Les bases de la politique énergétique européenne pour les deux prochaines décennies
par Antoine Christian LABEL NGONGO
mardi 16 janvier 2007
Le projet de politique énergétique commune a été présenté par la Commission européenne. Il devrait s’appliquer pour les vingt ans à venir. Il s’agit de répondre aux inquiétudes en matière d’environnement et d’urbanisme ; notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre par le développement des énergies renouvelables. Les autres axes de réflexion de la Commission concernent les dissociations entre producteurs d’énergie et gestionnaires des réseaux de distribution.
Le réchauffement de la planète est dû en grande partie au choc pétrolier et à l’augmentation de la consommation d’énergies fossiles. Le message qu’a adressé le président de la Commission, José Manuel Durrao Barroso en présentant les mesures d’une politique communautaire de l’énergie aux vingt-sept, ce mercredi, est : « L’Europe a un besoin urgent d’une politique énergétique ambitieuse et cohérente. » Le premier axe de ce plan d’action est de s’attaquer aux causes du réchauffement climatique en diminuant les émissions de gaz à effet de serre. L’Union européenne n’arrive pas à remplir ses objectifs du protocole de Kyoto. Ils consistent en une réduction de 8 % des émissions de CO2 à l’horizon 2010 par rapport au niveau de 1990. La Commission européenne propose donc à l’UE un engagement unilatéral dans l’idée de réduire d’au moins 20 % ses émissions en 2020 par rapport à 1990 (l’année de référence).
Le commissaire en charge de l’énergie, monsieur Andris Piebalgs, souhaite une « nouvelle révolution industrielle afin que l’Union européenne devienne une économie à forte efficacité énergétique ». La Commission européenne mise tout sur le développement des énergies renouvelables, dont la part sera portée à 20 % de la consommation totale d’énergie de l’UE en 2020, en développant des technologies plus propres, dans l’éolien, le solaire, la production de carburants bio (verts). Elle veut également augmenter l’efficacité énergétique des pays membres grâce, notamment, à des bâtiments mieux isolés, des appareils électriques moins gourmands en énergie et le développement des transports publics.
Retour du nucléaire à envisager
Quelle est la place à réserver au nucléaire dans ce projet de la Commission européenne ? Le rapport s’attache à éclairer les points forts de cette source d’énergie dans la lutte contre l’effet de serre. A l’inverse des politiques de sortie du nucléaire de pays comme l’Allemagne ou la Belgique, la Commission y voit un avantage parce que « l’énergie atomique est moins vulnérable aux fluctuations de prix que le charbon ou le gaz, car l’uranium ne représente qu’une part limitée du coût de production de l’électricité nucléaire ». Plusieurs pays, comme la Finlande, ont amorcé ce retour, en construisant de nouvelles centrales, mais le texte laisse l’entière responsabilité de décision aux Etats membres. « C’est à chaque pays membre de décider de recourir ou non au nucléaire » mais, toujours d’après le plan, cette décision doit s’accompagner « d’une solution de remplacement dégageant peu de gaz carbonique ».
Ce texte soulève beaucoup de critiques du côté des ONG environnementalistes et des Verts qui jugent ces mesures trop timides. L’organisation Greenpeace aurait souhaité une plus grande réduction des émissions de gaz carbonique : soit 30 % de moins en quinze ans. Par ailleurs, des voix s’élèvent pour souligner que les objectifs en matière d’énergies renouvelables sont irréalistes, car la production de biocarburants ne laisserait plus de terres pour l’agriculture.
Les autres préoccupations de la CE et de certains pays européens
Il est à noter que le changement climatique n’est pas la seule préoccupation de la Commission européenne. Elle entend développer la concurrence sur les marchés énergétiques en plaidant pour la séparation entre producteurs d’énergie et gestionnaires de réseaux de distribution. La prudence est de rigueur, la CE propose donc deux options spécifiques : soit la mise en place d’un opérateur indépendant de gestion des réseaux, dont le producteur pourrait rester propriétaire, soit une séparation totale entre producteurs et distributeurs. La commissaire à la concurrence, madame Neelie Kroes, comme certains de ses collègues, plaide pour un dégroupage total, cette option s’appliquant déjà dans une douzaine de pays.
Elle devrait favoriser les investissements nécessaires à la modernisation des lignes électriques et des gazoducs. Néanmoins, cette décision, si elle venait à se mettre en place en France, serait lourde de conséquences pour notre pays. La France verrait alors à longue ou courte échéance, une ouverture vers le démantèlement des anciens monopoles que sont EDF et ou GDF. C’est pour cette raison que le gouvernement français a aussitôt réagi en réaffirmant son opposition à toute séparation des activités de production et de transport. La France s’oppose également à la suppression des tarifs réglementés que prône la Commission européenne. Cette libéralisation du marché, selon les syndicats, ne pourra se faire qu’au dépend des consommateurs, car elle entraînera forcément une hausse des prix.
Ce sujet sur lequel les sensibilités nationales divergent n’est pas le seul. Des discussions sur toutes ces propositions par les pays européens vont s’engager jusqu’à leur prochaine adoption lors du sommet européen prévu en mars.