L’affaire Benalla va-t-elle devenir le Rainbow Warrior du quinquennat Macron ?

par Laurent Courtois
lundi 11 février 2019

En 1985, le premier septennat de François Mitterrand est éclaboussé par une grande pantalonnade donnée par la DGSE, selon certains pour tenter de faire chuter le président. L’apparition d’espions semble inéluctable dans la saison 4 de l’affaire Benalla. Si cela, se révélait le cas, de nombreux grands de ce monde, dont Mohamed Ben Salmane risquent de s’agacer….
 

Dans le puzzle que constitue l’affaire Benalla des pièces manquent. Ceci est mis en évidence par trois incohérences : le rôle de Chokri Wakrim, l’accusation de trahison de la société Velours à l’encontre de la société Mars et l’apparente absence de motivations légales de la tentative de perquisition à la rédaction de Médiapart.

Les incohérences du dossier :

 

La première, Chokri Wakrim est un militaire qui travaille à plein temps pour un oligarque russe. Ce point a été révélé par plusieurs médias français. Ainsi, lit-on dans le JDD :
"Ce sergent-chef de l'armée de l'air appartient à un service sensible, le commandement des opérations spéciales (COS), mais il en a été suspendu au début de ce mois, à la suite des révélations de presse. ". L’Express, nous apprend que "(le) Compagnon de la cheffe du groupe de sécurité du Premier ministre elle-même mise en cause dans cette affaire, "Chokri Wakrim a été convoqué aujourd'hui par le ministère des Armées et suspendu à titre conservatoire de ses fonctions, avec effet immédiat, en attendant que la lumière soit faite sur ces allégations" parues à son propos dans Libération, a indiqué le mininstère de la Défense ". 

Quel est le statut réel de Chokri Wakrim ? Est-il un militaire d’active ou un réserviste en activité ?


Dans le cas de la deuxième possibilité, il ne peut qu’appartenir à la réserve opérationnelle du COS. Les membres (au nombre de 400) de celle-ci, interviennent dans des "Missions d’Environnement ", dont le but est de collecter le maximum d’informations sur les activités culturelles, économiques, sociales et stratégiques sur les terrains d'opérations. Après avoir lu cela, on commence à se poser des questions…

S’il s’agit d’un militaire d’active, son activité professionnelle hors service est régie par le décret du 24 septembre 2008. Ce dernier fixe les listes des professions qui peuvent être exercées par les militaires d’active en dehors du service. La profession de "garde du corps " en est exclue, mais pas selon l’alinéa 9 : "les activités sportives d'enseignement, d'animation, d'encadrement et d'entraînement exercées au profit d'une entreprise ou d'une association " le sont. Ceci, explique l’objet social incongru ("entretien corporel"), souligné, dans une question demeurée sans réponse par les journalistes de Libération Emmanuel Fansten et Ismaël Halissat. De plus, pour toute nouvelle activité, le personnel concerné doit en faire la demande officielle.

Le sergent-chef Wakrim a donc tenté de dissimuler la véritable activité de la société créée le 9 juillet, ceci pour évaporer les 300.000 euros du "contrat-russe". On pourrait donc en déduire que le sous-officier a cherché à dissimiler à ses supérieurs sa nouvelle activité, mais d’autres éléments contredisent cette hypothèse.

Concernant, sa réelle situation professionnelle, la réponse nous est apportée par "Le Monde", Chokri Wakrim est "en poste au très sensible commandement des opérations spéciales COS" à Vélizy-Villacoublay (Yvelines).

Il en découle une question simple : comment un militaire basé en région parisienne peut-il exercer un poste de garde du corps à Monaco ? Ceci à l’insu de ses supérieurs qui sont censés être la crème de la crème du renseignement français.

La seconde incohérence concerne les relations entre les sociétés "Mars " et "Velours Sécurité ".

La société "Mars " a été créée par Alexandre Benalla et Vincent Crase le 22 août 2018 pour se lancer en Freeland dans le marché très lucratif de la protection rapprochée des ultra-riches. Malheureusement pour eux, un fait extraordinaire vient contrarier leur plan. Le CNAPS (Conseil Nationale des Activités Privées de Sécurité) refuse à Vincent Crase (né en 1973) son accréditation de dirigeant d’entreprise de sécurité. Ce refus est d’autant plus surprenant que sous la Présidence de l’omnipotent, l’omniscient, l’omnivore Alain Bauer, 90 % des demandes ont reçu une réponse favorable. Il est à noter que ce taux élevé n’a pas manqué d’interroger la Cour des Comptes…
Suite à ce surprenant refus, "Mars ", ne peut donc pas employer les sept militaires et ex-militaires (ou « 7 Mercenaires encore quelques noms et la presse pourra parler des 12 salopards) qu’elle avait recrutés. Il se met alors en place, un montage avec la société Velours qui sous-traite le "contrat-russe " pour un montant de 195.000 euros. Cette même société avait employé Alexandre Benalla de 2013 à 2014 en outre pour assurer la protection de Mohamed Ben Salmane al Saoud alors simple prince héritier. Le garde du corps proche de Macron aurait-il aussi tenté de négocier au dépend de son ancien employeur un "contrat-saoudien " ? Ce qui expliquerait bien des choses…

Donc, tout avait l’air simple entre les deux sociétés, du moins jusqu’à ce vendredi 8 février, où la société Velours parle de trahison. Ainsi, Ouest-France nous apprend que les dirigeants de la société déclarent :

"Rien ne sera laissé au hasard dans la transparence déployée (par Velours) pour que chacun puisse factuellement constater l’ampleur de la trahison dont elle a été victime par des collaborateurs qui ont gravement failli, en lui fournissant des informations qui se révèlent aujourd’hui manifestement frauduleuses ", ajoute le groupe qui promet de collaborer «  pleinement avec les services de police et la justice ".

«  Dès la signature du contrat, Velours s’est plaint du fait que Vincent Crase voulait garder la maîtrise commerciale de ce contrat et refusait que l’équipe de Velours n’entre en contact avec son client "

Les cinq collaborateurs «  ont tous menti en faisant des faux en écriture " lorsqu’ils ont signé leurs contrats avec Velours, en disant «  ne pas être liés à d’autres employeurs ", a assuré l’entourage de la société. "

C’est ce dernier extrait qui pose interrogation. Qui sont les autres employeurs ? L’évidence nous ferait répondre "Mars ", mais cela le Groupe Velours ne l’ignore pas. Alors qui ? La réponse, nous est apportée par "l’affaire Chokri Wakrim", ces autres employeurs sont donc l’État Français, le Ministère de la Défense, etc... Ceci, pose un grave problème déontologique à la société José Bouille (nouveau patron du Groupe Velours en replacement de Jean-Maurice Bernard) qui pourrait lui être fatal. En effet, quel avenir aurait-elle s’il se révélait qu’elle servait involontairement à placer des espions dans le proche entourage des grands de ce monde ?

Cette hypothèse expliquerait la troisième incohérence du dossier  : la tentative de perquisition des locaux de Médiapart. Celle-ci a eu lieu alors qu’aucune plainte pour violation de la vie privée n’a été déposée par les trois personnes présentes le 26 juillet. En réalité, ce serait la vie privé de l’État qui aurait été violée, ou plutôt le Secret Défense, lors de l’enregistrement partiellement diffusé par Médiapart. Le saucissonnage dudit enregistrement transmis par "une main innocente", "un ami qui vous veut du bien" et dont seules les parties diffusées ont étés transmises à la justice doit aussi poser question. Est-ce une volonté commerciale (sortir les scoops à la chaîne), une manipulation, ou un moyen de protéger un tiers ?

Au rythme où vont les révélations, Iskander Makhmoudov risque de passer de suspect à victime d’espionnage et l’affaire Benalla de continuer à distraire les foules et faire sortir de l’actualité les Gilets Jaunes.

 


Lire l'article complet, et les commentaires