La ruée vers l’Or de Sologne
par C’est Nabum
vendredi 18 août 2017
Une douce folie gourmande
Quand l’été se fait chagrin, quand il nous épargne les morsures de la canicule, quand il se mouille parfois de quelques ondées bienfaitrices, les solognots et d’étranges visiteurs se préparent à partir à la ruée vers l’Or. C’est une épopée digne de la conquête de l’Ouest, un moment d’une grande intensité tout autant qu’une épreuve à hauts risques. Gare à celui qui s’aventure sur des territoires hostiles, il pourrait lui en coûter.
Pour parvenir à ses fins il convient d’être le premier, d’arriver au petit matin sans laisser sa monture trop proche de l’endroit. Le camouflage est essentiel pour cette activité éminemment secrète et forcément discrète. Des conventions peu recommandables autorisent des mesures drastiques de rétorsion à qui se fait prendre la main dans le panier.
Vous risquez en premier lieu de vous dégonfler devant le poids des menaces et si ce n’est vous, ce peut-être votre destrier mécanique qui risquerait de se trouver à plat et immobilisé durablement jusqu’à l’arrivée des secours. C’est pourquoi il doit se trouver bien à l’écart de la zone convoitée.
Vous pourriez aussi recevoir quelques menaces verbales qui peuvent selon l’humeur du gardien de la mine, devenir coup de feu en l’air ou bien tir réel. La guerre n’est jamais loin dans ce Far West sans foi ni loi que constitue une forêt privée dans notre belle Sologne. Le gilet pare-balles accompagnera judicieusement votre tenue forestière, votre camouflage et les chaussures de marche. L’aventure n’est pas sans risque et c’est elle qui en fait tout le prix.
Autre mesure indispensable à votre réussite, il convient de garder votre langue. Bien sûr les exclamations en pleine action sont formellement déconseillées, elles vous trahiraient et accéléreraient votre défaite, mais plus encore la vantardise ou simplement les éventuelles confidences au retour de votre quête sont strictement interdites. Un quidam à l’oreille aiguisée prendrait alors immédiatement votre place la fois suivante, ne vous laissant que des poussières d’Or et emportant chez lui vos pépites d’alors.
Cette prudence s’impose y compris auprès des vôtres car il n’y a, en la matière ni amis ni famille. Le secret est absolu au royaume de la ruée vers l’Or. Les informations ne circulent pas plus que les conseils. C’est le chacun pour soi et nul ne songe à déroger à la règle dans la Sologne profonde.
Méfiez-vous de votre ombre, de vos traces, des bruits de branchages et mêmes des animaux sauvages. Vous pouvez être trahi à tout instant et si vous échappez au courroux du garde, à l’ire du propriétaire, votre trésor sera irrémédiablement confisqué et paradoxalement vous restera sur l’estomac. Vous ne pourrez alors pas jouir du plaisir divin que vous vous promettiez.
La ruée vers l’Or de notre belle Sologne suppose de marcher sur des œufs afin de pouvoir sereinement les casser ensuite. C’est en gardant sa langue que l’on parvient à la régaler ensuite et à s’offrir cette fricassée de girolles qui est le trésor de nos sous-bois. Par contre, si vous n’êtes pas du pays, si vous comptez vendre votre récolte, si vous vous comportez comme un gougnafier en venant avec un râteau et en arrachant ce précieux trésor, passez votre chemin, fuyez la zone avant que l’on ne vienne vous botter le derrière ou bien le parsemer de gros sel.
La ruée vers l’Or est affaire d'initiés et de fidèles, de gens respectueux de dame Nature, d’esthètes et de gourmets qui consentent à quelques entorses au principe de la propriété privée mais qui ne commettent jamais crime d’hérésie. La girolle se déguste, se prépare avec amour, accompagne un plat de viande, se mange en buvant un délicieux vin de Loire. Il existe certes des chapelles différentes, il y a aussi les adeptes de l’ail, les tenant des échalotes. Il y a encore les inconditionnels de l’œuf et les gourmands qui préfèrent l’accompagnement d’un gibier avec quelques pommes de terre.
Maintenant vous savez tout de notre Ruée vers l’Or. Gardez-vous bien de vous en mêler. Préférez donc vous rendre dans nos délicieuses auberges. La note sera moins salée que de mauvaises rencontres dans les bois et le maître queux saura mettre en valeur ce fabuleux trésor. Bon appétit à tous !
Sylvestrement vôtre.