Gare (du Nord) au gorille... réponse au « Train sifflera deux fois »

par todoynada
mardi 3 avril 2007

Ceci est une réaction à la tribune libre de Monsieur Bilger, magistrat de la République, intitulée « Le train sifflera deux fois » ; une seconde tribune libre m’a semblée préférable à une simple réponse, tant les positions défendues par M. Bilger sonnent et résonnent en ces temps de choix de société.

Monsieur Bilger,
on l’aurait presque oublié : ceux qui, dans ce pays, contribuent à mettre le feu aux poudres, ce sont parfois ceux qui ont toujours leurs titres de transport en règle, ainsi que des situations confortables, et des convictions bien arrêtés qui semblent - pour eux - aller de soi ; ils portent parfois, comme vous, la robe de magistrat.

Dans leur vision du monde, il y a des "multitudes de jeunes gens qui traîn[...]ent gare du Nord selon leur habitude" (M. Bilger est-il un usager assidu et observateur de la Gare du Nord ?)- ce sont des "bandes", qui ont "l’habitude déplorable [...] de casser du flic"- pour tout dire ils représentent "[le] pire et [le] détestable" (je vous cite toujours), auquel doit s’affronter la police, loin de "[vos] cabinets, bien à l’abri du réel " (sic : nous ne vous l’avons pas fait dire).

Vous insistez lourdement dans votre tribune sur la responsabilité totale, lourde, et unique de celui que vous appellez " Angelo H" - Le Monde, dans cet article, lui, l’appelle au moins par son nom entier : Angelo Hoekelet - c’est bizzare, écrit en entier, son patronyme sonne, sinon "gaulois", au moins plus "européen" ; en tout cas on a déjà davantage l’impression d’avoir à faire à une personne, plutôt qu’à un fantasme. Quand on apprend qu’il est né en 1974, arrivé en France en 1985, on peut également se demander si à 33 ans, on est encore un "jeune" ? et lorsque l’on habite (légalement, faut-il vous le rappeller, à vous l’homme de loi ? ) depuis 23 ans, oui, 23 ANS, en France, est-on un "étranger" ? Et lorsque non content de présumer ce "Monsieur H" coupable, forcément coupable (on eût aimé sous la plume d’un magistrat voir rappeler la présomption d’innocence), vous vous permettez de jeter en pâture à vos lecteurs l’évocation de son passé judiciaire, le même article du Monde, lui, éclaire un peu plus notre lanterne sur "les antécédents judiciaires d’Angelo Hoekelet. Outre quinze signalements policiers sans suite pénale, l’homme compte sept condamnations : des vols de nourriture et d’ustensiles de cuisine dans un Monoprix et un Prisunic ; des violences et insultes à agents de la force publique ; le port d’un opinel ; l’opposition à une expulsion... En mars 2003, il avait écopé de trois mois de prison pour "outrage à une personne chargée d’une mission de service publique et à un dépositaire de l’autorité publique"

Oui, c’est un homme qui n’aime pas la police, qui ne l’aime pas non plus, oui c’est un récidiviste. Un petit délinquant (vol au Monoprix !), pauvre, marginal peut être. Un voleur de pommes teigneux avec les forces de l’ordre, certes - mais un criminel dangereux au passé d’agitateur révolutionnaire ?!

Dans le monde réel, hors de vos cabinets, comme vous nous l’avez si bien dit, Monsieur le juge, il y a des gens qui ont peur de la police sans être de grands


criminels, parce qu’il n’ont pas la "bonne" couleur de peau, ni les "bons papiers" ; nous sommes nombreux à penser, dans ce pays, que les infractions pénales s’expliquent principalement par des situations sociales, des parcours de vie, et non pas des âges, des origines ethniques, et encore moins par "le Bien et le Mal", avec les majuscules, les vôtres, je vous cite toujours - vous m’effrayez, M. le juge - je pensais vivre dans un pays sous le régime de la séparation de l’Eglise et de l’Etat - "l’Etat détesté et honni" - ne vous en déplaise, M. Bilger, ce n’est pas un délit d’avoir des opinions anarchistes.

Nous sommes nombreux, également, à soupçonner que beaucoup de
grands criminels n’ont pas tellement peur de la police, ni de la justice ; ils ont, eux aussi, des titres de transport, des papiers en règle, des avocats bien introduits, des adresses et des patronymes qui en imposent ; de l’entregent, de l’argent - toutes ces choses respectables.

Si l’on vous suit, LE coupable de la Gare du Nord, c’est "Angelo H " surtout, et, un peu, "des minorités parfaitement identifiées et qui, laissées impunies, dégradent et attaquent, volent et brûlent et, par contagion, entraînent".

Mais, si ces individus sont si systématiquement violents ET parfaitement identifiés, c’est donc la responsabilité de la police et de la justice qu’il faut invoquer ? Si vous les dédouanez, ce ne peut être que parce que ni l’une ni l’autre, pendant toutes ces dernières années, n’avaient les moyens de faire leur travail ?! Ce serait donc, en fin de compte, les politiques qui ont une grosse part de reponsabilité ! MM Sarkozy et Clément sont donc, de votre point de vue, soit des mous incompétents, soit des gens responsables et conscients, mais encore trop bridés par des institutions (parlement, constitution...) et/ou une opinion publique décadentes et laxistes.

Pour qui roulez-vous, M. Bilger ?!

Que l’on me comprenne : je pense, comme l’immense majorité de mes concitoyens, que les lois sont, sinon toujours justes et repectables, en tout cas nécessaires et, en dernier ressort, à respecter et à faire respecter. Je pense profondément que la violence n’est ni normale, ni souhaitable ni à encourager. Je dis néammoins que c’est une lâcheté institutionelle, une faute politique grave, et une hérésie sociologique de prétendre que lorsque dans un pays éclatent périodiquement des émeutes antipolicières, c’est la faute aux "jeunes hommes désoeuvrés qui détestent la police".

Pourquoi ces jeunes gens sont ils désoeuvrés ?

Pourquoi détestent-ils la police ? Pourquoi la police les déteste-t-elle, M. Bilger ?

Parce qu’ils sont le Mal et parce qu’elle représente le Bien ?

Soyons sérieux, M. le juge ; vous êtes en France, pas dans ce pays libre et démocratique où un président à réussi - pour un temps, M. Bilger, seulement pour un temps - à faire croire à son peuple qu’il devait partir en guerre contre un ennemi désigné - sans preuve, M. le juge, seulement à cause du Bien et du Mal , de la multitude et de la couleur de la peau, de la violence "incontrôlable " et "inacceptable"- In God We Trust, disent-ils la bas, sur les billets de banque...

Nous sommes, vous et moi, M. le Juge, français ; vous n’êtes pas sans savoir que la devise et les valeurs fondamentales de notre république, nous les avons héritées de la Révolution française de 1789 ; vous rappellerai-je, M. le juge, que cette révolution fut impulsée en actes par des bandes de jeunes gens, incultes souvent, n’appartenant pas à la bonne société, gouailleurs, indignés et violents. Eux non plus n’aimaient guère la police du roi, ni l’Etat arrogant, ni l’injustice quotidienne...


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