Le besoin de reconnaissance

par Adam Kesher
mardi 18 octobre 2005

Vu sur Mubility, une prochaine expo londonienne représentant des hommes et des femmes dans leurs moments d’intimité.

A l’heure de la télé-réalité, des webcams et des blogs perso, faut-il se demander la raison de ces grands déballages intimes ?

A vrai dire, probablement pas : ils ne sont qu’un corollaire d’un besoin que nous ressentons tous : celui de la reconnaissance personnelle. Et ils s’expliquent donc très facilement.

Chacun ressent un besoin de reconnaissance. De façon plus ou moins intense, auprès d’un public plus ou moins large. Pour certains, c’est un besoin de reconnaissance de la part de ses parents. Pour d’autres, c’est un besoin de reconnaissance social. Ce n’est pas une question d’intelligence. Certains individus brillants sont encore plus assoiffés de reconnaissance que la moyenne.

Ce besoin est d’ailleurs très important, puisqu’il sert de motivation à une progression des individus dans leur travail, qui ne s’explique ni par la passion, ni par la rémunération. Autrement dit, la nature humaine (ou est-ce le système social ?) sert particulièrement bien les besoins des entreprises.

Et pour d’autres, c’est donc un besoin de reconnaissance publique. Le déballage de son intimité peut y conduire plus facilement que son talent personnel. Mais qu’y a-t-il de nouveau dans le phénomène ? Le besoin de reconnaissance, ou la satisfaction de ce besoin ?

Il me semble que c’est vers la deuxième hypothèse qu’il faut pencher. Internet et la télé-réalité n’ont pas créé des besoins, ils y ont répondu, et continueront à le faire. On n’empêchera pas l’homme (occidental ?) de rêver qu’on s’intéresse en priorité à lui. L’individualisme, prôné par la société, et inscrit dans des textes comme celui du Traité de Rome, favorise cette inclination.

Un besoin satisfait, est-ce une bonne nouvelle ? En principe, oui. Et dans ce cas précis, cela peut l’être. Je ne parle pas ici de la télé-réalité, qui se perd dans les abîmes de la bêtise collective, mais des blogs perso, qui peuvent être construits intelligemment. Mais pour tous les individus qui exposent leur intimité (personnelle, corporelle, intellectuelle), il existe ce risque, souvent mal perçu au départ, de ne pas voir venir les coups.

L’exposition comporte un risque. On ne dit pas « vivons heureux, vivons cachés » pour rien. J’ai déjà évoqué la légende d’Icare sur ce blog, elle me paraît si appropriée... Icare, s’approchant trop près du soleil, voit la cire de ses ailes fondre, tombe dans la mer et se noie.

Le « progrès » pour la société, sur cette question, réside-t-il dans un moindre individualisme ? Oui, mais cela appelle une révolution. Réside-t-il dans la meilleure sensibilisation des individus à ce que l’on risque quand on s’expose ? Oui, aussi, certainement.

Je me pose une dernière question : si les individus ressentaient déjà ce besoin de reconnaissance, avant Internet et la télé-réalité, qu’en faisaient-ils ? N’étaient-ils pas davantage tentés de tout donner pour leur employeur ? L’avènement du blog perso, qui peut profiter à un bien plus grand nombre d’individus que les lumières de la télé-réalité, n’est-il pas une mauvaise nouvelle pour les entreprises ?

En satisfaisant leur besoin de reconnaissance sur Internet, les individus ne vont-ils pas effectuer un « transfert », et prendre de la distance avec leur employeur, voire avec leur vie sociale ? On peut arguer qu’ils utilisent les blogs perso parce que leur entreprise n’est pas capable de leur offrir cette reconnaissance ; mais il me semble que l’un peut ne pas empêcher l’autre.


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