Histoires de girouettes
par C’est Nabum
jeudi 26 mars 2020
Ce mauvais vent tournera bien un jour
Le petit vent
Le petit vent qui nous pousse dans le dos
Nous caresse tout doucement
Car c’est son affaire, au petit vent
De temps en temps
De temps en temps il nous souffle dans le nez
Car il veut nous plaire, le petit vent.
En France on aime à boire, c’est bien connu ! Les girouettes, du haut des toits, président souvent aux rites de la vigne. Elles représentent alors des vendangeurs, des fouleurs de raisin, des transporteurs de barriques. La mythologie paie sa tournée avec un Bacchus en joyeux drille, honorant avec coupe et flacon la pampre de la vigne enfant ant un délicieux nectar.
Des propriétaires récoltants ont choisi de signaler leur négoce en enlaçant leurs initiales autour d’une treille et de trompette de la renommée telles les armoiries de la noblesse d’antan. La coupe est pleine et la girouette fait tourner les têtes y compris en l’absence de vent ?
Les femmes sont rarement représentées sur les girouettes. Si le dicton prétend qu’il n’est que femme qui varie, le vent ne souffle guère en faveur de sa représentation. Elle se trouve dans des tâches simples : fileuses – bergères – blanchisseuses. Le dur labeur de la lavandière, bien loin du folklore la montre brossant ou battant le linge sur sa selle avant que d’aller rincer le linge au fil de la Loire. La girouette tournait à qui mieux mieux pour essorer le linge.
Quand la femme apparaît à côté de son mari pour l’aider dans sa tâche, qu’il soit maréchal-ferrant ou charron, elle porte gaillardement un chapeau de feutre qui lui ne s’envole pas au vent et un long tablier qui atteste de sa féminité.
Les girouettes sont autant de livres d’images sur lesquels les vieux métiers, aujourd’hui disparus, continuent de se raconter par l’intermédiaire de représentations plus ou moins naïves ou richement ouvragées. Ainsi les trépigneurs, aujourd’hui oubliés : un cheval en trépignant sur ses antérieurs, faisait tourner des cylindres de métal. Des courroies transmettaient le mouvement pour actionner des blutoirs qui coupaient les betteraves. Le grand-père de Paulette, fier d’avoir conservé cette machine, l’avait reproduite afin qu’elle orne son toit même si la roue avait tourné, faisant passer l’énergie animale au rang des souvenirs révolus.
Il y aurait tant à dire encore sur les girouettes comme celle du capitaine des pompiers représenté avec son état-major près de la fameuse pompe à bras de sa commune ou bien celle du cheminot perché sur son petit train. Le châtelain du coin n’est pas en reste lui dont les points cardinaux deviennent les initiales de sa devise ou bien encore le beau drapeau de la « Folie Baton » retraçant la vie es ancêtres du nouveau propriétaire.
Les girouettes peuvent encore servir à autre chose qu’à indiquer le sens d’un vent que le père Jules n’avait pas forcément dans le nez. Quand il rentrait, lui qui aimait bien boire le coup, ayant chaussé ses souliers à bascule, il avait grand besoin de sa girouette. Elle lui montrait le chemin, lui qui n’y voyait plus très clair. L’âne a aussi joué ce rôle autrefois de guide des buveurs égarés.
Le vent de l’amitié
Un p’tit vent
Bon p’tit vent
Parle de la vie des gens
Et fait son chemin de bouche à oreille
Paulette Rhode se plaint de la qualité de ses photographies. En dépit des précautions prises, elles sont trop souvent floues ou trop petites pour être agrandies. Si la girouette est intéressante, elle n’en demeure pas moins sur un toit qui n’est parfois pas facile d’approcher. C’est forte de ce constat qu’elle choisit une autre technique de reproduction. Un agrandissement par le truchement d’un dessin sur un bristol épais, découpé ensuite au cutter. La première de ces maquettes lui donna satisfaction, elle persévéra obtenant ainsi une jolie collection d’ombres chinoises qu’elle aimait à exposer
« L’homme au fléau », « les joyeux buveurs de Saint Août » retrouvèrent une seconde jeunesse loin de leurs toitures d’origine. Les buveurs sont en fait un garde champêtre caricatural trinquant avec le bûcheron tandis que l’officier de carrière est équipé d’un fourreau de baïonnette qui assure l’axe de rotation. Du grand art !
La silhouette racée des deux chevaux tirant une charrue menée par un paysan en costume traditionnel a pu grâce à cette technique être exposée et même embellie d’un coucher de soleil réalisé par Daniel, l’artiste agrandisseur qui sait donner une dimension poétique à ces anciens témoins de l’art premier pour la satisfaction des visiteurs des différentes expositions.
Paulette se réjouit alors que le vent de l’amitié a soufflé sur ses girouettes. Connaissances et amis se sont mis en quête de ce que les archives ne pouvaient préciser. Les ferronneries d’art ne figurent que très exceptionnellement dans les documents écrits comme si la culture ne se reconnaissait pas dans cette merveilleuse représentation du quotidien.
Les randonneurs levèrent le nez en cadence. Des chercheurs indiquèrent eux aussi à Paulette l’emplacement de ces trésors dont elle était en quête. Elle n’avait plus qu’à se rendre sur place pour photographier la chose. Elle bénéficia aussi d’aides matérielles : matériel d'agrandissement, bois, métal, carton pour permettre la réalisation de maquettes tandis que d’autres fournirent des documents sur le sujet.
La dame se souvient alors d’un souvenir tout particulier qui lui a laissé une forte impression. C’était au mois d’août, elle avait obtenu de se retrouver seule sur les toits du château de Chambord. Dans ce décor extraordinaire, muni d’un sésame officiel, elle pouvait jouir du spectacle fabuleux de l’extravagante toiture royale. Des girouettes portaient des grandes lettres de bronze représentaient les initiales de nobles personnages. Elles couronnaient les cinq clochetons. Le conservateur satisfit alors à sa curiosité pour lui apprendre que le F évoquait François 1er que le H représentait Henry V, le R honorait Robert de Parme tandis que les C et B entrelacés rendaient hommage à Caroline du Berry alors que le comte de Chambord était présent lui aussi avec le D de Dieudonné, son prénom.