Casse-Noisette

par C’est Nabum
vendredi 15 décembre 2023

 

De quelle noix elle se chauffe ?

 

Une noisette broyait du noir en faisant le point sur sa destinée. Faire de l'huile ou bien de la liqueur n'avait rien d'exaltant pour celle qui se refusait catégoriquement à tomber dans les fourches Caudines d'une crème chocolatée à l'huile de palme. Les fruits à coque peuvent aussi avoir une pensée écologique, notre noisette était de ces êtres qui se situent dans un contexte global.

Sa vie n'était pas du gâteau d'autant qu'elle courait encore le risque de finir dans les réserves monétaires d'un écureuil adepte de la thésaurisation forcenée. Elle envisageait de se refaire la coque ou plus sûrement de changer d'apparence. Elle en avait assez de ce jeu de « drupe ». Elle entendait également ne pas être pointée du doigt par la faute de ses allergènes.

Elle songea en premier lieu se perdre dans les bois, se faire gland pour donner tout simplement naissance à un merveilleux chêne qui lui permettrait de prendre de la hauteur et de l'âge. Elle ignorait alors qu'avec bien des précautions et des préparations, le gland est comestible. Dans pareil cas, autant opter pour un fruit à la meilleure réputation. Avec le gland, elle craint de passer pour une idiote.

La noix lui sembla être sa cousine la plus proche. Une curieuse idée que celle-ci qu'on pourrait qualifier d'éponyme. Sa vie ne serait guère différente à moins d'en faire toute une salade, ce qui ne l'enchantait guère. Elle ne se sentait pas dans son assiette à la perspective de finir ses jours en compagnie d'un avocat et d'un magret de canard. Elle explora encore les lointaines cousines de Cajou ou d'Amérique, de Pécan ou de Macadamia en repoussant la perspective apéritive.

Elle avait envie de se garer des voitures, d'avoir une vie tranquille et par une malencontreuse difficulté orthographique elle songea à l'amande elle qui raffolait des aubergines. Confusion funeste s'il en est qui faillit la placer sur une voie de garage d'autant plus du reste qu'elle découvrit que certains usent de l'huile d'amande douce pour des usages dont il convient de taire la destination.

Notre noisette tournait en rond. De toute manière son destin ne pourrait être que culinaire. Il n'y avait pas à espérer autre chose. Se présentait à elle l'éventualité de l'arachide. La cacahuète en guise de transition avec l'abomination précédente avait de quoi la faire sourire. Mais que dire des innombrables problèmes de santé publique que pose celle qui a fini par griller toutes ses cartouches ?

La noisette aspirait à l'état de nature au cœur d'un territoire qu'elle chérissait. En cela, elle était bien dans l'air du temps. Elle se rêva en châtaigne bien protégée dans cette bogue qui lui faisait immanquablement penser à un hérisson. Mettre les doigts sur cette protection c'était prendre le risque d'un mauvais coup de châtaigne pour un gourmand qui se trouvait marron dans l'instant. Avouons tout de gogo que notre noisette baignait dans la confusion et dans une véritable purée de pois.

Elle repoussa cette nouvelle métamorphose se disant qu'un peu d'exotisme pourrait pimenter son existence. La noix de muscade titilla son imagination. Elle ferait le délice des muscadins et des gourmets, ce qui l'enchantait quand elle apprit qu'il fallait passer pour se faire sur le rebord désagréable d'une râpe. Elle en eut des frissons dans le dos.

Elle désirait se mettre au vert, la chose était entendue. Elle pouvait prendre à la lettre ce désir en devenant pistache. L'idée de distraire les buveurs lors d'un apéritif avait de quoi finalement la satisfaire mais hélas, une tout autre perspective se proposait à elle qui la glaça totalement. Elle en eut même les boules ce qui expliqua un nouveau refus.

Que lui restait-il ? Devenir pignon de pin bien à l'abri dans une pomme n'était pas pour lui déplaire. Elle se voyait vivre dans les Landes, profiter de l'air marin bénéficier d'un climat favorable avant que de finir son existence comme toutes les autres noix. Mais le grand dérèglement climatique lui promet plus sûrement de se brûler les ailes lors qu'un grand incendie forestier que dans une préparation culinaire. Elle se refusait à sentir le roussi.

 

La noisette à bout de ressource ne voyait plus que la noix de coco pour lui offrir une transformation acceptable. Elle buvait même du petit lait à l'idée de se déplacer ainsi dans un pays exotique. Les bienfaits de ce fruit n’étaient plus à démontrer. Elle avait là une possibilité des plus agréables même si elle devait se résoudre à prendre l'avion pour venir finir sa vie sur une table européenne. Ce fut ce qui l'en dissuada.

Elle se dit au bout du compte qu'elle était fort bien en noisette pourvu qu'elle participe à la soirée Casse-Noisette de l'association AAAO, association pour l'amitié à l'Argonne et dans l'Orléanais, à la condition qu'elle soit cultivée par des gens du pays. Elle jeta son dévolu sur Damien Javoy, son épouse Françoise, et son fils Clément, arboriculteurs hilairois qui cultivent ce fruit aux nombreuses vertus et riche pour la santé depuis bientôt cinquante ans.

Elle aura ainsi le bonheur de succomber sous un casse-noisette pendant qu'un conteur racontera des histoires à dormir debout. Au terme de la veillée, l'extraordinaire gâteau creusois de Laurent Rabier sera proposé aux bénévoles. Il est fabriqué avec des noisettes qui ont macéré une année entière dans l'alcool de fruit pour préparer une fabuleuse liqueur. N'est-il pas plus belle destinée pour une noisette de chez nous ?

 

Vendredi 15 décembre

19 heures

Veillée Casse-Noisette

à La Méchante Vente


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