Faire le pied de grue

par C’est Nabum
mercredi 11 avril 2018

Cent pas qui ne suffisent pas …

Attendre le chaland n’est pas chose aisée même pour un Bonimenteur de Loire affistolé pour attirer le regard, une dégaine incertaine et anachronique avec les pieds nus et son air niais. Il ne suffit pas de jouer les aguicheuses de service pour arrêter l’attention de ceux qui ne sont justement pas présents. Le temps est au beau, le soleil s’est invité à la fête et a provoqué la désaffection du salon artistique. Comment reprocher à ceux qui jusqu’alors étaient en déficit de vitamine D d’avoir fait le choix du plein air ?

J’erre comme une âme en peine, ne trouvant d’abord pas bonne place où alpaguer le visiteur quand mes histoires ne font pas écho dans cette trop vaste salle qui sonne le creux et l’ennui. Chaque exposant tuant le temps en espérant un improbable client, un visiteur qui lui fera conversation à défaut d’emplette. Il convient de se satisfaire de peu dans pareil cas.

Je n’ai pas à me plaindre, je suis invité. C’est naturellement vers les organisateurs que vont mes pensées. Tant d’efforts pour si maigre résultat. La pluie aurait fait leurs affaires, le soleil vient briser leur travail. Dans le même temps, il en va tout autrement pour ceux qui ont mis sur pied une animation en plein air, ceux-là se frottent les mains après avoir tremblé toute la semaine à la lecture des bulletins météorologiques.

Fragiles, le succès ou l'insuccès dépendent de si peu de choses. Un petit coin de ciel bleu ruine les espoirs des uns tandis qu’il enchante les autres. Il y aurait matière à envisager solution de repli, à prévoir l’un et l’autre pour s’adapter à la dernière minute. La clef de la réussite serait-elle là ? C’est ce qu’on pourrait espérer.

Il est hélas à craindre que dans l’un et l’autre cas, la foule des curieux vienne à manquer. C’est justement la curiosité qui est en cause, l’envie de s’ouvrir à ce qui sort du cadre du rouleau compresseur médiatique qui fait que tous les moutons vont vers les mêmes propositions, les grandes manifestations dans lesquelles il convient d’être vus et comptés, surtout quand elles émanent de la grande ville voisine. La Métropole est une arnaque puisque les villes périphériques ne sont plus considérées comme digne d’intérêt par leurs propres habitants qui désertent les animations locales.

Être du nombre est un souci louable. C’est dans le même temps la condamnation des entreprises moins ronflantes, des animations plus intimistes. Le risque est grand de finir par lasser ceux qui croient encore à la capacité d’émerveillement de leurs semblables. Ici, il y a des auteurs, des sculpteurs, des peintres, des tourneurs sur bois, des prosateurs et des versificateurs.

Tous sont désolés de ne pas trouver regards attentifs, esprits ouverts à leur imaginaire. La norme fait rage, la communication encourage la conformité, le banal et le faux semblant. Il convient de ne pas sortir des sentiers battus. C’est ainsi, il faut des trésors de créativité pour faire venir le visiteur. C’est sans doute que nous n’en avions pas assez en stock, pour réaliser ce fol espoir.

Je change de crèmerie. J’arrive sur la fête en plein air espérant trouver foule et envie d’être ensemble. Bien mal m’en prend j’arrive juste après un drame, l’embrasement d’une montgolfière. Deux blessés, des brûlures qui provoquent je l’espère plus de peur que de mal. Le drame a été évité mais durant un temps, l’ambiance est lourde de l’incident qui a failli tourner à la catastrophe.

Puis la vie reprend le dessus et cette fois, je ne me sens pas déplacé. Je conte et je trouve un public, certes pas une foule considérable mais des gens qui prennent la peine de se poser et d’écouter. Le contexte, simplement un environnement favorable suffit à ce miracle. La Loire est à deux pas, des mariniers proposent une sortie en bateau. Cela suffit à mettre en condition le public.

Une fois encore je m’en veux d’avoir tenté le diable en espérant vainement bousculer les conventions et les pratiques. Grand naïf que je suis, qui pense pouvoir déplacer des montagnes alors qu’elles accouchent toujours d’une souris. Je me laisserai toujours prendre à ce fol espoir de plier le réel à mes rêves, c’est sans doute ce qui me tient en action !

Utopiquement vôtre.


Lire l'article complet, et les commentaires