Les gains de productivité, sûrement !

par Orélien Péréol
mercredi 15 février 2023

Il existait au bac, avant la dernière réforme, une filière ES (Économique et sociale) liée à une discipline, les Sciences économiques et sociales, qui n’existe pas à l’université, où elle est scindée en sociologie et économie. Les notions enseignées dans cette discipline sont des notions de base quant au fonctionnement de la société, que tout citoyen, puisqu’il a un droit de vote, devrait connaître pour ne pas être dépassé par les situations, discours et décisions économiques. Il me semble être une nécessité politique d’apprendre ces sciences économiques et sociales dès le primaire.

A propos de la réforme des retraites, on lit des propos économiques qui ne correspondent à aucune réalité. Ce sont des propos qui mettent du baume au cœur des manifestants ; ce sont des propos qui correspondent aux désirs des opposants à ladite-réforme qui bloquent le débat par leur inconsistance… leur inconsistance rend le débat inconsistant.

En voici deux :

Un dessin humoristique de Babouse, paru dans le « Dauphiné libéré » qui m’est parvenu par le web dit que le gouvernement pose une question impossible avec cette réforme « comment faire plus avec moins ? », la réforme serait de l’ordre d’une injonction paradoxale. On peut se demander de quoi on parle, de quoi est fait ce plus qu’il faudrait faire avec moins et, réciproquement, en quoi consiste ce moins qui ne peut advenir d’un plus.

Mais surtout, faire plus avec moins, dans le domaine de la production, est le chemin que les hommes ont pris avec succès depuis leurs débuts.

On fait « plus avec moins » avec « les gains de productivité ». « Gains de productivité » et « faire plus avec moins » sont équivalents, cela revient au même. Lesquels « gains de productivité » jouent un rôle discret et magistral dans le rapport du Conseil d’Orientation des retraites : les différents scenarios sont reliés à différentes hypothèses sur les gains de productivité du travail. La réforme des retraites est dans doute une horreur mais on ne peut pas suggérer n'importe quoi en prétendant la contrer. On ne peut pas suggérer que la réforme provient d’imbéciles qui ne comprennent rien. On a toujours tort de prendre ses ennemis ou ses opposants pour des cons. C’est jouissif de prime abord mais comme ils ne sont pas plus idiots que les autres, si on baisse la garde et argumente de n’importe quoi, cela leur profite.

 

En agriculture, par exemple, les gains de productivité ont été magistraux, tout le monde le voit et le sait. En 1982, il y avait 1,6 million d'agriculteurs et 310 000 ouvriers agricoles ; en 2019, 400 000 agriculteurs et 250 000 ouvriers agricoles. Côté production : Entre 1815 et 1940, le rendement moyen national du blé montre une progression régulière mais modeste, passant de 8-10 q/ha avant 1850 à 12-14 q/ha avant 1945. En 2022, on en est à 83 quintaux/hectare. Comment faire plus avec moins ? en faisant des gains de productivité. ça n'est pas une question idiote d'un gouvernement idiot.

Le plus et le moins dont il s’agit semblent bien être la production, c’est-à-dire la consommation : Si on produit plus, on consomme plus. Cependant, dans les contradiction courante des hommes, on peut « en même temps », être contre la société de consommation et lutter pour consommer plus.

 

Dans le même ordre d’idées fausses, Gérard Filoche fait passer : « Ne dites jamais : « un patron vous donne du travail » un patron ne donne jamais rien il achète votre force de travail et il fait le maximum de profit dessus ce n’est pas lui qui vous paie, c’est vous qui le payez. » C’est pareil, ça vient tout seul sur mon compte FB.

C’est une incompréhension absolue de ce qu’est le travail. Le travail est une activité sur un capital qui crée du capital.

La caractéristique de l’activité travail, c’est qu’elle donne plus que ce qu’elle met en œuvre. Avec le travail on a un acquis. Réciproquement, pour travailler, il faut quelque chose de déjà-là : un terrain, une maison, des outils…

C’est parce que le travail s’exerce sur un capital que la richesse de l’humanité a crû si lentement au début : il n’y avait pas de capital pour exercer un travail vraiment profitable. Les hommes vivaient « à flux tendus » dans les termes économiques actuels, sans réserves, ni pour le lendemain, ni pour les coups durs… Ils ont réussi, en des millions d’années, à tirer de la nature des éléments stables et durables, des objets… sans doute, ont-ils commencé par les pierres taillées… et plus ils en ont eus, plus ils ont été capables d’en avoir plus encore, et de meilleure performance ! Jusqu’à atteindre les limites de la planète (maintenant).

Il y a trois formes de capital : la nature (oubliée dans l’analyse économique) ; le capital technique : les outils, les machines, les réseaux de diffusion et de commerce ; et la finance. C’est le travail qui fait fonctionner les capitaux, c’est sûr.

Le surplus que le travail produit s’appelle la plus-value ou la valeur ajoutée. La répartition de cette valeur ajoutée entre les travailleurs et les propriétaires est l’objet de la politique. C’est une question conflictuelle.

La propriété collective du capital par les travailleurs, qui était censée résoudre cette tension d’inégalités et d’injustices, perdue d’avance pour les travailleurs, a été essayée à grande échelle et a été abandonnée au vue de ses mauvais résultats.

Après les trente glorieuses, qui n’ont pas été vécues dans la joie et la bonne humeur, il ne faut pas croire… le partage de la valeur ajoutée a été de moins en moins bon pour les travailleurs, c’est certain.

Mais on ne peut pas dire que les travailleurs produisent tout seuls et que les propriétaires du capital sont payés par les travailleurs, alors que ce qui apparaît (que les patrons paient leurs employés) est faux.

Il faudrait commencer tôt à s’occuper d’économie et de société, dès la primaire.

Raisonner juste avec des concepts adaptés à ce qui est aiderait grandement à la diminution des problèmes.


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