La reconversion des lutins

par C’est Nabum
lundi 25 décembre 2023

 

Nous vivons une époque formidable.

 

Il y a du rififi dans le service de distribution du vieillard en cape rouge qui en dépit des évolutions continue d'exiger la livraison des cadeaux en une seule nuit. Pour les lutins, c'est un travail de forçat qui les contraint à jongler avec les fuseaux horaires, l'absence de cheminées dans certaines maisons et désormais les évolutions dues à la crise énergétique.

Avant d'aller plus loin, je vous invite à compatir pour nos petits livreurs nocturnes devant la complexité de leur tâche quand les pompes à chaleur viennent bouter les chauffages traditionnels. Comment se glisser dans une machine qui souffle le chaud et le froid ou bien s'insinuer dans un panneau solaire alors qu'on vient du Pôle Nord ?

Je devine que la question ne vous a jamais effleuré l'esprit. Il est vrai que les considérations économiques prennent souvent le pas sur le rêve et la magie de l'enfance. Les lutins quant à eux n'ont pas le choix, ils doivent se confronter au réel, adapter leurs techniques d'intrusion pour remplir leur mission alors même que des familles n'hésitent pas à brancher le signal d'alarme durant cette fameuse nuit.

Vous ignorez sans doute que ces petits êtres ont dû prendre des cours d'électronique pour sécuriser leur venue chez les adeptes de la domotique. Ils ont dû se barder de détecteurs qui ont considérablement alourdi leur équipement ce que mit à profit le Père Noël, un employeur pas aussi coulant qu'il veut bien le laisser paraître, en exigeant désormais un bon de livraison dûment signé.

Ce petit détail n'est pas sans importance et explique sans doute que les adultes sont contraints de veiller cette nuit-là pour apposer leur marque sur le boîtier électronique de livraison. Par la même, ils ont pris l'habitude dans nombre de maisons de distribuer les fameux colis aux enfants, le soir même du réveillon, ce qui brise singulièrement la magie du jour de Noël.

Tout ceci fut intégré par nos lutins qui firent preuve d'une formidable capacité d'adaptation. Nos médias du reste n'ont pas assez souligné ce point. Cependant, tous ces efforts n'ont pas été reconnus à leur juste valeur par un employeur, modèle de conservatisme. Le bonhomme a vu rouge quand les lutins ont réclamé une augmentation. Il s'en est même arraché les poils de barbe.

Les pauvres petits livreurs songèrent un moment faire grève mais cette action ne serait pas populaire dans les chaumières, c'est le moins que l'on puisse dire. Après une assemblée générale particulièrement agitée, une idée a fait l'unanimité. Les lutins adoptèrent le statut de traîneau entrepreneur pour assurer une activité complémentaire après la Noël.

Ayant fait le constat que plus il vieillissait et plus leur patron devenait sénile au point de répondre favorablement à presque toutes les demandes de garnements qui n'ont même plus besoin d'être sages pour recevoir des montagnes de cadeaux, les lutins avaient observé une désaffection certaine pour nombre des jouets livrés.

Soucieux de participer à leur niveau à une bonne action, ils songèrent à organiser un système de revente des surplus en modifiant la pratique du retour à l'envoyeur. Sans rien dire à celui qui désormais sucrait les fraises, ils se chargèrent à la fois de rechercher et de porter ailleurs les cadeaux qui correspondaient à différents critères :

L'idée fit un tabac quoiqu'elle semblât à première vue un peu fumeuse. Les lutins en tirèrent tant de bénéfices qu'au fil des années, ils se sont offert une flotte de camionnettes pour livrer à domicile sans avoir besoin de se geler sur le traîneau du vieux bonhomme qui malgré tout continue de faire illusion la nuit de Noël.

Le vieux ayant perdu toute crédibilité vis à vis de ses employés, il a lui aussi changé de bonnet ou plus exactement d'activité en jouant les représentants de commerce ou la vedette sur le retour dans les centres commerciaux et les marchés de Noël. Une activité qui fait de lui désormais l’intermittent du spectacle le mieux rémunéré.

Ces changements ne sont pas passés inaperçus auprès des enfants et c'est pourquoi je tenais à les leur révéler. Ils ne constituent que quelques adaptations au contexte économique qui ne doivent en rien mettre en doute leur croyance en ce vieux bonhomme et son armée pacifique de lutins débrouillards.

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