JO d’hiver : faire participer l’Afrique

par Brady
mercredi 8 mars 2006

Point de polémique, le titre a été inspiré par un film : « Les blancs ne savent pas sauter », sur l’histoire d’un basketteur blanc de peau... C’est aussi le résumé d’une lettre que Jacques Rogge, président du CIO, a adressée à Lamine Gueye, président de la Fédération sénégalaise de ski...

"L’important, c’est de participer", Pierre de Coubertin.

On se souvient du film Rasta Rockets, inspiré de l’histoire vraie de la création de l’équipe de bobsleigh de la Jamaïque, présente à Calgary et à Albertville, au milieu de nombreuses délégations exotiques guère réputées pour leurs hivers rigoureux : Egypte, Iles Vierges, Costa Rica, Kenya.... et Sénégal. Le porte-drapeau, Lamine Gueye, invité sur Direct 8 dimanche après-midi, était à l’époque l’un des deux membres de la Fédération sénégalaise de ski, dont il est actuellement le président. Il faut dire qu’en 1992, chaque fédération pouvait envoyer jusqu’à 4 athlètes par discipline et en ski alpin, à condition d’accomplir des minimaux, le Sénégal étant ainsi à égalité théorique avec l’Autriche. Ce qui valait aux téléspectateurs de suivre les descentes des Patrick Ortlieb, Franck Picard... et dans un bêtisier, les descentes plus exotiques des champions chypriotes, marocains et sénégalais (certains d’entre eux n’hésitant pas à remonter la pente en cas de chute ou de porte ratée juste pour le plaisir de terminer...). Lamine Gueye ne sera pas ridicule, vu qu’il finira à 18 secondes du premier. C’est un énorme écart par rapport aux meilleurs, dans un sport où les 10 premiers se tiennent en 2 secondes, mais cela ne représente finalement qu’un écart de 8 km/h en terme de vitesse moyenne, pas mal, vu les faibles moyens de sa fédération...

Malheureusement, les règles de sélection sont ensuite devenues de plus en plus strictes, jusqu’à imposer la présence exclusive d’athlètes classés parmi les 500 meilleurs mondiaux. Ou alors, pour les fédérations incapables de classer un sportif parmi les 500 premiers, il y a possibilité de dérogation pour l’envoi d’un seul athlète. D’où un premier choc pour Lamine Gueye et l’ensemble des représentants de petits pays : à l’heure où les JO ouvrent de plus en plus l’accès aux professionnels (à travers la venue des milliardaires de la NHL pour le tournoi de hockey sur glace), les représentants de pays exotiques, venus uniquement pour le plaisir de participer à la fête du sport, sont de plus en plus exclus. Il y a même une discrimination dans le traitement ; Gueye critique aussi violemment le fait que selon que l’on est Autrichien ou Africain, on ne soit pas logé à la même enseigne : les premiers ont droit aux hébergements les plus proches des sites de compétition, les deuxièmes doivent parfois faire plus de 75 km entre leurs hôtels et les sites !

Lamine Gueye a écrit une lettre au CIO. Réponse de Jacques Rogge, président du CIO : "Un pays qui n’a pas de climat et de géographie favorables à la pratique de sport d’hiver ne devrait pas être traité sur un pied d’égalité avec les autres". Et pour quelles raisons ? L’important n’est-il plus de participer ? Les JO doivent-ils ne plus être que les repères de professionnels, de sponsors, de médias, et perdre l’esprit fraternel et convivial de ses fondateurs dont Jacques Rogges devrait être le successeur ? Le spectacle pâtirait-il de la présence d’athlètes sympathiques souvent applaudis (parfois même bien plus applaudis que les champions) ? Les champions en souffriraient-ils ?

Le multi-médaillé Bjorn Deahlie était resté plus d’une heure en bord de piste après une de ses victoires en ski de fond aux JO de Lillehamer 1994, en dépit du froid qui y régnait. Pour quelle raison ? Tout simplement pour attendre le dernier concurrent, un Kenyan, et le féliciter. Dommage que les officiels aient perdu l’esprit olympique que quelques grands champions ont encore...


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