéré comme un membre de la famille mais bien comme un animal domestique qui mérite des égards et de l'affection. Je sais que beaucoup auront une dent contre moi à la lecture de ce pauvre texte. C'est que je les aurai pris à rebrousse-poils ; je leur en demande pardon !
Vous vouliez un os à ronger, vous l'avez,mon cher Jean-Paul. J'ai écrit sur le chien et je crains que tout cela ne me pousse à me mordre la queue. J'ai, grâce à vous, trouvé un nouveau slogan : « Les Chiens aboient, le Bonimenteur s'en passe ! », il faut connaître l'histoire de ma bonne ville pour le comprendre. Merci à vous ; chose promise, chose due.
Domestiquement vôtre.