Aux plumes, citoyens !

par Marie-Christine Poncet
dimanche 18 septembre 2005

Prenons la connotation révolutionnaire du titre de cet article avec humour, personne ne veut tuer personne...Néanmoins, on sent actuellement l’émergence d’un affrontement intellectuel, entre ceux qui sont attachés à une presse professionnelle, à ses certifications, à ses processus de contrôle, et d’autres qui se sentent happés par le plaisir et l’intérêt qu’il y a à écrire / lire des textes, informatifs parfois, explicatifs parfois, argumentatifs toujours, proposés par des citoyens. L’incontestable dynamisme des échanges est un fait. Que la langue française soit un peu torturée ou un peu parasitée par des erreurs d’expression est un fait corrélé. Que souhaitent les rédacteurs, et que souhaitent les lecteurs, à propos des caractères du langage utilisé en ligne ?

Des journalistes professionnels s’inquiètent du vigoureux développement des échanges d’articles mis en ligne par des citoyens-rédacteurs -ne trouvez-vous pas d’ailleurs que ce retour du mot citoyen a un petit quelque chose de révolutionnaire ? Oh, non, ni cocarde, ni sang, mais, oui, un soulèvement de l’esprit qu’il est intéressant de chercher à analyser. Alors ceux qui sont passés par les académies du recrutement, écoles de journalisme et autres formations qualifiantes, parfois, s’énervent : les rédacteurs-citoyens seraient par exemple présomptueux, ou inconscients, victimes d’une hypertrophie de leur ego, ou incultes au point de ne pas percevoir les incompétences de leur plume. Bref, tout ce qui est journal -papier, télévisé, radiophonique, Internet- ne pourrait conserver crédibilité, sérieux et titres de noblesse qu’en restant produit dans le domaine réservé de la profession.

Le foisonnement des plumes citoyennes pose plusieurs problèmes : celui de la fiabilité des sources, celui de l’avenir de la profession de journaliste... intéressons-nous ici à un seul de ces problèmes, celui des torsions de la langue française. Depuis quelques semaines je me penche sur la correction des articles mis en ligne sur AgoraVox : qu’observe-t-on ? Deux choses : la première, c’est qu’il y a, allez, disons beaucoup d’erreurs de routine : coquilles, dérapages sur le clavier, négligences sur les accords, les accents...ces erreurs parasitaires n’appellent qu’une correction mécanique. En revanche, et c’est la deuxième observation, parfois, on est coincé par un problème de vocabulaire ou de syntaxe -d’organisation de la phrase- : oh il ne s’agit pas de la familiarité de l’expression, non, quand on est coincé, c’est que le sens est bloqué : alors le correcteur est pétrifié -mais oui !- : changer un mot dit « impropre », soit inadapté au contexte, ce n’est pas si facile : on sait bien que la synonymie rigoureuse n’existe pas : ne pas trahir, vieux souci des correcteurs et traducteurs ! Et les rugosités syntaxiques -voire carrément les incorrections grammaticales...que faire ? Parfois on peut réécrire la phrase sans trop de soucis, mais souvent quand on le fait, on incline le sens, on met en valeur autre chose que ce que l’auteur tenait à faire ressortir...délicate manipulation. Et si problème il y a, c’est parce que le journal en ligne est une situation de communication particulière. Qu’attendent les lecteurs ? Quelles formes du langage permettent l’agrément ?

Quand le lecteur internaute repère des erreurs d’expression, il bute, se rebute, et le site a mauvaise presse...normal, ça ne fait pas sérieux -on a baigné, bien souvent, dès le berceau, dans un discours moralisateur sur le langage : c’est « mal » de faire des « fautes » qu’on appelle parfois « barbarismes » (mais non, personne n’est « barbare » !!!)...-. Donc je crois que tous s’accordent sur la nécessité d’une expression considérée comme convenable.

Mais... trois soucis :

Alors voilà, le correcteur navigue entre deux écueils : ne pas grever par de trop grandes tolérances la reconnaissance sociale du journal en ligne (il ne s’agit vraiment pas de « faire peuple » !), et ne pas ternir les couleurs des langages utilisés, ne pas en étouffer les rythmes, ne pas les opacifier. D’où le choix de conserver certaines fantaisies stylistiques...mais ce choix est discutable, et délicat, toujours. Il faudrait aussi, je crois, réfléchir à la disposition des textes, peut-être un peu conventionnelle encore. Mais quelles que soient les difficultés de la correction, lire les articles est toujours un bonheur ! Qu’en pensez-vous ?

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