Le duel Schumacher - Newey (1994-2004)

par Axel_Borg
samedi 20 octobre 2018

Orpheline de Prost (retraité fin 1993) et Senna (décédé au printemps 1994 à Imola), la F1 s’est ensuite axée sur un duel original, entre le meilleur pilote du monde, l’exceptionnel champion allemand Michael Schumacher, et le meilleur ingénieur du paddock, le créatif et insatiable Adrian Newey. Chacun de ces deux hommes allait être impliqué dans la conquête des onze titres pilotes mis en jeu entre 1994 et 2004, avec les écuries Williams, Benetton, Ferrari et McLaren.

Le duel au couteau entre Michael Schumacher et Adrian Newey symbolise l’évolution de la F1 moderne, celle des ordinateurs, des relevés télémétriques et des succès gagnés tout autant par le pilote que par la passerelle de commandement (via la radio), le bureau d’études et par l’usine, cheville ouvrière du développement de la monoplace. A l’heure de la technologie, le bras de fer entre écuries se fait aussi bien à Monza, Spa Francorchamps, Suzuka, Interlagos ou Silverstone qu’à Maranello, Fiorano, Woking, Milton Keynes, Brackley, Enstone, Viry-Châtillon ou Grove, la plupart des sites faisant partie de ce qu’on appelle la Silicon Valley de la F1, sur le territoire de la Perfide Albion (triangle d’or Oxford / Northampton / Milton Keynes) ...

D’un côté, le champion allemand, qui a élevé au pinacle l’art du pilotage à haute vitesse fondé sur une triple clé de voûte : un sens inné de la trajectoire et des limites comme les plus grands as du passé, une redoutable capacité d’analyse technique et de mise au point avec les ingénieurs (Ross Brawn et Rory Byrne chez Benetton puis chez Ferrari) et enfin une condition physique optimale, le Kaiser demandant à Ferrari une salle de musculation à Fiorano, dans la lignée de l’enseignement sportif et diététique de Willy Dungl (ancien gourou de Niki Lauda) lors de ses années chez Mercedes (1990-1991).

De l’autre, un gourou de l’aérodynamique, un ingénieur fécond comme les meilleurs du passé. Le cerveau plein d’imagination de Newey, qui avait débuté en 1980 à chez Fittipaldi Cosworth, se révéla en 1990 au Castellet quand la March Leyton House d’Ivan Capelli faillit battre Prost et Senna sur le billard provençal du Paul-Ricard. Si le Brésilien de McLaren Honda fut devancé par le pilote italien, le Français s’offrit la victoire à domicile. Mais Adrian Newey était propulsé dès 1991 chez Williams Renault aux côtés de Patrick Head … Et comme ses plus glorieux prédécesseurs, il cherchait la faille des règlements techniques …

Entre 1994 et 2004, chacun des deux hommes s’est constitué un palmarès colossal.

Concernant Michael Schumacher, le pilote allemand a remporté 7 championnats du monde des pilotes (1994, 1995, 2000, 2001, 2003, 2004) et 81 victoires (17 avec Benetton, 64 avec Ferrari) pendant ces onze saisons, 91 au total (soit autant de titres que Prost et Senna cumulés, 3 et 4 respectivement, et une victoire de moins que les deux titans, 51 et 41 soit 92).

Adrian Newey, lui, a vu ses monoplaces de la période 1994-2004 remporter 4 championnats du monde des pilotes (1996 avec Damon Hill, 1997 avec Jacques Villeneuve, 1998 et 1999 avec Mika Häkkinen), 4 titres des constructeurs (Williams 1994, 1996, 1997, McLaren 1998) et 63 victoires (32 victoires avec Williams de 1994 à 1997 même si les 8 victoires de 1997 ont été conquises en l’absence de Newey, qui avait cependant dessiné la FW19 avant de quitter Didcot, et 31 victoires avec McLaren de 1998 à 2004, l’écurie de Woking ayant recruté Newey dans l’optique de la saison 1998 où il fit mouche via la superbe MP4/13). Au total, de 1990 à 2018, le palmarès complet de Newey est colossal avec 10 titres des pilotes (Mansell 1992, Prost 1993, D.Hill 1996, J.Villeneuve 1997, Häkkinen 1998 et 1999, Vettel 2010, 2011, 2012, 2013), 10 titres des constructeurs (Williams-Renault 1992, 1993, 1994, 1996, 1997, McLaren-Mercedes 1998, Red Bull Renault 2010, 2011, 2012, 2013) et 137 victoires (59 victoires avec Williams de 1991 à 1997, 31 victoires avec McLaren de 1998 à 2004, 58 victoires avec Red Bull de 2005 à 2018).

Newey avait cependant contribué aux victoires de Williams entre 1991 et 1993 (27 succès acquis par Mansell, Patrese, Prost ou D.Hill) face à la McLaren d’Ayrton Senna (15 victoires entre 1991 et 1993 avec Woking) et à la Benetton Ford de Schumacher (2 victoires entre 1991 et 1993 avec Enstone), deux pilotes virtuoses moins bien équipés que les Williams-Renault d’alors, véritables fusées implacables.

Mais surtout, le pilote allemand comme l’ingénieur britannique furent des catalyseurs des écuries où ils sont passés. Newey comme Schumacher étaient des garanties de victoires ... Williams et McLaren ont bénéficié du virtuose coup de crayon du premier, Benetton puis Ferrari du magistral coup du volant du second.

Très rapidement, Adrian Newey fut considéré comme le meilleur aérodynamicien du plateau, devançant même Rory Byrne. Newey fut vite considéré comme l’égal des plus grands anciens parmi les ingénieurs ayant fait école en F1, de Rudolf Uhlenhaut (Mercedes) à John Barnard (McLaren, Ferrari) en passant par Colin Chapman (Lotus), Mauro Forghieri (Ferrari) ou encore Gordon Murray (Brabham, McLaren).

Délaissant Williams fin 1996, Adrian Newey put constater le déclin progressif de l’écurie de Didcot en 1997. Privé du concours de son ingénieur vedette, Patrick Head vit toute l’impuissance de son bureau d’études à régler correctement la dernière merveille de Newey, la FW19, l’ingénieur ayant protégé les données par un coefficient mathématique connu de lui seul.

Bien née, l’ultime monoplace de l’association Williams-Renault fut pilotée avec brio et panache par Jacques Villeneuve, qui le mena au titre de champion des pilotes à Jerez, après un Grand Prix d’Europe où le Canadien se tira des griffes de Michael Schumacher, qui termina la saison 1997 dans la peau du co-favori, alors qu’il l’avait entamée comme premier outsider du Québécois ...

Quand Renault quitta Williams fin 1997, l’écurie anglaise était doublement orpheline ... de son prestigieux motoriste français et de son ingénieur vedette, recruté par Ron Dennis pour redresser McLaren. Sans le Losange (même si le moteur Mecachrome était l’ancien V10 Renault figé dans son développement), Williams sombra en 1998, avec une FW20 qui n’avait pas été dessinée par Newey.

Délivré des obligations du championnat en cours (1997), Newey put se consacrer au dessin de la monoplace future de Woking dans l’optique de 1998. Etudiant avec soin le nouveau règlement technique de la FIA (voies étroites et pneus rainurés), Newey dessina une merveille avec la MP4/13, couplée à un sublime moteur V10 Mercedes, petit bijou signé de Mario Illien. Et comme Bridgestone axait ses efforts sur sa nouvelle écurie de pointe face au clan Good Year représenté par Williams et Ferrari, 1998 appartint au phénix McLaren, dont les flèches d’argent furent couvertes d’or à Suzuka, après un suspense exceptionnel que personne n’aurait cru possible au soir de la manche d’ouverture de Melbourne.
 

Ecrasant la concurrence avec leurs freins directionnels par la suite interdits par la FIA (dès Interlagos), les MP4/13 de Häkkinen et Coulthard avaient fait si forte impression que les observateurs rappelaient tous l’entrée en scènes des flèches d’argent de Mercedes conduites à la perfection par Fangio et Kling en 1954 sur le circuit de Reims.
 

De la Champagne à l’Etat de Victoria (Melbourne), de 1954 à 1998, Ron Dennis se voyait déjà en Alfred Neubauer ... Mais le patron de Woking eut fort à faire avec un rival d’exception comme Michael Schumacher, vainqueur de six courses en 1998 (Buenos Aires, Montréal, Magny-Cours, Silverstone, Budapest, Monza). L’Allemand pilota sa F300 avec panache, combativité et maestria, tirant la quintessence d’une Ferrari imparfaite. Le bolide écarlate, moins performant en début de saison du fait de la médiocre compétitivité des pneus Good Year, se redressa en fin de saison, le Kaiser signant 3 pole positions forte de ses gommes américaines à nouveau performantes, en Lombardie (Monza), dans l’Eifel (Nürburgring) et au Japon (Suzuka). Mais le titre échut à Mika Häkkinen, qui récompensa ainsi la créativité du cerveau génial qu’était Newey. Orpheline de Senna depuis fin 1993, McLaren avait trouvé un nouveau virtuose en la personne d’un ingénieur, Adrian Newey. Avec la MP4/13, en 1998, Newey avait atteint la quadrature du cercle.

En 1990, le jeune ingénieur anglais avait attiré l’attention de Patrick Head. Le directeur technique de Williams avait constaté le talent de Newey. Ingénieur aérodynamicien chez March, il avait dessiné une superbe monoplace. L’effet de sol de la March, parfait en théorie, avait failli offrir une victoire à Ivan Capelli sur le billard du Castellet. Finalement, le pilote italien avait du s’incliner contre Alain Prost (Ferrari) à deux tours de l’arrivée, le Français gagnant sur un de ses circuits fétiches (avec Jacarepagua et Estoril). Le revêtement parfait du circuit provençal convenait parfaitement aux qualités de la March, qui avait cependant échappé de peu à la non-qualification durant la manche précédente, exploitant très mal les bosses de l’autodrome Hermanos Rodriguez de Mexico ... En 1990, Newey découvrait l’écart entre théorie et pratique. Dès 1991, il devenait la clé de voûte des succès de Williams-Renault, véritable boîte à idées aux côtés du très conservateur Patrick Head.

1991 fut l’année où un jeune espoir allemand débarqua au sein de l’élite des pilotes. Propulsé par Mercedes, soutenu par Jochen Neerspach et Willi Weber, Michael Schumacher représentait le renouveau du sport automobile allemand. Plusieurs décennies après les joutes mythiques de Caracciola et Rosemeyer, Schumi faisait une entrée fracassante en F1 chez Jordan, à Spa Francorchamps, à l’endroit même où le dernier espoir allemand, Stefan Bellof, s’était tué en septembre 1985 au volant d’une Porsche. Très vite, le diamant brut qu’était Schumi fut recruté par Flavio Briatore pour Benetton. Le jeune Allemand impressionna tout le paddock en dominant son prestigieux coéquipier, le triple champion du monde brésilien Nelson Piquet, pendant qu’Eddie Jordan, Jochen Neerspach et Flavio Briatore étaient invités à un jugement de Salomon par Bernie Ecclestone au bord du lac de Côme dans le somptueux hôtel du Villa d’Este, ancienne résidence des cardinaux. Roberto Moreno, ami d’enfance de Piquet, avait fait le chemin inverse, de Benetton vers Jordan.
Très vite, Schumacher et Newey ont donc gravi les échelons jusqu’aux top teams, se faisant remarquer ... Quant à Flavio Briatore, il récidiva dix ans plus tard en remarquant un jeune Espagnol du nom de Fernando Alonso, vainqueur en F3000 sur le juge de paix de Spa Francorchamps. Fin 2001, Briatore arrachait Alonso à Jean Todt, alors que l’ancien copilote de Guy Fréquelin avait préparé un contrat de pilote essayeur pour le natif d’Oviedo en vue de la saison 2002 ... La rancoeur du patron de Ferrari envers Alonso fut tenace pendant des années, et l’Asturien succéda finalement au Kaiser Schumacher chez Ferrari en 2010 (après l’intérim de Kimi Raikkonen entre 2007 et 2009). 

Michael Schumacher, lui, enchaîna si vite les prouesses avec Benetton que personne ne tarissait d’éloges sur lui. Couronné champion du monde en 1994 et 1995 dans une F1 encore orpheline de Senna, le pilote allemand fut vite surnommé le Kaiser. Et Schumi releva le défi Ferrari pour montrer que ses victoires n’étaient pas dues à l’absence du tandem roi des années 1984-1993, Prost - Senna. Gravissant l’Everest par la face la plus difficile, le Baron Rouge redressa la Scuderia Ferrari dont le palmarès commençait à prendre la poussière. Aidé par Jean Todt, Ross Brawn et Rory Byrne, Schumacher porta Ferrari sur ses épaules avec toutes les qualités d’un grand pilote : vitesse naturelle au volant, capacité à fédérer un garage, intelligence tactique, préparation physique impeccable, habileté sous la pluie, sensibilité technique, mise au point ... Et l’Allemand devint alors l’idole des tifosi, ramenant le titre mondial à Maranello en 2000, atteignant le Graal attendu depuis 1979 par toute l’Italie.

Très vite, il ne fit aucun doute que Schumacher était bien le meilleur pilote de la décennie en cours, et qu’il était bien le grand pilote attendu par l’Allemagne depuis si longtemps, celui que Stefan Bellof n’avait pas eu le temps d’être, foudroyé par le destin en 1985 à Spa Francorchamps.

Il ne fit aucun doute non plus, très vite, que Michael Schumacher allait rejoindre au panthéon des pilotes d’une dimension exceptionnelle comme Tazio Nuvolari, Rudi Caracciola, Bernd Rosemeyer, Juan Manuel Fangio, Alberto Ascari, Stirling Moss, Jim Clark, Jackie Stewart, Ronnie Peterson, Emerson Fittipaldi, Niki Lauda, Gilles Villeneuve, Alain Prost ou encore Ayrton Senna. Génie de la course, capable d’enchaîner les exploits et de compenser les lacunes d’une monoplace, l’Allemand courut entre 1994 et 1999 en situation de handicap. Sa Benetton ne valait pas les Williams en 1994 et 1995, pas plus que sa Ferrari ne pouvait brûler la politesse aux Williams en 1996 et 1997 ni aux McLaren en 1998 et 1999. Et pourtant, dans cet intervalle de six saisons, Schumacher fut deux fois champion du monde (1994 et 1995), remportant un total de 33 victoires (17 avec Benetton, 16 avec Ferrari).

Cependant, malgré leur litanie d’exploits, Schumacher et Newey ont aussi connu l’échec dans leurs carrières somptueuses. Pour Adrian Newey, ce fut 2003, où la MP4/18 ne fut jamais alignée en course par McLaren. Ne passant pas le crash-test de la FIA, la nouvelle flèche d’argent de Woking fut une Arlésienne sans fin. Et Kimi Raikkonen dut batailler contre Michael Schumacher en 2003 dans le cockpit de la MP4/17D, ultime évolution de la monoplace 2002. Qui sait si Iceman n’aurait pas brûlé la politesse au Kaiser en 2003 avec la MP4/18 ? L’ogre allemand n’aurait alors pas remporté sa sixième couronne mondiale en 2003.
Septuple champion du monde de F1 en 2004, Schumi connut un échec retentissant en 2005. Mal préparé physiquement, le Baron Rouge dut se contenter du rôle de spectateur face à la nouvelle vague incarnée par Fernando Alonso (Renault) et Kimi Raikkonen (McLaren).

Le huitième titre de Schumacher devint vite utopique, la couronne 2005 se dsiputant entre le juvénile Espagnol et le placide Finlandais. Finalement, l’homme d’Oviedo remporta les lauriers, Schumacher avouant en fin de saison qu’il avait un peu négligé sa préparation physique, ce qui lui fut préjudiciable à 36 ans. Mais l’Allemand démarra 2006 sur les chapeaux de roue, préparant à 37 ans une de ses plus belles campagnes mondiales. L’échec du pilote de Kerpen fut encore plus vif pour son come-back en F1 en 2010.

A quarante ans passés, dominé copieusement par son jeune coéquipier chez Mercedes (Nico Rosberg), Schumacher eut le loisir de constater à quel point la nouvelle génération des Vettel, Hamilton et Kubica était forte, et combien Alonso et Button avaient mûri. Bien qu’il s’en défende et qu’il prétende qu’à son époque Häkkinen ou Montoya lui donnaient autant de fil à retordre, Schumacher sait que désormais l’ennemi s’est multiplié. Adrian Newey n’est plus son seul rival, il doit maintenant composer avec de jeunes pilotes talentueux aux dents longues. En 1994, orphelin d’Ayrton Senna avec qui un duel d’exception devait s’amorcer, Schumacher fut privé du combat des chefs, et affronta indirectement le meilleur ingénieur du paddock, Adrian Newey ... Sans l’archange brésilien disparu à Imola, sans Prost qui était un autre ambassadeur de prestige pour l’élite du sport automobile, la F1 se focalisa sur un autre duel, celui entre Schumacher et Newey.

Jamais, en tout cas, ces deux phénomènes n’ont été associés dans le même top team. Adrian Newey a cependant cotoyé de très grands pilotes, que ce soit Nigel Mansell, Alain Prost, Mika Häkkinen, Kimi Raikkonen ou Sebastian Vettel, sans oublier, trop furtivement, Ayrton Senna, disparu à Imola en 1994 dans le cockpit de la Williams-Renault FW16 dessinée par Newey. L’ingénieur fut même impliqué dans un procès instruit par la justice italienne au sujet de la mort accidentelle du champion brésilien.

Michael Schumacher, lui, a travaillé avec deux ingénieurs d’exception, Ross Brawn (Benetton, Ferrari, Mercedes) et Rory Byrne (Benetton, Ferrari), mais n’a donc jamais collaboré avec Newey, le seul homme capable de s’opposer à son destin pavé d’or en F1 ... Mais le Kaiser avait attiré la convoitise de Williams-Renault pour 1996. Rejoignant Ferrari, Schumacher avait aussi mis son veto à un contrat chez McLaren, Ron Dennis refusant de lui octroyer un statut de premier pilote. Jacques Villeneuve et David Coulthard héritèrent au final des baquets Williams et McLaren en question. Mais il eut été possible de voir Schumacher remporter des victoires sur une monoplace dessinée par Newey, que ce soit la Williams-Renault FW18 de 1996 ou la MP4/13 de 1998. Plus tard, Ron Dennis avait de nouveau approché le Kaiser, fin 1999, dans l’optique du championnat 2001, mais le triomphe de la Scuderia en 2000 avait rendu les plans du patron de Woking totalement caducs. Schumi pouvait dès lors se lancer dans une exceptionnelle moisson de victoires.

Les écuries qui ont perdu Schumacher ou Newey s’en sont vite mordu les doigts. Fin 1995, Flavio Briatore avait lancé d’un ton arrogant la phrase suivante : Nous verrons bientôt, qui de Schumacher ou Benetton, faisait gagner l’autre ... Le jet-setter italien aurait mieux fait se taire, car l’écurie du marchand de pulls amorça son déclin en 1996. Gerhard Berger remporta l’ultime victoire de Benetton en 1997 à Hockenheim. Ironie du destin, Briatore avait reproduit avec Alonso le schéma vainqueur Schumacher - Benetton. Champion du monde en 2005 et 2006, le Renault F1 Team fut orphelin du pilote espagnol en 2007. Parti chez McLaren, Alonso ne fut pas remplacé, Renault payant aussi la perte des pneus Michelin. Sans Alonso et Bibendum, le Losange sombra, de façon impuissante, malgré le coup d’éclat d’Heikki Kovalainen au Mont Fuji.

Williams paya très cher le départ de Newey fin 1996, plus encore conjugué à celui de Renault fin 1997 ... Mais, du haut de sa tour d’ivoire, Frank Williams à l’époque, n’était pas tendre avec ceux qui faissaient son succès, tel Damon Hill. Jamais soutenu psychologiquement par Frank Williams et Patrick Head en 1994 et 1995, le fils de Graham subit en 1996 un terrible et cynique camouflet verbal de la part du patron de Grove : Damon a été remercié par un titre obtenu par 251 personnes et des millions de livres sterling. Limogé sans pitié par l’écurie Williams, le Londonien savait qu’il serait remplacé par Heinz-Harald Frentzen pour 1997.

Sortant de sa disette en 2001 avec BMW, Williams y replongea dès 2005, orpheline du grand constructeur munichois. Quant à McLaren, qui laissa filer Newey en 2005 chez Red Bull dans les valises de David Coulthard, pas sûr qu’elle aurait connu l’éruption volcanique que fut le Stepneygate en 2007 si Newey avait toujours tenu le gouvernail du navire de Woking ... Après le départ de Newey, Ron Dennis et Martin Whitmarsh confièrent les opérations et la responsabilité du département technique à Mike Coughlan. Arrivé en 2003 à Woking, ce dernier demanda une augmentation plusieurs fois après le départ de Newey. Mais en 2006, la MP4/21 fut un ratage exemplaire, sanctionné par une campagne où McLaren rentra bredouille pour la première fois depuis 1996 ! Coughlan ne valait pas Newey, il ne fut donc pas rétribué à la hauteur du génial ingénieur anglais, et la frustration née de sa stagnation salariale par Ron Dennis provoqua l’affaire d’espionnage de 2007, en collaboration avec un autre renégat, Nigel Stepney, placé sur un siège éjectable chez Ferrari devant Jean Todt sans la protection de Ross Brawn, son mentor, parti en année sabbatique fin 2006 (au moment de la retraite de Schumacher, effective après Interlagos) !!

Retraité fin 2006, auteur d’un come-back chez Mercedes entre 2010 et 2012, Michael Schumacher a pu constater qu’Adrian Newey fait toujours gagner ... L’écurie Red Bull, qui a débauché l’ingénieur vedette en 2005, le paye à prix d’or (13 millions de dollars par saison), a ainsi conquis quatre couronnes mondiales consécutives grâce au talent de pilote du jeune Sebastian Vettel, compatriote et héritier du Kaiser en Allemagne.

Restent, de cette période 1994-2004, quelques brillantes courses des deux côtés (10 victoires sélectionnées de chaque côté) :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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